Nos musiciens ont bien exploité leurs cours de langue

Un MicrophoneUn microphone

Sun, 3 Jul 2016 Source: Hector Flandrin

Le constat est clair. La compétence linguistico-communicative de la néo-génération des musiciens est d’un enjeu majeur.

Il n’ya pas d’âme si tartuffe et fourbe qui ne puisse reconnaitre la nouvelle saveur de nos musiques, quand on constate qu’elle n’est en réalité que le résultat d’une maligne exploitation des cours de langue bien acquis au secondaire par nos nouveaux artistes.

Auparavant, pour d’un zéro à un héros, pour être « facilement » musicien ici, il fallait « vouloir pouvoir » chanter et s’arrêter un instant, pour faire la pétarade complimenteuse et enjôleuse : le fameux « shoubaaaaaa maman Chantal Biya » , en balançant la liste des noms de tous ceux qui puissent nous soutenir, imbibant la musique de quelques cantilènes et de quelques proverbes. Peu importe, nous on dansait quand même.

Maintenant, tout est différent. On danse à tout bout de chant/champ. Même nous, le « bas peuple » nous participons à la musique. Des chansons qui nous font danser, non pas parce qu’elles sont trop accessibles et déontologiques, mais parce que nous chantons avec les musiciens, nous répondons à leurs questions et exécutons leurs ordres qui viennent dans leurs différentes musiques. Nous crions avec eux et nous écrivons même avec eux leurs chansons.

« l’autre » et « l’autre » nous posent les questions, nous on danse. Ils ont appris ça à l’école. Ça s’appelle des phrases interrogatives : Mon ami je dis hein ?/ Tu manges le saucisson, tu dis que tu ne manges pas…. / ma ga’a est laide et puis quoi ? Tu ris ta mère ? mon frère es ce que je

vous gère ?etc.

A cela, certains juxtaposent des phrases interro-négatives : « tu ne vois pas les filles ? »

L’autre nous donne les ordres, nous on danse. Là ce sont des phrases dites impératives ou injonctives : « Attends d’abord mon signal…» (Quelqu’un reste dans un studio, il nous dit : « ATTEND d’abord mon signal »). Pire encore, il nous gronde : « si tu ne savais pas comment faire, mollah il fallait rester chez toi ». Nous on danse… pour nous quoi ?

« Ne met pas ton doigt dans ma sauce », phrase injonctive, nous on danse seulement…

l’autre emploie d’autres procédés stylistiques comme « la répétition » : « dans la sauce, dans la sauce, dans la sauce », l’autre continue : « coller, coller, coller, coller ». Non ce n’est pas le refrain, c’est un effet stylistique opéré sur l’axe paradigmatique. L’autre enchaine une fois : « tuer pour tuer, tuer pour tuer » nous on danse, ça fait quoi ?

il y’a aussi l’emploie des interjections : « il a déjà cogné, waèh » ; « aka, laisse-nous ça ».

Un erratum fondamental à éviter par l’artiste : si tu ne mets pas « mouf », nous on ne danse pas, voila. « mouf tu es mon père », « Partout il y’a les sorciers, sauciers, saucers, mouf ».

« L’autre » a voulu sortir de la gamme des moufs, et a employé une autre unité lexicale relevant d’une synonymie presque total, « Aka, laisse-nous ça ». Un autre « l’autre » crie même : « tu me parles je crie haaaaaaaaaaaaaaaaa »… crie encore… Crie, crie, crie…. ou c’est l’onomatopée ou c’est quoi ooo ? Nous on danse seulement…

Auteur: Hector Flandrin