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Parce que Biya doit partir, et pour cause?

Biyasilencieux Le Cameroun vit un tournant très important de sa vie avec la crise anglophone

Mon, 2 Oct 2017 Source: H. N. BILE

C’est un spectacle obscène. Désespérant comme la déchéance à coups de reins de Clarisse Wopso. Pitoyable comme les pitreries cybernétiques de Longue Longue. C’est le spectacle douloureux d’une nation fiévreuse. Fébrile. Secouée de multiples spasmes. Couvé pendant plusieurs décennies, le paludisme de ses insouciances plurielles, de ses tricheries communes et de ses superficialités consensuelles remonte en surface avec la force d’un accès de rage. Biya va partir (demain ou après-demain). Mal préparée aux fins de cycle -politique, économique, footballistique-, la nation effrayée par l’avenir s’injecte des potions anesthésiantes, ingurgite des cachets antalgiques dans l’espoir paradoxal de mieux affronter demain. Les démons de l’autodestruction méthodique prospèrent, sous le ricanement sadomasochiste des fils du pays.

Désacralisations . Le Cameroun d’avant 2018 profane ce qui était precieux. Il foule au pied ce qui semblait majestueux. La ligne de démarcation entre le sacré et le trivial est désormais tenue. Telle une norme anthropologique non maitrisée, le partage sur les réseaux sociaux se prolonge jusqu’à l’indécence ; brouillant chaque jour davantage la frontière entre l’hérésie et l’orthodoxie. Justifications bancales de l’imposture et incitations assumées au chaos fleurissent dans les bars, les groupes WhatsApp et les fora Facebook. Au nom de la liberté et de la démocratie. Des footeux dédaignent le drapeau national la veille d’une compétition mondiale ? On justifie. Des entités élèvent le clanisme au-dessus de l’Etat ? On applaudit. Des gamins tournent le dos à la patrie qui les appelle ? On explique. Des ambassades sont vandalisées par des fils du terroir ? On en rigole. Des prévaricateurs sont emprisonnés ? Quelques chefs traditionnels s’en offusquent en réchauffant la sauce tribale. Le drapeau national est brulé ? On s’en amuse. Nos yeux embués de «33» voient graduellement fondre le mythe de l’Interdit, en même temps que notre capacité collective à faire bloc contre la Profanation. On se rassure en se disant que 2018 approche. Biya va (probablement) partir. TOUT est possible.

Discrédits . Si les années de braise ont vu émerger des «CEPE qui dépassent le BACC», la décennie 2010 a carrément tué le BACC. Le discrédit de la Science a réduit au silence les intellectuels. Il faut reconnaitre qu’entre producteurs de sens qui se voulaient phares d’un pays en mutations et défenseurs de non-sens qui sont imposés comme fards d’idéologies menteuses, les intellectuels camerounais ont eux-mêmes embrumé le tableau et tracé la voie de la déconsidération. Résultat : A l’aube de 2018, les camerounais ne croient plus en leurs intellectuels et ne pensent pas trouver en eux les solutions de rechange pour de meilleurs lendemains. Le pays s’est installé dans un cimetière d’idées : Kamto tancé, Owona Joseph raillé, Monga soupçonné, Owona Nguini de plus en plus contesté, Mbembé ignoré... Les voix de l’intelligence hibernent du fait d’une dé-valorisation générale peu ou prou méritée. Le Cameroun d’avant 2018 croit plus en «Papa Eto’o» et en Tsala Essomba qu’en Eboussi Boulaga. Il se rassure en se disant que Biya va (bientôt) partir. Et qu’après lui, un miracle idéologique est TOUJOURS possible.

