Patrice Nganang annonce la construction d'une statue en l'honneur de Field Marshall

Field Marshall au premier plan

Fri, 22 Jul 2022 Source: Patrice Nganang

Dans une tribune publiée ce vendredi, le professeur Patrice Nganang annonce l'érection dans ls prochains mois d'une statue de Field Marshall en l'honneur du 'combat' de ce dernier pour la sécession du Cameroun anglophone.

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"Le peuple anglophone était-il derrière Field Marshall ? La réponse est simple : oui. Dans son immense majorité. Et je vais vous expliquer pourquoi, doucement-doucement. Notez d’abord une chose : du 30 novembre 2017 à aujourd’hui, les Anglophones n’ont plus voté. Ils n’ont plus participé à aucune élection. C’est-à-dire que des élections n’ont plus eu lieu dans la zone anglophone, parce que, évidemment les leaders anglophones ont mis en branle un boycott actif.

Concrètement, ni durant les élections présidentielles de 2018, ni durant celles législatives de 2019, ni d’ailleurs durant les élections régionales, ils n’ont voté. Nous avons donc, pour la première fois dans notre pays, la situation extraordinaire ou 1/3 des populations du pays ne votent pas dans trois des élections qui constituent la réalité politique de l’heure. Rappelez-vous, la zone anglophone était depuis 1990 le fief du SDF – le SDF s’est ainsi retrouvé annihilé, parce que sans base, sans fief, son fief n’ayant pas voté. Dans cette constellation, la politique étant un jeu d’intérêt, c’est-à-dire un jeu froid et sans cœur, des politiciens sont sortis de la brousse pour profiter de cette situation absolument inédite. En premier évidemment Maurice Kamto que l’absence de vote anglophone a propulsé en deuxième place durant l’élection présidentielle de 2018. Je répète, car vous avez sans doute vite lu : Kamto que l’absence de vote des Anglophones a propulsé en deuxième place, sinon d’ailleurs comme il croit, en première place. Eurreur fo mboutoukou, na dame fo ndoss. La politique de la chaise vide n’a jamais profité à personne, avait-il dit d’ailleurs lui-même à sa sortie de prison en décembre 2019. Moi, je dirai : elle profite au troisième larron. Il demeure : la chaise anglophone est donc vide, et certains politiciens en ont profité, en profitent. C’est important de le dire, parce que les Anglophones ont toujours constitué l’opposition organique au Cameroun, eux qui sont un État dans l’État. Opposition organique qui s’est manifestée déjà en 1984, avec la publication par Gorji-Dinka, premier bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun, alors en prison à Kondengui, de ‘La Révolte ambazonienne’, et puis en 1990, avec la naissance du SDF.

Mais ne nous éloignons pas du sujet. Le peuple anglophone qui depuis novembre 2017 n’a participé à aucune élection, dont l’expression politique n’est donc entendue nulle part dans nos formes structurelles, est comme une belle fille qui est encore chez ses parents. Tous les garçons du quartier défilent devant leur barrière, défilent, défilent, et certains racontent même dehors qu’ils l’ont couillée. Puisque la barrière est fermée, ils peuvent bien raconter tout ce qu’ils veulent, et évidemment il y’en a parmi leurs amis qui vont les croire. Il y’en a parmi ces gars, qui vont se bâtir une réputation sur de tels racontars. Pour ce qui est de l’Ambaland, cette situation est ce qu’on appelle la guerre.

Durant la guerre, il n’y a pas d’élection. C’est soit l’un, soit l’autre. En quelques sortes, Biya ne peut pas déclarer la guerre le 30 novembre 2017, et en même temps se déclarer victorieux par des élections dans la région où il a déclaré la guerre. Il peut bien sûr le faire frauduleusement et il l’a fait frauduleusement en déclarant, lui aussi, que les absents ont tort. C’est-à-dire que le peuple anglophone absent, a tort. Il devient ainsi président par défaut. Comme Maurice Kamto est opposant par défaut. Comme le SDF existe par défaut. Président donc qui compte sur l’usure du temps, avec pour modèle la situation des régions bamiléké de 1959 à 1970, elles qui, à cause de la guerre civile qui y sévissait, n’avaient pas non plus voté, et n’ont pas changé le status quo ante, Ahidjo étant demeuré président jusqu’en 1982 à sa démission.

