La discipline des manifestants a forcé le respect des autres militaires. Même ceux venus encadrer la marche des grévistes étaient abasourdis devant la détermination de leurs camarades.
Partis du Centre de formation technique des armées à Ekounou le matin, ils se sont dirigés tranquillement vers les services du Premier ministre avant de bifurquer pour se rendre à l’Assemblée nationale. Ils ont dit d’entrée qu’ils ne voulaient pas avoir affaire aux chefs militaires qui passent « leur temps à nous gronder comme des enfants ».
La marche s’est déroulée dans le calme jusqu’à ce que le chef de la division de la sécurité militaire (Sémil) ne tente de les intercepter. Ils ont alors saccagé le véhicule de l’officier avant de poursuivre leur chemin. Des barrages improvisés avec des camions et autres véhicules militaires ne les ont non plus freinés. « Nous voulons que le peuple résolve notre problème, c’est pourquoi nous nous rendons à l’Assemblée nationale », disaient-ils.
Des officiers supérieurs qui occupent de hautes fonctions dans le commandement dont un général de division sont venus au devant des manifestants.ils ont tenté d’amadouer les manifestants sans succès. Puis ils ont essayé de savoir qui étaient les leaders.
Mais les grévistes étaient visiblement préparés à cette éventualité. Imperturbables c’est en choeur qu’ils répondaient à leurs chefs. « Rien ne se ferait sans l’intervention des civils. » Ils ont ressassé la visite en Rca d’un de leurs chefs, « qui nous a grondé, qu’il n’ose pas se présenter à nous sinon il va y a voir du grabuge», disaient certains.
Selon eux, l’Onu a depuis longtemps reversé l’argent de leurs primes aux autorités camerounaises. Ils sont persuadés que le commandement s’est accaparé cet argent. Certains jurent avoir perçu un mouvement suspect au moment de transférer l’argent au Cameroun.
D’après eux, des responsables ont par erreur ou maladresse commencé par adresser à l’Onu le numéro d’un compte bancaire privé avant de se raviser devant la vigilance des comptables de l’Onu. Forts de la conviction de cette malveillance, les manifestants ont ostensiblement refusé lamédiation des chefs envoyés pour leur parler.
Le paiement de la somme de 112.000 FCfa leur a été promis séance tenante au ministère de la Défense, ils l’ont refusé. Ils ont exigé que ce soit des civils qui se déplacent à l’Assemblée nationale pour venir les leur donner. Cette somme représente la prime de débarquement nous a-t-on expliqué.
Mais, les manifestants, eux, réclamaient 24 mois de frais de mission. « Des millions « commente un autre militaire. Cette manifestation est un précédent qui hérisse le poil aux chefs militaires. « L’armée c’est la grande muette. Un militaire même si on lui coupe un doigt, il le met dans sa poche et ne dit mot. Si un militaire va au bar et expose ses problèmes de service c’est préoccupant. S’ils sont deux qui se réunissent pour en discuter c’est terrifiant.
Mais, que des militaires à plusieurs dizaines manifestent en pleine rue pour exposer leur problème ne s’est jamais vu au Cameroun. C’est une escalade dans le processus de désobéissance au Cameroun. Avant c’était les civils qui le faisaient mais, cela fait partie de leurs moeurs. Mais, des militaires c’est un très mauvais signal », nous a confié l’un d’eux.
« Pourquoi n’avoir pas négocié avec eux, alors qu’ils étaient encore à Ekounou et que tous les dirigeants du ministère savaient ce qui se préparait ? Ces dirigeants ont-ils peur de les affronter ? De quoi ont-ils peur ? », interroge un autre.