Massacre de Menka: les incohérences de Issa Tchiroma révélées

Issa Tchiroma Opposant Au moins 30 présumés terroristes ont été tués par l'armée à Menka

Fri, 8 Jun 2018 Source: camer.be

A travers une tribune signée de son président, le Mouvement pour le Renaissance du Cameroun (Mrc), déclare que Paul Biya " doit des explications au peuple camerounais sur les massacres du village Menka, et sur la guerre civile meurtrière qui sévit dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest".

L'intégralité de la déclaration:

Déclaration du MRC sur le massacre du 25 mai 2018 dans le village martyr Menka, et sur la sanglante guerre civile en cours dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest: le chef de l’Etat doit une explication au peuple Camerounais !

Même si par la force des choses les Camerounais semblent s'accoutumer, malheureusement, aux images insoutenables de soldats tués, décapités..., de jeunes tués et abandonnés dans la nature, aux prises d'otages utilisés aux fins de chantages, aux incendies d'écoles, etc., ils ont été bouleversés par les horreurs commises dans la nuit du 25 mai 2018 à Menka le village martyr du département de la Mezam dans le Nord-Ouest.

Face à l’exceptionnelle gravité de la situation, le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) a fait le choix d’attendre les explications du Gouvernement avant de se prononcer. Outre la sortie du porte-parole de l’Armée publiée le 25 mai sur les réseaux sociaux, le mardi 29 mai le ministre de la Communication et Porte-parole du Gouvernement s’est exprimé au cours d’une conférence de presse spéciale diffusée sur les antennes de la télévision publique (CRTV).

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Ces images atroces nous ont replongés dans l’histoire tragique de notre pays, plus précisément dans les évènements de la guerre contre les nationalistes menée à la veille et après l’indépendance du Cameroun et pudiquement dénommée opération de « pacification».

En effet, depuis l'éclatement de la crise anglophone, des dizaines de jeunes Camerounais, hommes et femmes, ont été tués, au nom d’une guerre totale déclarée par le président Paul BIYA, le 30 novembre 2017, sur le tarmac de l’aéroport de N’Simalen, à la suite de l’assassinat sauvage de six militaires et policiers par les sécessionnistes à Mamfé, dans la Région du Sud-Ouest.

On se souvient que, informé de ces crimes, le chef de l’Etat avait déclaré à la descente de l'avion: «Toutes les dispositions sont prises pour mettre hors d'état de nuire ces criminels et faire en sorte que la paix et la sécurité soient sauvegardées sur toute l'étendue du territoire national». Et à sa suite, le Ministre de la Défense expliquait : «Lorsque le chef de l’État prend une décision politique comme celle-là [éradiquer les combattants séparatistes], nous allons la mettre en œuvre sans état d’âme».

Après que les horreurs de Menka ont été rendues publiques, le porte-parole de l’Armée a fait une sortie qui laisse penser que ce sont nos forces de défense qui ont produit le macabre bilan du 25 mai dans ce village près de Santa. De plus, le 29 mai, lors d’une conférence de presse dédiée, le ministre de la Communication et Porte-parole du Gouvernement a levé tout équivoque, non pas, hélas! Sur les circonstances des horreurs commises, mais sur le fait que les Camerounais victimes de ces atrocités ont été abattus par l’Armée. Plus grave, le Porte-parole du Gouvernement a prévenu les Camerounais de ce que si ceux qui ont pris les armes contre leur patrie ne les déposaient pas, et ce sans conditions, il faudrait malheureusement que l’on s’attende à revoir d'autres scènes horribles comme celles de Menka !

On peut constater, avec effroi, que les postures du pouvoir, en l'occurrence du chef de l’Etat, chef des Armées et du Ministre Délégué en charge de la défense, semblent avoir enlevé à l'Armée nationale toute obligation de compétence morale et de respect des règles du droit des conflits armés dans la conduite de cette sale guerre.

