Cela fait plus de deux semaines que Basile Atangana Kouna, ancien ministre de l’Eau et de l’Energie, a été ramené au Cameroun et écroué à la prison centrale de Yaoundé à Kondengui. Le scepticisme de ceux qui doutaient de sa présence en territoire camerounais a été vaincu par des images de la messe pontificale dite en milieu carcéral par l’archevêque métropolitaine de Yaoundé, Jean Mbarga. Basile Atangana Kouna était bien visible aux côtés des autres anciens ministres et directeurs généraux qui sont en prison. L’ancien ministre de l’Eau et de l’Energie, fils de la Mefou et Akono, est allé rejoindre d’autres fils de la même région que lui : Jean Marie Atangana Mebara, JeanBaptiste Nguini Effa, Jean William Sollo, Dieudonné Oyono… Mais l’incarcération des fils de ce département de la région du Centre n’a pas douché la flamme élogieuse qui illumine les consciences d’autres fils de ce département. Pendant que leurs ‘’frères’’ croupissent en prison, ruminant peines, rancœurs et déception, ceux en liberté, les militants du Rdpc de ce département, ont commis une motion de soutien et de déférence au président de la République. Une motion de soutien qui a la particularité d’être assortie à une longue liste de signataires dans laquelle se retrouvent les noms des fils des autres départements du Centre.
Cette motion de soutien et de déférence au chef de l’Etat est signée et rendue publique au moment où le débat enfle sur le profil sociologique des anciens gestionnaires de la fortune publique incarcérés dans le cadre de la lutte contre les détournements et la corruption lancée au Cameroun il y a douze ans. D’aucuns ne manquent pas de relever que le département de la Mefou et Akono a le plus gros contingent de prévaricateurs présumés, vu le nombre de ses natifs mis aux arrêts. Comme pour dire que ces statistiques très peu élogieuses ne brisent pas le lien qu’ils ont à Paul Biya, les forces vives de la Mefou et Akono ont donc commis cette motion de soutien, magnifiant d’incessantes sollicitudes du chef de l’Etat. Surtout que le 2 mars 2018, Basile Atangana Kouna a été remplacé au ministère de l’Eau et de l’Energie par Gaston Essomba Eloundou, natif de la Mefou et Akono comme son prédécesseur aujourd’hui face à la justice.
Tous louangeurs
Depuis que l’opération Epervier a été lancée début 2006, l’entreprise de production des motions de soutien et de déférence n’a pas fait faillite. Bien au contraire, elle est en pleine expansion, son répertoire d’actionnaires grossissant au fil des ans et des nominations dans la haute administration. Chacun, opérateur politique acquis à la cause du régime ou simple fonctionnaire carriériste, puise dans ses entrailles les plus beaux vers du dithyrambe. La liste des courtisans ne s’amaigrit guère avec l’opération Epervier. Loin s’en faut ! L’histoire politique du Cameroun retiendra d’ailleurs que c’est pendant que cette opération d’assainissement de la morale publique battait son plein que le capital productif de la littérature panégyrique a atteint son niveau de croissance le plus élevé : les multiples tomes des appels du peuple, compilation des motions de soutien demandant à Paul Biya d’être candidat à la présidentielle en 2011 ont été publiées par la Sopecam. Dans ces recueils d’appels à candidature, les noms de certains de ceux qui sont aujourd’hui derrière les barreaux figurent en bonne place.
La majorité de ces anciens gestionnaires condamnés ou en détention préventive dans le cadre de l’opération Epervier, ont eu l’illusion d’être des enfants chéris du régime, des in touchables. Ceux-là qui se croyaient immunisés par l’éloge à outrance au chef de l’Etat. Lorsque Gilles Roger Belinga commet un livre pour magnifier Paul Biya, il ne s’imaginait pas qu’il allait être l’une des premières proies de l’oiseau prédateur. Au sommet de sa gloire, Urbain Olanguena Awono se prenait pour l’usufruitier du dé- partement de la Lékié. Du temps où il trônait à la CRTV, Gervais Mendo Zé compose un hymne passant en revue les bonnes œuvres de la première Dame.
Au Cameroun, les décrets présidentiels nous offrent dorénavant deux tableaux : la célébration et la crispation. Pendant que les proches des nouveaux promus festoient et commettent des motions de soutien, les dé- chus et leurs proches plongent dans l’angoisse d’une éventuelle arrestation spectaculaire. Avec Paul Biya, une évidence se dé- gage : les signataires des motions de soutien d’aujourd’hui sont de potentiels parias de demain. Quand Basile Atangana Kouna était dans les bonnes grâces du régime, les lettres de Marafa Hamidou Yaya l’insupportaient. L’on se souvient de sa célèbre phrase prononcée devant Paul Biya en novembre 2015 à Douala : «Excellence, pendant que les autres écrivent les lettres, nous travaillons.» Aujourd’hui, il a le même destin que celui dont il se moquait hier