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Opinion : le profil de successeur de Paul Biya

Paul Biya a 89 ans

Mer., 16 Févr. 2022 Source: Jean Atangana

Une chose est certain, c'est que le chef de l'Etat Paul Biya partira un jour, soit de lui même ou par incapacité ou quelques évènement que ce soit. En cas de décès, la Constitution camerounaise prévoit qui doit succéder au chef de l'Etat. Mais le scénario dans lequel le président lui-même transmette le pouvoir à un successeur choisi lui-même ou après lui par son entourage n'est pas à exclure. Quel est le profile du successeur de Biya? Réponse dans cette tribune de Jean Atangana.



Ici, le Palais de l’Unité. Nul n’y entre s’il n’en possède le code ou ne correspond à la géométrie du milieu : «patriotisme, civisme, respect de la chose publique et de l’intérêt général, culte de la probité, préservation des us et coutumes, sens de la famille et respect des aînés…»

Sur la question de la succession du Président de la République, Paul BIYA, tous les tabous sont comme tombés dans la boue. Comme jamais auparavant, le sujet tient en haleine. Tous en font des choux gras, les médias qui se sont intéressés à la destination Cameroun pendant la période de la 33ème Coupe d’Afrique des Nations de football. Disputée sur son sol.

Du 09 janvier au 06 février 2022. L’occurrence du 89ème anniversaire du locataire du Palais de l’Unité, fait davantage mousser cette actualité particulière sur l’âge du Président. 89 ans (13 février 1933-13 février 2022). Est ainsi remise au goût du jour, la thématique sur la longévité au pouvoir du Chef de l’État. Depuis le 06 novembre 1982. Bientôt 40 ans. Sans interruption. Au terme d’élections successives. Âprement disputées. Première élection, le 14 janvier 1984. Réélection : 24 avril 1988 ;11 octobre 1992 ; 12 octobre 1997 ; 11 octobre 2004 ; 09 octobre 2011 ; 07 octobre 2018. De toute évidence, dans le système démocratique camerounais, l’électeur est roi. Il est le seul arbitre à disposer du privilège unique d’élire ou de ne pas élire un candidat. De reconduire ou de ne pas reconduire le Président de la République en exercice.

La limitation du mandat présidentiel est ainsi encadrée au Cameroun par la Constitution du 18 janvier 1996. Elle stipule en son Article 6, alinéa 2 (nouveau) que «le Président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans. Il est rééligible.» C’est également la norme constitutionnelle qui, depuis l’accession du Cameroun à la souveraineté internationale, fixe les conditions d’accès à la magistrature suprême, en cas de vacance du pouvoir. Hier, c’était le Premier Ministre qui avait droit de succession. En novembre 1982, ont fonctionné les mécanismes constitutionnels tels que prévus dans la Constitution d’alors. L’exemplarité de ce transfert de pouvoir fut saluée par la communauté nationale et internationale. Comme une exception camerounaise. Dans une Afrique hantée par des coups d’État et autres révolutions de Palais. Aujourd’hui, cette question particulière est adressée à l’Article 6 de la Constitution du 18 juin 1996, alinéa 4 a, b, c (nouveau).

L’exception camerounaise

Alors, d’où vient-il que la question de la succession du Président de la République, si bien réglée (comme sur du papier à musique), émeuve tant l’opinion ? Suscite tant d’appréhensions et de candidats (putatifs ou imaginaires) ? Expose autant de personnalités dont le comportement peut trahir, à bien des égards, des intentions pouvoiristes légitimes ? Même lorsque leurs positions actuelles, dans la haute administration ou ailleurs, les tiennent bien loin des cercles de décision, appelés à gérer la question successorale au Cameroun, eux n’en ont cure. Tous et chacun, successeurs putatifs ou imaginaires, se voient déjà César à la place de César. L’impatience des uns et l’impertinence des autres peuvent trouver réponse à cet état d’esprit que seul justifie l’État de droit qu’est devenu le Cameroun depuis l’avènement du Renouveau National. Un État où chaque citoyen peut jouir de ses droits fondamentaux. Sans être inquiété. Fondamentalement. Mais, à l’analyse, l’impudence des uns et l’imprudence des autres peuvent également donner argument à leur exposition, et le cas échéant, à leur disqualification (prématurée ?). Car, en cette matière précisément, l’Afrique détient et entretient une sagesse millénaire qui fait office de règle non écrite. Cette règle veut que l’on n’évoque pas sur la place publique, les questions de succession, du vivant du Chef. Et surtout pas au nez et à la barbe du «monarque». A qui revient, dans cette logique, le pouvoir d’adoubement des «dauphins». Bien que le concept de dauphinat soit incompatible avec la donne démocratique. Mais, nul n’est dupe.

