Au Cameroun, le mot « Villageois » ne se limite pas à désigner les habitants d'un village. Il existe en effet une deuxième définition, qui correspond à tout individu dont l'attitude et les paroles transpirent le vide moral et la dépression éthique. Autrement dit, au pays des brillantissimes Mongo Beti et Tchuindjang Pouemi, un « Villageois » est un personnage à la mentalité primitive, à qui il faut encore préciser que nous sommes au XXIe siècle et qu'il doit libérer son cerveau des tentacules de la Préhistoire.
Un Villageois, c'est quelqu'un qui, en 2023, continue de réfléchir comme en 1023, c'est-à-dire comme à l'époque où l'on pensait encore que la Terre est immobile dans le ciel et qu'elle ne tourne pas. C'est quelqu'un qui, lorsqu'on lui dit : « République », comprend : « Biyablique ». Lorsqu'on lui dit : « Élections démocratiques », il entend : « Érection dynastique ». Quelqu'un qui est persuadé que le Cameroun fut fabriqué à l'usine par un grand ingénieur appelé Barthélémy Mvondo, et que son brevet d'invention s'appelle RDPC. Un Villageois, c'est quelqu'un qui pense avec son coude, qui parle avec son genou, et qui agit avec son pancréas.
Bref, un Villageois, c'est quelqu'un comme Patrick Rifoé et Yves Abama.
PETIT MORCEAU CHOISI :
Dans le cadre du mouvement corporatiste OTS (On a Trop Supporté), un proviseur d'Akonolinga a jugé bon de recenser les noms des enseignants absents à leurs cours, et les a transmis à un commissaire de la place. Ce dernier a par la suite adressé une convocation aux éducateurs concernés, afin qu'ils aillent répondre de leurs actes entre ses murs. J'ignore dans quel pays potable ce type d'hérésie peut se produire, avec des enseignants qui, plutôt que de recevoir une réponse civique de la part de l'administration de tutelle suite à leurs revendications (ô combien légitimes et légales), se voient plutôt menacés par les forces de l'ordre, et ce sans le moindre dépôt de plainte préalable. Un article de la « Deutsche Welle » datant du 22 septembre 2023 nous informe par ailleurs que des scénarios similaires se sont produits en d'autres lieux du pays, notamment à Ayos, dans le Nyong-et-Mfoumou.
Autrement dit, plutôt que de garder leur neutralité face à la situation et de se contenter du maintien de l'ordre là où besoin est, les forces de police sont mises à contribution au service du système en place. Plutôt que de faire tampon entre les partis, elles prennent parti ; pire encore, en faveur de l'oppresseur. Elles sont utilisées comme bras armé des décideurs pour museler les revendications en intimidant les acteurs. Ainsi, le caractère public de la fonction disparaît, et l'on assiste en plein jour à la privatisation de l'appareil d'État. Autrement dit, des individus sans foi ni loi, détourneurs de fonds devant l'Éternel et incapables d'assumer leurs actes, choisissent comme moyen de défense, de transformer la police en milice.
Je ne vais pas revenir ici sur les gendarmes que Paul Atanga Nji et Famé Ndongo ont prostrés aux portes de la région du Sud en 2019, dans le but d'empêcher l'opposition au régime d'aller battre campagne dans le cadre des législatives, pour des histoires de « socle granitique ». Car je ne l'ai déjà que trop fait. Mais tous ces exemples nous permettent de comprendre ce que le Cartel de Yaoundé a fait de la République du Cameroun : une possession villageoise entre les mains de Biya et de son système, et qui n'hésite pas à employer la force publique payée par les impôts des pauvres citoyens, contre ces mêmes citoyens-là.
