On avait jusque-là évité de citer Paul Biya dans le meurtre de Mgr Jean Marie Benoît Bala. Mais il va bien falloir se rendre à l’évidence …
L’on pouvait encore supposer, jusque il y a quelques jours, que le brouhaha autour de ce crime odieux ait réussi, comme par extraordinaire, à échapper au chef de l’État. Que Paul Biya ne sait rien et ne comprend rien à ce qui ce passe dans le pays qu’il dirige.
Mais la clameur de l’Eglise a été solennelle. Trop bruyante pour que le locataire d’Etoudi n’ait pas pu l’entendre.
Tous les propos des hommes d’Eglise, au cours des obsèques de Mgr Jean Marie Benoît Bala, ont été d’une gravité unanime, pour dire que l’évêque de Bafia à été assassiné par des personnes au cœur de système gouvernant au Cameroun.
Et, en envoyant Laurent Esso, dont les services sont pourtant accusés par l’Eglise de torpiller l’enquête sur l’assassinat de Mgr J. M. B. Bala, le représenter à ces obsèques, Paul Biya a mis les pieds en plein dans le plat.
Il a montré qu’il savait exactement ce qui se trame autour de Mgr Bala, depuis son enlèvement, jusqu’à ce cercueil scellé qui git en la cathédrale saint Sébastien de Bafia. Mais a-t-il bien reçu le message délivré la veille par Mgr Joseph Akonga Essomba ? Rien n’est moins sûr.
Quoiqu’il en soit, la médaille, apposée par Laurent Esso sur le cercueil de Mgr Jean Marie Benoît Bala, a profondément choqué l’opinion publique, chrétiens ou non. Sans doute, pour beaucoup, une indécence protocolaire dont auraient pu se passer à la fois l’Eglise et le système gouvernant.
La nombreuse foule, présente à la Place de l’Indépendance de Bafia, le lui a bien fait savoir. Sous les huées de fidèles en colère, c’est tremblotant que le ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, s’est acquitté de sa tâche.
Une énième mort pour Mgr Bala, pour certains. Le final d’une symphonie meurtrière qui aura tenu à jouer, jusqu’au bout, sa funeste partition, pour d’autres. Mais sans doute une obstination jusqu’auboutiste, symptomatique de ce dont fait preuve Yaoundé depuis le début de cette dramatique affaire.
Beaucoup se demandent encore comment le chef de l’État a bien pu persévérer dans cette fâcheuse option, après le déchaînement des événements observés ces deux derniers mois et, plus particulièrement, ceux survenus la veille.
Le message du ciel et des hommes semblait pourtant clair, qui a été délivré par la bouche de Mgr Joseph Akonga Essomba. Dans sa prestation magistrale en la cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé, l’ancien Secrétaire Général de la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun accusait formellement « certains faux membres de cette Église, innombrables bienfaiteurs et sympathisants », de vouloir la « détruire de l’intérieur ».
L’allusion n’est pas innocente des accusations proférées contre Martin Belinga Eboutou, l’homme de main de Paul Biya. Le Directeur du Cabinet Civil à la présidence de la République du Cameroun est accusé par plusieurs sources d’être le commanditaire de l’assassinat de Mgr Jean-Marie Benoît Bala.
Comme la symbolique de ces gens qui, « tapis dans l’ombre, veulent toujours faire le mal ». « Ceux qui assassinent les prêtres au Cameroun ».
Des meurtres qui sont liés, selon le curé d’Essos, au pouvoir. Au mépris des vertus du « vrai pouvoir » qui « ignore la violence, construit la paix, Promeut le développement de l’homme entier ». Un savant tableau du triste magistère biyaien.
Comme Saül
Dans l’ordre des symboles, celui de l’Apôtre des nations est particulièrement parlant. « Saül, pourquoi me persécutes-tu ? » Questionne Mgr Akonga, en référence à l’épisode du chemin de Damas.
C’est le cri d’une Église qui en a mare d’être malmenée par ses propres fils. Ceux qu’elles à formés, financés, nourris, éduqués, enseigner. Et, qu’on le veuille ou pas, ce pouvoir est symbolisé, incarné, personnifié : C’est Paul Biya.
L’on ne peut pas continuer à le dire avec détours. Saül est devenu Paul, après sa conversion. Il est plus que urgent que Paul se débarrasse de la réputation de Saül qui lui colle à la peau. Il n’y va pas seulement du salut de son âme, l’avenir du peuple du Cameroun en dépend également.
L’assassinat de Mgr Jean Marie Benoît Bala est une opportunité pour Paul Biya de cesser d’être Saül. Ce pouvoir qui persécute, et pas seulement l’Eglise. C’est son chemin de Damas.
À moins qu’il ne s’agisse d’une vérité, un choix délibéré. La médaille de la honte, portée par Laurent Esso à Bafia, ne serait alors que la preuve assumée d’un fils de l’Eglise qui a choisi sa propre perte.
Car, comme le disait un sage, Père de l’Eglise, et le chef de l’État ne peut pas l’ignorer, il ne serait qu’un marteau, un de plus, qui viendrait s’user sur l’enclume qu’est l’Eglise de Jésus-Christ.