Le 16 avril 2012, M. MARAFA HAMIDOU YAYA, ancien secrétaire général à la Présidence de la République, puis Ministre d’État en charge de l’Administration territoriale et de la décentralisation du Cameroun a été inculpé de « coaction de détournement des deniers publics» pour des faits remontant à l’époque où il était le plus proche collaborateur du Président PAUL BIYA en 2001/2002. Un mandat de détention provisoire est immédiatement émis à son encontre, et depuis il est sequestré dans les locaux du Secrétariat d’État à la Défense – siège de la Gendarmerie Nationale – à Yaoundé.
À la suite d’un procès expéditif devant le Tribunal de Grande Instance du Mfoudi siégeant en matière criminelle, sans égard au respect des règles élémentaires des droits de la défense – l’accusé n’ayant pu bénéficier du droit à l’instruction de sa cause, ses conseils n’ayant pas pu obtenir remise utile pour prendre connaissance du dossier – un verdict politique intervient les 22 et 23 septembre 2012.
Les débats auront duré six (06) semaines, au cours desquelles les auditions ont été menées dans des conditions de pression physique et psychologique attentatoire à la dignité des personnes, en violation notamment de toutes les conventions internationales ratifiées par de l’État du Cameroun.
Les États-Unis considèrent depuis lors M. MARAFA HAMIDOU YAYA comme un prisonnier politique – reconnaissance contenue de manière explicite dans les différents rapports annuels du département d’État – à lier notamment avec les graves manquements constatés au cours de son procès, l’ingérence systématique de l’exécutif dans la procédure judiciaire, les conditions inhumaines de détention sous haute sécurité dans les sous-sols de la Gendarmerie Nationale.
Une analyse confirmée par l’Ambassadeur américain d’alors au Cameroun Robert P. Jackson – occupe aujourd’hui la même fonction à la la représentation diplomatique des États-Unis au Ghana – lorsqu’il déclarait dans la presse camerounaise qu’il y avait eu «des manquements au procès et peu de preuves».
En rappel les faits objets de poursuites portent sur l’acquisition par le Cameroun d’un avion présidentiel, et les pièces versées au dossier de procédure ainsi que les différentes auditions ont démontré sans la moindre équivoque que M. MARAFA HAMIDOU YAYA ne s’était aucunément rendu coupable des faits réprochés. En effet: La décision d’acquérir l’avion présidentielle querelé date de 1995, soit deux (02) années avant la nomination de M. MARAFA HAMIDOU YAYA au poste de Secrétaire Général de la Présidence de la République; Le choix de l’appareil BBJ – 2 coque nue, ainsi que celui de la compagnie JET AVIATION pour l’habillage intérieur de l’avion, ont été faits par le Président de la République PAUL BIYA lui-même; Le choix de la société américaine GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd. comme facilitateur de l’opération d’acquisition est une décision concertée entre toutes les autorités étatiques concernées, lors d’une réunion à laquelle elles ont toutes pris part;
LIRE AUSSI:
https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/NewsArchive/R-v-lations-de-Wikileaks-sur-Marafa-les-USA-et-la-succession-de-Biya-431371">Révélations de Wikileaks sur Marafa, les USA et la succession de Biya
La décision d’impliquer la compagnie aérienne nationale CAMAIR comme acquéreur de l’appareil en lieu et place de l’État du Cameroun a été prise par le Ministre de l’Économie et des Finances de l’époque, M. MEVA’A m’EBOUTOU MICHEL, pour tromper la vigilance des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale et Fonds Monétaire international) qui n’auraient pas compris qu’un pays sous plan d’ajustement structurel s’achète un avion présidentiel;
Le Ministre d’État, Secrétaire Général de la Présidence de la République une fois au fait de la transaction, a proposé une formule de paiement qui n’entrainait pas une sortie immédiate des fonds, à savoir l’émission d’une stand by letter of credit au profit de GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd;
La décision de procéder au paiement au comptant en faveur de GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd de l’acompte de 29 millions de dollars US a été prise et assumée pendant l’audience par le même Ministre de l’Économie et des Finances MEVA’A m’EBOUTOU MICHEL, afin a-t-il soutenu de «ne pas mêler les banques commerciales à l’opération»; Le virement reçu par GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd de l’acompte de 29 millions de dollars US dix (10) jours seulement avanr les attentats terroriistes du 11 septembre 2001 a entraîné des répercussions énormes sur cette société et sur la livraison qui était attendue de l’avion présidentiel en mars 2002, laquelle a été reportée d’un commun accord à la fin septembre 2002;
