Nouveaux modes opératoires pour l'atteinte à la fortune publique

Fri, 4 Dec 2015 Source: cameroon-tribune.cm

En présentant le 25 novembre 2015 à Yaoundé le Rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2013, le président de la Commission nationale anti-corruption (Conac), Dieudonné Massi Gams, a livré quelques morceaux choisis du triste tableau des faits et actes de tricherie. Il a relevé pour le déplorer « que l’année 2013 a connu l’évolution et la sophistication des techniques de corruption sous diverses formes de tricherie qui prolifèrent et gangrènent l’activité socio-économique de notre pays ».

La tricherie, qui est le fait de ne pas respecter les règles pour profiter davantage, « n’a épargné aucun secteur du Cameroun en 2013, consacrant de ce fait le caractère multiforme, divers et changeant du phénomène de la corruption », a poursuivi l’orateur.                                            

Il est ainsi évident que si la lutte contre la corruption a connu une évolution certaine au Cameroun ? ces dernières années, elle n’a cependant pas engendré un recul significatif des pratiques illicites. Bien au contraire. Car on a plutôt la nette impression que plus le combat est mené, plus les pratiques de corruption se complexifient, traduisant la volonté des corrupteurs et des corrompus de ne point battre en retraite, mais de concevoir et mettre en œuvre des modes opératoires mieux élaborés qu’un observateur peu aguerri ne saurait facilement détecter.  Au fil des ans, les acteurs de la corruption font donc preuve d’une imagination sans limite, afin de contourner toujours davantage la réglementation dans le seul but de s’enrichir sur le dos de l’Etat. En cela, la corruption est au Cameroun une véritable hydre de Lerne.                                                                   

Sans être exhaustif, et en s’appuyant sur les 2 758 dénonciations reçues à la Conac, le président de l’institution a présenté les manifestations de la corruption dans plusieurs domaines : administration territoriale et décentralisation, éducation, santé, transports, justice, forêts et faune, élevage, pêche et industries animales, aménagement du territoire, ministère des Finances et notamment Centre national de développement informatique, médias, affaires foncières, marchés publics, travaux publics, secteur privé, société civile, eau et énergie.                    

Si  la plupart des techniques de corruption et d’atteinte à la fortune publique décriées dans le rapport sont plus ou moins connues, d’autres, en revanche, relèvent du grand art et font perdre à la collectivité nationale plusieurs dizaines de milliards de F CFA chaque année. Ainsi en est-il ? par exemple ? du sabotage des équipements dans les formations hospitalières dans le but de détourner les malades vers les structures privées ; de la gestion calamiteuse des frais perçus au titre des amendes lors des contrôles routiers ; du fonctionnement opaque du Bureau de gestion du fret terrestre, « cet autre serpent de mer devenu un Etat dans l’Etat » ; de la minoration par quelques notaires du prix des immeubles dans les actes de vente au détriment du fisc ;  de l’organisation frauduleuse des ventes aux enchères dans le secteur des forêts et de la faune ; du gonflement des salaires et pensions des fonctionnaires, une pratique appelée « Mboma » qui consiste pour un entremetteur à se rapprocher d’un fonctionnaire et de proposer à celui-ci le gonflement de son salaire contre rétribution après paiement effectif ; de l’établissement de fausses vignettes et l’émission de faux timbres fiscaux, une pratique dénommée « Al-Qaïda » qui s’opère au moyen de fausses machines à timbres ; de la vente illicite des terrains du domaine national et des lots domaniaux ; de la facturation des prestations fictives dans le domaine des marchés publics ; des doublons dans le domaine des travaux publics qui sont une source de détournement d’énormes sommes d’argent ; de la surfacturation qui contribue aussi à ruiner l’Etat ; du surenchérissement ; du détournement vers le circuit intérieur des carburants « hors taxes » destinés à l’export. Comme on le voit, les acteurs de la corruption et les auteurs des atteintes à la fortune publique, mus par le goût exagéré du lucre et la recherche effrénée de l’argent,  se montrent toujours plus imaginatifs pour parvenir à leurs objectifs.

Auteur: cameroon-tribune.cm