Une curieuse campagne de falsification de l’histoire désigne les Bassa et les Bamiléké comme les seules victimes des massacres perpétrés par la France et ses suppôts au Cameroun.
La visite éclair du président français, au Cameroun, le 3 juillet 2015, n’en finit pas de faire des vagues, tant au sein de l’opinion publique que dans les représentations diplomatiques basées à Yaoundé. Et ce sont les déclarations de François Hollande qui sont à la base de la controverse.
Dans l’une de ses interventions justement, Dieu seul sait qu’en en a pas beaucoup fait, François Hollande a déclaré à mondovision, que la France reconnait qu’il y a eu des répressions en pays Bamileké et Bassa après les indépendances.
Toute contre-vérité qui nécessite d’être corrigées. C’est déjà une aberration qu’un président français soit mal ou pas du tout renseigné sur l’histoire d’un peuple que la France a surexploité et opprimé pendant près d’un demi-siècle.
C’est encore une incongruité qu’il s’aventure, au siège du pouvoir camerounais, à faire de fausses déclarations sur cette histoire tronquée, à l’occasion d’une visité d’Etat, de surcroit. Un éclairci sur l’action barbare de Roland Pré et Pierre Messmer Dire que ce que la France a fait subir aux populations camerounaises s’appelle « répression », c’est dénaturer toute la réalité de la barbarie sanglante qui aura décimé de nombreux villages durant cette période de l’indépendance du Cameroun.
De fait, André Soucadaux ayant été jugé trop tendre face à la montée en puissance de l’UPC, dont le charisme des leaders liait tout le monde à la cause de ce parti, le choix avait été porté sur le « sanguinaire » Roland Pré comme haut-commissaire.
Un vrai boucher ! Nous sommes alors en 1954. Entre décembre 1954 et mai 1955, Roland Pré fera passer de vie à trépas, des centaines de Camerounais opposés à l’ambition coloniale française, qui visait sommes toutes à inclure le Cameroun au sein de l’Union française, et ainsi refuser l’indépendance à ce pays.
Il ne s’agissait pas des « répressions » comme l’a prétendu le président François Hollande, mais plutôt de barbares « massacres ». Un véritable maquis français qui avait pour but ultime, éliminer tous ceux qui avaient des germes d’upéciste et donc, de nationalistes.
En outre, étant donné que l’armée camerounaise ne sera véritablement créée que le 11 novembre 1959, toutes les actions criminelles perpétrées contre les nationalistes étaient donc l'œuvre des soldats français bien entrainés et bien équipés, militairement parlant.
On en veut pour preuve les aveux de repentir de certains bourreaux tel le général Jean Lamberton, qui avait témoigné qu’il était le principal bras actif des massacres des nationalistes camerounais entre 1948 et 1971. Ce qui nous permet de faire également une lumière sur la période pendant laquelle des milliers de nationalistes camerounais ont perdu la vie.
Car, bien avant 1960, de nombreux assassinats, pendaisons et décapitations avaient été pratiqués au sein de la population, pour semer la terreur. On en évalue à des milliers, ceux qui sont tombés pour la cause du pays, de l’indépendance vraie du Cameroun. Et les concernés n’étaient pas que Bamiléké ou Bassa, originaire du Nyong-Ekelle ou de l’Ouest.
Stop à l’histoire mensongère des martyres
Nul ne peut nier le rôle inaltérable joué par les peuples Bassa et Bamileké dans la lutte pour l’indépendance au sein de l’UPC. Ils ont constitué au sein de ce parti, de véritables figures africaines de la lutte pour l’autodétermination.
Par leurs actions et leur discours, l’UPC, en tant que branche camerounaise du grand mouvement panafricaniste, le Rassemblement démocratique africain (RDA), aura inspiré d’autres pays de par le monde Cam er.b e, grâce aux discours audacieux de son leader charismatique, Ruben Um Nyobe, à la tribune de l’ONU.
Mais il serait dangereux de dire que les seuls combattants et martyrs de l’indépendance du Cameroun, sont les seuls Bamileké et Bassa. L’histoire est le garant de la conscience et de la mémoire collective pour un peuple. Et comme tel, elle mérite d’être bien écrite, restituant des faits vrais.