Voilà le modèle de Biya, gouverner par défaut. Voilà le modèle de ses opposants. Ils se rejoignent ici sur le principe du erreur fo mboutoukou na dame fo ndoss. C’est d’ailleurs ce que Biya a toujours fait – compter sur l’usure du temps. Le problème dans ce calcul est le suivant cependant : même dans deux cents ans, les Anglophones ne vont pas devenir Francophones. C’est l’inverse qui a lieu, et je peux le dire avec certitude, parce que tous nos enfants, tous nos neveux, toutes nos nièces, nous les envoyons faire l’école anglophone. Même à Yaoundé, les écoles les plus populaires sont les écoles anglophones, et au minimal les écoles bilingues. Le peuple qui n’a pas participé aux élections présidentielles, législatives et régionales, vote donc avec ses pieds. C’est-à-dire qu’il rejette le système français, il rejette le système francophone, il rejette donc Biya qui, président francophone, incarne de fait un pouvoir fondé sur l’hégémonie francophone, sur l’hégémonie de la France. Ce rejet se manifeste à plusieurs niveaux, y compris le refus des Anglophones de devenir soldats, ce qui fait de l’Armée nationale camerounaise qui tue et brûle et viole en Ambaland, une armée francophone. Situation de guerre parfaite, avec constitution d’un parfait binôme d’inimitié. De deux ennemis donc.

Le peuple anglophone qui ne participe pas aux élections représentatives, et le peuple camerounais en général qui n’envoie plus ses enfants dans des écoles francophones, n’est cependant pas sans forme. Son organisation, la voici : à sa tête, il y’à ce qu’on appelle l’avant-garde. L’avant-garde, c’est ceux-là qui articulent, je n’ai pas dit exprimer, car l’expression c’est par le vote, ceux-là qui articulent sa volonté, avec les instruments qu’ils ont. Et de ces instruments, en premier il y’a le fusil – maximum gun. Répondre donc à la guerre déclarée par Biya par la guerre, répondre à la violence francophone par une violence anglophone proportionnelle, répondre aux tueries bulu par la self-defense amba. You nack me, I nack you. Équilibre de la terreur. N’oubliez pas que le peuple anglophone ne vote plus, est donc en situation de guerre. Ah bien, dans cette situation, son avant-garde, ce sont les Ambas soldiers.

La première chose avec les Ambas, évidemment est qu’ils ne sont pas Francophones – en fait, aucun d’eux n’est Francophone, même s’il y’en a qui, Francophones, ont des sympathies ambazoniennes, comme il y’a des milliers de Francophones qui n’envoient plus leurs enfants dans des écoles francophones. L’avant-garde, c’est ce qui est devant, ce qui dicte le cours à suivre, cours qui est donc suivi par le peuple. Comment la sympathie du peuple se mesure-t-elle ? En cas de victoire : toutes les fois où les Ambazoniens ont un succès éclatant, regardez la joie collective des gens. C’est une joie extraordinaire, qui sort du cœur rendu silencieux par l’absence d’élections. Rappelez-vous quand No Pity a annihilé le bataillon du lieutenant Hitler, Bulu. La joie était absolue, générale. Une explosion de joie telle que tous les réseaux sociaux n’étaient que chansons. La victoire est donc un moment où l’avant-garde, No Pity, vit sa communion avec le peuple, et où chacun peut la mesurer.

L’inverse a lieu : quand Fieldmarshall a été tué, seul en fait la télévision bulu, la CRTV, se réjouissait. Mais ici ce n’est qu’épisodique, car l’avant-garde se manifeste encore mieux dans une série. Y’avait-il une série de victoires ambazoniennes, que vous n’allez plus reconnaitre l’Ambaland, que les gens sortiraient danser dans les rues, comme ils étaient sortis le 22 septembre 2017, promptant la déclaration de guerre de Biya. Une telle série constituerait ce qu’on appelle le momentum. Et c’est le momentum qui portera le peuple anglophone, sous le leadership de son avant-garde ambazonienne, jusqu’à Bua, à Buea où à un carrefour il plantera le socle de la photo ci-dessus, pour une sculpture qui sera une statue héroïque. Car Fieldmarshall est un héros populaire. Et il aura sa statue".

Auteur: Patrice Nganang