Malgré la mutation de M. MARAFA HAMIDOU YAYA au ministère de l’Administration Territoriale et de la décentralisation en août 2002, le BBJ – 2 était prêt à être livré en septembre 2002 et une délégation camerounaise rendue à Seattle avec l »accord de la Présidence de la République a procédé à la réception technique de l’avion et le couple présidentiel a reçu en audience à Yaoundé à trois (03) reprises l’équipe de JET AVIATION chargée de l’aménagement intérieur de l’appareil; Le successeur de M. MARAFA HAMIDOU YAYA au Secrétariat Général de la Présidence de la République, le Ministre d’État Jean-Marie ATANGANA MEBARA a, avec l’accord du Chef de l’État Paul BIYA, décidé en novembre 2002, d’exclure GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd de l’opération en traitant directement avec BOEING à qui il a d’ailleurs été demandé courant 2003 de changer le BBJ – 2 pour un appareil plus grand;
La société GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd qui ne s’est pas remise de l’assimilation erronée de son acronyme au groupe terroriste (Groupe Islamique Armé – GIA) après les attentats du 11 septembre 2001, a inévitablement fait faillite et son syndic de faillite a signé un protocole d’accord transactionnel avec la République du Cameroun comportant indemnisation de cette dernière et renonciation de à toutes les poursuites fondées sur ces faits.
LIRE AUSSI:Qui était Jeannette Marafa, la discrète épouse de Hamidou Marafa
Malgré toutes ces évidences concourant à son innocence, le Tribunal de Grande Instance – indéniablement aux ordres – a néanmoins déclaré M. MARAFA HAMIDOU YAYA coupable de «complicité intellectuelle de détournement de deniers publics» et l’a condamné à 25 ans de prison ferme et à payer à l’État du Cameroun (partie civile) la somme de FCFA Vingt et un milliards trois cent soixante-quinze millions de francs (21.375.000.00); soit l’équivalent de l’acompte de 29 millions de dollars US payés à GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd par le ministre de l’économie et des finances MEVA’A m’EBOUTOU Michel (aujourd’hui Secrétaire Général du Sénat) contre l’avis de l’accusé.
Pour contourner l’innocence de M. MARAFA HAMIDOU YAYA qui a été clairement établie, les juges du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi (dont la capitale Yaoundé est le chef de département) auront procédé par malice et astuces:
– D’abord, après avoir reconnu et affirmé que M. MARAFA HAMIDOU YAYA n’a rien retenu ni obtenu des sommes virées à GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd avec laquelle il n’a aucune relation, les juges ont quand même estimé qu’il n’était point besoin d’établir que les sommes litigieuses aient bénéficié à l’agent poursuivi pour le convaincre de détournement de deniers publics; ils invoquent pour cela une décision de la Cour Suprême du Cameroun du 1er décembre 1964 rendue sur la base d’une loi d’incrimination abrogée par le code pénal actuel en vertu duquel les poursuites sont engagées et dont l’article 184 exige expressément la rétention ou l’obtention frauduleuse des deniers ou biens publics par l’agent pour la réalisation de l’infraction;
– Ensuite, face à l’impossibilité de nier l’évidence selon laquelle M. MARAFA HAMIDOU YAYA qui n’a jamais souhaité la sortie des fonds ne peut pas avoir eu l’intention de détourner les deniers publics, les juges ont estimé que l’intention résulte de la nature de l’infraction elle-même et n’a pas à être démontrée; ils invoquent pour cela une décision de la Cour de Cassation française du 04 janvier 1902 rendue en matière de «délit d’excitation des mineurs à la débauche»; pourtant, outre le fait que cette décision concerne un délit spécifique aujourd’hui requalifié en «incitation à la corruption de mineurs», pour l’appréciation de laquelle la Cour de Cassation a changé d’approche depuis plusieurs années, mais également le législateur camerounais a expressément prévu que la réalisation du crime de détournement des deniers publics exige que l’élément intentionnel soit établi;
– Enfin, fermant les yeux sur le protocole d’accord transactionnel qui a consacré l’indemnisation de l’État du Cameroun, les juges ont condamné M. MARAFA HAMIDOU YAYA à payer solidairement avec ses coaccusés la somme de 21.375.000.000 FCFA prêtant ainsi le flanc à un enrichissement sans cause au profit de l’État du Cameroun et violant du même coup l’autorité de la chose jugée attachée à l’accord passé devant le Tribunal du Discrict de l’OREGON aux États-Unis d’Amérique.