La vérité est que, au-delà des héros si souvent cités tels Ruben Um Nyobe, Abel Kingué, Ernest Ouandié, Bapia Etienne alias Kul Ndutu, Félix-Roland Moumié, et autres, il y a d’autres fils du pays qui ont souffert le martyr pour la même cause nationaliste.
C’est pourquoi à cette liste des plus médiatisés, mieux, des plus connus, il faut ajouter des militants aussi bien connu qu’idéologiquement convaincus tels : Ossendé Afana, Mondjengue Samson, Zeze Samuel, Docteur Ndongo Diyè, Maître Michel Ndoh, Njawé Nicanor, Tchaptchet, Ngo Mebe, Emma Ottou, Woungly Massaga, etc.
Même si tous ne sont pas morts aux champs de bataille, ils ont participé à la lutte pour l’autodétermination du Cameroun. Voilà ce qui est la vraie histoire à léguer à la descendance, de génération en génération. C’est ici la mémoire à conserver par tous et pour tous.
Quoiqu’il en soit, vouloir s’approprier la paternité des martyres de l’indépendance par quelques ethnies que ce soit, est en soi-même une très grande maladresse. La France a beau se tromper, cela peut s’expliquer, mais les Camerounais ne doivent pas être dupes, quand il est question de restituer la vérité sur les pires instants de leur passé commun. Au demeurant, parler de tel ou de tel peuple comme martyre des luttes indépendantistes, n’a rien de mémorable.
La lutte pour l’indépendance est une lutte de tout le peuple
L’histoire du monde est faite des luttes pour la libération, mieux, pour la liberté. On peut à juste titre citer les guerres de cessession des noirs dans les États du sud des États Unis d’Amérique, la révolution française ou les combats contre les nazis ayant divisé la France en deux en 1940 ; les guerres d’Indochine, etc.
Seulement, à chaque fois, il n’a pas été question d’attribuer la victoire à une frange du peuple, mais à tout le peuple Cam er.b e. De fait, Il n’y a pas de combattant isolé pour la cause de la liberté. C’est le peuple tout entier qui, d’une manière ou d’une autre, est l’âme même d’un combat.
Dans une cohésion psychologique et dans une ferveur dans l’action concertée, l’aspiration pour la liberté galvanise chaque peuple de la terre, chaque fois que ce dernier s’est senti prisonnier d’une cause qui n’est pas la sienne.
C’est pourquoi toutes les victoires des peuples de par le monde, n’ont jamais été attribuées exclusivement à un groupe, au nom de ses actions de bravoure. La victoire a toujours été celle du peuple tout entier. Hô chi Minh et ses troupes ont mis à mal l’armée française à Diên Biên Phu en 1954, mais le triomphe fut celui de tout le peuple indochinois.
Gandhi et Nehru ont porté l’indépendance de l’Inde, mais la gloire fut celle de tout le peuple indien tout entier. Martin Luther King aura été le socle de la victoire contre l’oppression blanche, mais le triomphe a été attribué à tout le peuple noir d’Amérique, etc.
Ainsi donc, le Cameroun se devrait de comprendre que, les victoires de l’UPC contre l’occupation française, ne sont pas à mettre exclusivement à l’actif de quelques figures. C’est la victoire du peuple camerounais tout entier. Ce peuple qui, à l’exclusion de quelques opportunistes politiques avides de pouvoir et prêts à brader la liberté authentique, aura porté la cause nationaliste dans ses prières, ses dépenses, ses douleurs et son sang versé.
Il y a bel et bien eu des têtes de file dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun, mais l’âme même qui portait ces combats, c’est le peuple camerounais tout entier, sans exception ni exclusion.
La véritable vraie histoire du Cameroun doit pouvoir être enseignée à la descendance, et que la mémoire collective soit chose sacrée lorsque l’on veut faire allusion au sang versé par un peuple assoiffé de liberté, qui aura entrepris à sa manière sa lutte de libération, mais que d’autres ont cru devoir qualifier de maquis.