Divisions et distractions . Sous les coups de boutoir de l’opportunisme et du marchandage politique, l’unité revêt de plus en plus l’apparence d’un gadget social ou d’une incantation médiatique. L’habileté des camerounais à trouver le point de désencastration s’est extraordinairement développée. A dose homéopathique mais régulière au cours des deux dernières décennies, il y a eu le Mémorandum du Grand Nord, l’Appel de l’Est, les Lettres des élites du Centre, la Crise dite Anglophone... Loin des flonflons du 20 mai, la priorité est aux débats sur la satisfaction des intérêts particuliers. Comme si la chasuble nationale est désormais étouffante et que l’épanouissement des peuples du 237 n’est réalisable que dans l’éclatement et la division. A trop dessiner la balkanisation sur leur mur cependant, les camerounais perdent, sans s’en apercevoir, l’habitude du consensus. Les camps priment sur n’importe quelle cause. L’union sacrée parait impossible. On joue, avec morbide délectation, à se déchirer et à paralyser les systèmes. Les spasmes qui secouent le droit d’auteur depuis plusieurs années n’illustrent pas autre chose. Les colorations multiples de la diaspora trahissent bien les irréductibles marquages opportunismes. Les mille et une factions de la Fecafoot symbolisent avec efficacité cet attachement passionnel à la fracture. Plusieurs blocs, jamais aucune solution. Le jeu de la mort parait plaisant. On se rassure en se disant que 2018 approche. Que Biya va (probablement) partir. Et qu’union et unité arriveront spontanément après lui.

Démissions et diversions . Face aux maux camerounais, on croirait que Dieu dort. Que Dieu ne dort mieux que quand ils «ndem». Quand Dieunedort Kamdem et ses compères endorment les âmes. Dans la société camerounaise d’avant 2018, le boom d’églises et la surexposition au sang de Jésus sont inversement proportionnels à la pratique de la vertu. Le tintamarre de la foi ne nourrit pas la citoyenneté. Braquée vers le paradis céleste, la religion oublie de sauver le «monde». Plus les camerounais prient, plus ils «collent les petites». Plus ils déclament les versets bibliques, plus la corruption des policiers et des agents de l’Etat prospère. Le Titanic camerounais tangue et l’Eglise, telle les 7 collègues de Wallace Hartley en avril 1912, joue avec une glaciale indifférence la symphonie d’une foi sans influence sociale. C’est à déboussoler le meilleur des démonologues.

La réalité n’est guère reluisante cote Médias. Ici, pluralité n’est pas nécessairement diversité. La démultiplication de titres ne s’accompagne ni de positionnements éditoriaux différenciés et repérables, ni de contenus susceptibles d’orienter les profonds enjeux de l’heure. Entre la nostalgique CRTV, l’indulgent Canal2 et la trop versatile Tribune de l’Est, l’information de qualité s’émiette sur les chemins épineux de l’autocensure, du «gombo» et du repli identitaire …bref, de l’alignement et du parti pris. Cette presse-là n’est ni quatrième, ni quarantième pouvoir. Elle est au mieux une girouette ballotée au gré des vents, mouillée et beaucoup moins consistante que ne laissent croire ses bruyants mugissements. Tout le monde s’en sert pour maquiller, manipuler, tromper. On se rassure en se disant que 2018 approche. Que Biya va (probablement) partir. Et que le droit de savoir sera miraculeusement réhabilité après lui.

Dictatures . Il y a la dictature officielle. Celle des dirigeants actuels. Connue et reconnue, parce que dénoncée avec véhémence par la diaspora et l’opposition. Et il y a l’autre dictature. Insidieuse. Moins structurée, mais non moins brutale. C’est la dictature de la diaspora et de l’opposition. Bienvenue dans le Goulag de la pensée ! Bien penser dans ce Cameroun d’avant 2018, c’est obscurcir à tout va l’actualité nationale, remettre permanemment en cause les capacités des dirigeants et prédire l’apocalypse nationale pour demain matin. Il n’y a pas de troisième voie. C’est le noir ou le néant. Formules faciles, slogans vaseux, idées toutes faites, confirmations complaisantes, théories conventionnelles sont déjà écrites pour vous. Toute démarche plus équilibrée, toute posture différente de l’unanimisme imposé est frappée de soupçons de collusions et/ou d’accusations d’intelligence avec le régime en place. Jusqu’à ce jour, Cabral Libii et Owona Nguini paient en jetons de crédibilité leur participation à un colloque sur l’action sociale de Chantal Biya. Sujets permis, sujets interdits. La confiscation du choix, l’embastillement intellectuel et le radicalisme populiste n’ont rien à envier à la propagande et au vice d’en face. On combat la mauvaise foi par…la mauvaise foi. Et on se rassure en se disant que 2018 approche. Que le dictateur Biya va (bientôt) partir. Et que la liberté de pensée sera restaurée quand les nouveaux dictateurs prendront le pouvoir.

Vous y croyez, vous?

Auteur: H. N. BILE