Au cours d’une conférence de presse donnée le 02 septembre 2013 à l’hôlel Hilton de Yaoundé, l’ex-bâtonnier et avocat de l’État du Cameroun dans une procédure civile intentée par l’un des coaccusés Yves Michel Fotso aux Etats-Unis, en livrant au public camerounais les conclusions de l’affaire perdue par ce plaignant a fait la révélation déterminante sur cette affaire.
En effet à la question d’un journaliste consistant à savoir si le Cameroun avait effectivement – comme cela se murmurait – reçu plus de 400 millions FCfa et un Boeing neuf en guise de dommage – au terme du procès contre GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd aux États-Unis ; la réponse de Me Akere Muna a été constante:
«Oui. Un avion a été rétrocédé. L’avion était là. Je l’ai récupéré. Je l’ai remis à mon client qu’est l’État du Cameroun. Je ne sais pas ce qu’il en a fait».
Ensuite le conseil de l’État du Cameroun a expliqué que les 400 millions versés par le syndic de faillite du facilitateur GIA INTERNATIONAL Inc. Ltd auront servi à régler les honoraires des avocats tel que le prévoyait un arrangement passé avant le début du contentieux.
Alors pourquoi continuer de maintenir M. MARAFA HAMIDOU YAYA en détention?
C’est la question que posent fréquemment tous les observateurs de la vie publique camerounaise et à laquelle une réponse objective tarde à être donnée.
En effet, en vertu d’une nouvelle loi de procédure promulguée le jour de l’ouverture de son procès et qui supprime la voie d’appel pour des faits de corruption, M. MARAFA HAMIDOU YAYA a immédiatement formé pourvoi en cassation devant la Cour Suprême du Cameroun contre le jugement rendu en premier et dernier ressort.
Cette haute juridiction – elle aussi aux ordres – a bien évidemment confirmé en 2016 la condamnation de l’ancien ministre de l’État camerounais tout en la ramenant à 20 ans d’emprisonnement ferme pour une fallacieuse « complicité intellectuelle de détournements de deniers publics ».
Le 27 avril 2016: Le Comité des Droits de l’homme de l’ONU rend une décision (avis) demandant la libération immédiate et le dédommagement de Marafa Hamidou Yaya; Le Département d’État américain, l’Internationale Socialiste, et plusieurs ONG le reconnaissent fréquemment comme un prisonnier politique. À ce jour aucune rien ne présage d’un desserrement d’étau autour du prisonnier politique M. MARAFA HAMIDOU YAYA.
Bien au contraire, dans le schéma d’un énième hold up électoral qui se dessine à Yaoundé, l’on peut craindre que Paul BIYA le maintienne en détention bien au-delà de 2018. Il n’empêche, nous serons inlassablement là pour rappeler au Président du Cameroun au premier devoir du démocrate: «laisser autant libre ses opposants comme ses partisans dans leurs choix»; prendre le risque d’affronter ses «concurrents» politiques et «adversaires» désignés dans des urnes transparentes. Nul besoin pour ce faire de les séquestrer indéfiniment dans des mouroirs, si réellement votre légitimité tant revendiquée tient de votre extrême longévité au pouvoir.
Monsieur le Président, libérez MARAFA HAMIDOU YAYA!