Est-il possible de moderniser une ville malgré ses habitants ? La question devrait par moments tarauder les responsables de la Communauté urbaine de Yaoundé (Cuy). Surtout en ces temps pluvieux où l’on reparle d’inondations.
Passe encore que soient touchés les quartiers spontanés où la précarité, sinon l’incivisme, a poussé des gens à bâtir dans des marécages. Mais que le théâtre des inondations soit le rond-point de la Poste centrale ou l’avenue Kennedy, dépasse l’entendement.
Dans la mesure où le canal de 4,32 Km construit en 2011, en aval, pour endiguer en temps de crue la furie des eaux la rivière Mfoundi et de ses affluents, le Djoungolo et l’Ekozoa notamment, était censé enrayer ce phénomène. Hélas non ! La fréquence en a diminué, passant d’une moyenne de quinze à moins de trois par an, selon des sources proches de la Cuy.
Laquelle indexe les mauvaises pratiques des populations pour expliquer la persistance des inondations. En cause, le dépôt de déchets dans les cours d’eau et autres canalisations de drainage des eaux. Il n’y a qu’à aller voir au quartier Nsam, au lieu dit Sofavinc, les milliers de bouteilles plastiques qui ont enseveli le lit de la rivière pour jauger le résultat de cet incivisme.
Les autorités municipales expliquent qu’au niveau de la Poste centrale, les avaloirs des eaux pluviales sont régulièrement bouchés par les déchets solides que les populations jettent sur la route. Ce qui fait que les eaux de pluie sont retenues, elles gonflent et ne sont évacuées que lorsque les avaloirs sont débouchés.
Voilà où nous conduisent des pratiques apparemment anodines que constituent ces papiers d’emballage, ces kleenex usagés, ces tourteaux de maïs et autres déchets négligemment balancés des ouvertures de voitures, taxis comme grosses cylindrées, ou déposés par des piétons et des marchands ambulants.
Ces mauvaises pratiques, à la peau si dure, survivent aux campagnes de sensibilisation. Le Projet d’assainissement de Yaoundé (Pady), cadre de la construction du canal du Mfoundi, a accompagné la mise en place de cette infrastructure par une campagne de sensibilisation.
Celle-ci est allée jusqu’à la formation des populations de certains quartiers riverains au tri sélectif des déchets. Mais rien n’y fait. Avant celle-là, trois campagnes de sensibilisation ont été menées au long de la décennie 2000.
La première, organisée en l’an 2000, avait pour thème : « Opération zéro déchet sur les voies publiques ». Elle poursuivait pour objectifs d’amener les usagers à déposer leurs déchets dans les bacs-poubelles, d’une part, les automobilistes et leurs passagers à ne pas jeter leurs déchets par les ouvertures des voitures, d’autre part.
Lancée le 24 mai 2002, la campagne « Dialogue citoyen » fut un forum d’échanges entre les municipalités et les populations de la ville, sur la question de la gestion des déchets.
Conduite en 2005 par HYSACAM, l’entreprise s’occupant de la collecte et du traitement de déchets da ville, une campagne au ton cordial, ludique et plaisant, sous le thème, « Nous ne sommes pas des ordures, mais… » voulait amener les populations à vider les déchets dans les bacs à ordures ; ne pas les jeter sur la voie publique ; ne pas mettre le feu aux dans les bacs à ordures ; ne pas envoyer les enfants vider les ordures ; ne pas vider les ordures dans les cours d’eau ; attendre le camion de collecte pour y vider les ordures. Rien n’y fait. La seconde phase du projet d’assainissement de Yaoundé démarre bientôt. Autour du prolongement du canal jusqu’à la sortie-sud de la ville.
Avec une autre campagne de sensibilisation dont le mode opératoire, on l’espère, prendra suffisamment en compte les échecs du passé. D’autant que la fonctionnalité du canal ne peut être durablement assurée que si les comportements de la population changent dans le sens d’une adaptation à ce progrès technique.
Sinon, à défaut d’un entretien onéreux, le canal sera saturé et nous nous retrouverons à la case départ. Chez des peuples entrés avant nous dans la civilisation urbaine, coulent depuis des centenaires, sans encombre, dans les villes, grâce des populations qui ont adapté leur comportement au progrès technique et au désir partagé de vivre dans un milieu sain et beau.
Il faudrait que nous aussi changions de comportement. Par la persuasion, sinon par le fouet. Dans le style des sabots qui ont visiblement assagi les automobilistes, les amenant progressivement à coup d’amendes, à garer leur véhicule dans les parkings.