LES DALTONS DE LA RÉPUBLIQUE
Fort curieusement, malgré ces éléments factuels (et donc incontestables) que même le dernier des idiots peut constater sans la moindre once de difficulté, nous avons récemment assisté aux spasmes gesticulatoires de nos deux compères du jour, Abama et Rifoé, au sujet de ce terme de « milice ». Parce que nous faisons savoir que Yaoundé a coutume d'utiliser la police, la gendarmerie et même l'armée pour régler certains problèmes personnels en marge des lois de la République, nos deux Bobodioufs locaux ont vite fait d'étaler leurs relents villageois, en arguant que « le MRC a insulté l'armée camerounaise.». Le mois dernier, c'est Rifoé qui sonnera le premier la trompette de la clownerie, en invitant cette même armée, pourtant censée être nationale, à mener... un coup d'État contre le MRC, si jamais il venait à accéder au pouvoir ; rien que ça !
Ce délire digne d'un alcoolique professionnel est encore dans les mémoires de tous. Voilà donc un biyayiste, dont le leader mythomane s'est autoproclamé « mendiant de la paix », et dont le parti se prétend être un « Rassemblement Démocratique », qui affirme sans cligner des yeux qu'il est désormais un fervent partisan des coups d'État, et qu'il souhaite de tout cœur un putsch militaire pour le cas de figure où son parti perdrait les élections. En d'autres mots, vous, le peuple camerounais, êtes obligés de choisir le RDPC ; dans le cas contraire, il va s'imposer de lui-même, et par la force. Le seul choix que vous avez, c'est entre Biya et Biya. Si vous exprimez un autre choix, une belle mitraillette sera braquée sur votre tempe.
L'exemple parfait d'un raisonnement villageois.
Et parce qu'une folie ne vient jamais seule, ce pauvre Rifoé sera rejoint dans sa petite transe par Yves Abama (l'enseignant qui parle des enseignants à la 3eme personne du pluriel). Car tous deux sont dotés de cette fameuse mentalité primitive qui leur fait croire qu'ils sont au village, et que le Cameroun est la propriété de Biya, dont il peut disposer comme il le désire, sans jamais rendre de compte à personne. Et si l'on y ajoute le fait que, comme moi, ils sont eux-mêmes du peuple élu, c'est-à-dire du fameux socle granitique, alors ils sont convaincus que « nous avons le pouvoir ». Ils peuvent donc se permettre de sortir de telles aberrations en public et en toute arrogance, car convaincus qu'ils ne seront jamais inquiétés.
Nous y voici donc.
Et qui croira verra.
EN BREF :
Comme on le voit sur l'une des images, le MRC a décidé que ce dernier glapissement ne passerait pas. Ce 25 septembre, une plainte a été déposée auprès du tribunal de Grande Instance de Yaoundé, contre les frères Dalton, et une suite favorable y est impérative. Ceux qui nous demandent tous les jours d'être des « patriotes » et de « faire confiance aux lois de la République » vont maintenant devoir nous démontrer que nous sommes bel et bien dans un État de droit, et que l'appel au putsch, (en d'autres termes l'apologie du terrorisme) est puni par la loi, et ce sans distinction de couleur politique.
Surtout quand on se rappelle qu'en ce moment même, Bibou Nissack est en prison pour 7 ans, après avoir été arrêté dans son salon devant sa famille pour « tentative de déstabilisation » et « hostilité contre la patrie.». On se demande bien comment Siriki et Souké ici présents vont réussir à nous expliquer que leur crise d'épilepsie verbale est moins grave que le crime inexistant de Bibou Nissack. Le MRC les place dans une sorte de dilemme cornélien, c'est-à-dire une situation où, quel que soit votre choix, vous êtes perdants. Concrètement, cela signifie que si le Cameroun est bien un État de droit, les deux Bobodioufs ont déjà leur place assurée à Kondengui. Par contre, si grâce à leur appartenance au RDPC l'autorité judiciaire décide de ne donner aucune suite à l'affaire, alors il ne sera plus possible de nier le fait que les structures étatiques sont réduites à l'état de milices rampantes en faveur d'un système préhistorique, à la tête duquel trône un homme préhistorique.
Les dés en sont jetés.