Les premières explications données par le porte-parole de l’Armée au sujet de cette boucherie laissent perplexes et sont à bien des égards insatisfaisantes. Il en est de même de celles données dans une décontraction surprenante par le porte-parole du Gouvernement sur les antennes de la télévision nationale (CRTV), le mardi 29 mai 2018, au soir.

Aussi, le chef de l’Etat, chef des Armée doit-il faire, sans délai, une clarification des circonstances exactes de cette tragédie. Il le doit au peuple camerounais. Ces évènements viennent malheureusement conforter la position du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et de nombreux autres acteurs tant nationaux qu’internationaux selon laquelle le recours à la force armée n'est pas la solution idoine à la crise anglophone. Dès le départ, le MRC a tenté de décourager le pouvoir d’engager le pays dans cette aventure. Hélas! En vain.

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En plus de l'explication attendue par la nation, le chef de l’Etat doit ordonner une enquête sérieuse sur cet évènement qui endeuille les familles et met tristement à nouveau notre pays sur la sellette.

Il est donc dans l’intérêt du Gouvernement de faire toute la lumière sur les massacres de Menka, qui surviennent alors que certains pays amis du Cameroun - pourtant présents à ses côtés dans la lutte contre la secte Boka Haram - après avoir condamné sans ambigüité les actes terroristes intolérables des sécessionnistes, ont dénoncé publiquement "des assassinats ciblés" commis par les forces de sécurité dans les régions anglophones en crise. Sa crédibilité, tant au niveau national qu’international, en dépend.

Les propos graves du porte-parole du Gouvernement, qui visaient peut-être à contraindre à la reddition ces Camerounais en rupture de ban avec le République, sont profondément inquiétants pour les mères, épouses, enfants, pères, frères et sœurs des éléments des forces de défense engagés sur le front, des agents de l’Etat qui y travaillent, mais aussi les populations prises en otage par l’intransigeance des parties.

On a dit que la guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens. Or, dans la guerre civile qui ravage les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le pouvoir a déclenché la guerre pour mettre fin à la politique. Au regard de la situation désastreuse à laquelle fait face désormais notre pays, il est impératif que le politique reprenne sa place dans la crise qui le déchire, par l’organisation urgente d’un dialogue inclusif et patriotique que le MRC et désormais toutes les forces politiques et la société civile camerounaises appellent de tous leurs vœux.

Dans le cadre de la crise sanglante qui secoue les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le Tribunal militaire de Yaoundé a infligé de lourdes peines à Mancho Bibixy, dit BBC, et à ses compagnons d’infortune déclarés "coupables d’actes de terrorisme, hostilité contre la patrie, sécession, révolution et insurrection".

Cette lourde condamnation a un caractère politique. Que l'on se souvienne que les abus graves commis à Buea, notamment sur de jeunes étudiantes, au tout début de la crise par des éléments des forces de défense et de sécurité identifiables, constituent l’un des éléments de la radicalisation des protestataires dans cette crise qui persiste depuis près de deux ans après son éclatement, et que malgré le basculement du pays dans la guerre civile dans les Régions concernées, aucun de ces éléments des forces de défense et de sécurité n’a encore été inquiété par la justice.

Le déroulement des massacres de Menka dans la nuit du jour même où Mancho Bibixy et ses compagnons d’infortune se sont vus infliger de lourdes peines par le Tribunal militaire de Yaoundé, démontre à suffisance que la répression ne suffira pas pour ramener la paix dans notre pays.

Comme tous les Camerounais de bonne foi, les militants et sympathisants du MRC, dont l'ardeur de leur amour patriotique est connue, sont contre tout projet séparatiste. Ils condamnent les lâches attaques contre les soldats qui remplissent courageusement leur devoir de sécurisation des populations; en même temps, ils condamnent tout aussi fermement les assassinats de civils dont l'implication dans les combats n'est pas avérée, les châtiments collectifs menés «sans état d’âme» par l’Armée. Ils demandent qu'un terme soit mis immédiatement à la guerre dans les régions anglophones. Trop de sang a déjà coulé ! Le dialogue ne peut plus être différé.

Auteur: camer.be