Même en démocratie, il subsiste des pratiques et des usages, généralement acceptés de tous, tels que le parrainage, le tutorat ou le mentorat, l’investiture. Les partis politiques, dans leur organisation pyramidale, les élus, et autres regroupements ou obédiences d’influence (associations politiques, traditionnelles, religieuses, ésotériques etc.) sont particulièrement sollicités à ce niveau des procédures. Or, que constate-t-on au fil des jours dans notre environnement politique ? Eh bien, sans respect des protocoles écrits ou non écrits, c’est chacun qui croit devoir s’arroger le droit de dire, en petit comité ou à l’encan : «Le successeur, c’est moi». Friands du scoop, les médias s’en mêlent, se saisissent des rumeurs orchestrées ou des «fuites» organisées pour en faire des exclusivités. Et lui, le Président de la République, observe, apprécie les pas des uns et jauge les avancées des autres. Les plus jeunes et les plus anciens. Du haut de l’observatoire que lui donne la force de l’expérience acquise depuis...1962, année de son intégration à la Fonction Publique Camerounaise. Il en connaît par cœur, les rouages et les roulements, les hommes et les institutions, les évolutions et les stagnations. Soit 60 ans d’exercice pratique. Son regard surplombe la scène et balaie toute la faune politique qui s’y meut. Des plus tendres aux plus durs. Quels que soient la cuvette ou le bassin politiques d’appartenance. Ou susceptibles d’accoucher d’un successeur.

Selon le cœur de Celui qui fait et défait les «rois» en ce monde. Il ausculte, scrute et sonde les cœurs. Sollicitant le secours de la Providence pour qu’elle révèle, au temps voulu, un successeur selon son cœur. Car, tout compte fait, tout pouvoir vient de Dieu dont les impatients attendent ardemment qu’il donne un signe. Comme au temps des Pharisiens. A l’époque de Jésus... Soupirant au plus profond de lui-même, il est bien possible que le Ciel ait décidé de se refermer sur lui-même. Comme jadis : « Pourquoi cette génération cherche-t-elle un signe ?Amen, je vous le déclare : aucun signe ne sera donné à cette génération.» (Marc 8, 12). Oui, comme son Maître, le Disciple observe, sans mot dire, le «bal des coquins et des requins», tous «successeurs survivants», plongés dans l’arène de l’auto-destruction. Et de lauto-disqualification. A ce niveau de prétentions ou d’ambitions, la politique est intrépide. Sans pitié. Comme un monstre froid, elle ne fait pas de quartier. A voler trop près du Soleil, nombre d’entre eux pourraient voir se consumer leurs ailes de cire et de plumes. Comme Icare. Et ne jamais s’échapper du labyrinthe ! Oui, on en convient tous : la Constitution camerounaise est particulièrement généreuse. Tant est large le spectre des candidats éligibles à la fonction présidentielle.

Avantage cependant à ceux qui en détiennent code d’accès. Ou correspondent le plus au portrait-robot que semble avoir esquissé le Président de la République, Paul BIYA, dans son Message à la Jeunesse, le 10 février 2022. Lorsqu’il convie les jeunes à prendre conscience de leur « rôle» dans la société : «Je vous exhorte également à œuvrer à la préservation de nos précieux acquis que sont la paix, l’unité nationale et la stabilité des institutions, car c’est à eux que nous devons ces avancées remarquables qui font notre fierté. Dans le même sens, restez sourds aux sirènes de la déstabilisation et des antagonismes de toutes sortes, émanant de contempteurs incorrigibles qui ont la prétention de tout savoir et se délectent de la critique systématique. Il vous faut aussi vous réapproprier nos valeurs sociétales et républicaines, qui, il faut le dire, ont malheureusement tendance à disparaître dans les mœurs de la jeunesse. Je pense notamment au patriotisme, au civisme, au respect de la chose publique et de l’intérêt général, au culte de la probité, à la préservation de nos us et coutumes, au sens de la famille et au respect des aînés, pour ne citer que ces valeurs-là, qui doivent sans cesse inspirer et guider notre jeunesse ».

Combien de Camerounais déclarés candidats ou en attente de déclaration de candidature, se reconnaissent-ils ou s’inscrivent-ils dans le profil ainsi tracé ? Le profil gagnant ! Ni Ange ni Démon, chacun pourrait s’y frotter et se faire une religion. A défaut de remettre sa lettre de renonciation. Car, comme hier avec le Président Ahmadou AHIDJO, et aujourd’hui avec le Président Paul BIYA, demain, le Cameroun aura besoin, à sa tête, d’un homme revigoré, prêt à franchir le pas et capable de faire face. Avec fierté. Pour relever les défis du Cameroun et du monde contemporains. Beaucoup de prétendants au trône n’en sont pas si éloignés. C’est rassurant. Car, sur cet autre acte de transition générationnelle en téléchargement à la tête de l’État, le Cameroun est appelé à faire preuve d’exemplarité. Comme il a su le faire en d’autres circonstances. Dont acte !

Auteur: Jean Atangana