Le chef de l’Etat a un an de plus ce jour, 55 ans plus tôt, son premier poste était chargé de mission à la présidence de la République, depuis sa trajectoire est confondue à cette institution.
Bien que tombés en disgrâce, qui mieux que d’anciens proches collaborateurs de Paul Biya, 84 ans ce lundi 13 février, pour tenter de cerner la personnalité et dresser le portrait de l’homme qui dirige le Cameroun depuis bientôt 35 ans ? Marafa Hamidou Yaya, ex-secrétaire général de la présidence de la République et ancien ministre chargé de l’Administration territoriale et de la Décentralisation décrit le chef de l’Etat, dans son livre, « Le choix de l’action » publié aux éditions Du Schabel, comme un « (…) personnage disjoint, insaisissable, dissimulant des gouffres intérieurs insondables (…) ».
Jean Marie Atangana Mebara, lui aussi ancien secrétaire général de la présidence de la République décrit un homme avide d’informations et soucieux de préserver son pouvoir : « Il sait s’organiser pour préserver son pouvoir. Il veille particulièrement à être toujours bien informé », raconte M. Mebara dans Le Secrétaire général de la présidence de la République au Cameroun. Entre mythes, textes et réalités, éditions L’Harmattan. Jean Marie Atangana Mebara croit que Paul Biya qui évite toutefois toute familiarité avec ses collaborateurs assimile la leçon du cardinal Mazarin : « Tu dois avoir des informations sur tout le monde, ne confier tes propres secrets à personne, mais mettre toute ta persévérance à découvrir ceux des autres. Pour cela espionne tout le monde, et de toutes les manières possibles. »
Influences
Mais Paul Biya échappe-t-il pour autant aux influences notamment de ceux qui l’entourent ? Urbain Olanguena Awono, ex-ministre de la Santé publique nuance. Et dépeint plutôt un homme sous influence : « L’influence de ces clans, qui ont joué de leur proximité pour encercler le chef de l’État, est si forte que l’on a le sentiment que celui-ci, sous leur emprise, est plus « agi » qu’il n’agit. Ces mafias le manipulent insidieusement en travestissant la vérité sur tout […]. Le mal est en effet très profond et grave. Sa racine dans le système est ancrée dans les officines à l’oeuvre autour et au service des proches du chef de l’État qui, encerclé et isolé des réalités, ne contrôle presque rien. »
M. Olanguena accrédite une thèse déjà entendue d’un régime qui coupe les bras à ceux qui travaillent et neutralise l’intelligence qui surpasse les autres. « Il y a là comme une constance d’un régime cannibale qui dévore par divers biais les valeurs camerounaises et leur préfère des personnages sans envergure, sans compétence, sans capacité de leadership », souligne l’ex-Minsanté dans « Mensonge d’Etat », les éditions du Schabel. Paul Biya bourreau du travail ou pas ? Là aussi il faut vite nuancer. Jean Marie Atangana Mebara valide volontiers la première thèse, celle d’un travailleur et bon connaisseur de dossiers.
« Des dizaines de parapheurs de dossiers lui étaient transmis chaque soir. Et, le lendemain, tous les parapheurs provenant du Secrétariat général revenaient, avec des instructions ou des annotations de sa main. […] J’étais surtout frappé par sa connaissance et sa mémoire des dossiers et des hommes. On ne s’attend pas toujours à voir un chef de l’État parler des dossiers sans document. »
Durée exceptionnelle
Avouons que la durée exceptionnelle d’une carrière administrative et politique ponctuée de très hautes fonctions depuis maintenant 55 ans (âge moyen de départ à la retraite d’un fonctionnaire) assure expérience et aptitudes diverses. En octobre 1962, à son retour de Paris, Paul Biya, à 29 ans, est en effet nommé chargé de mission à présidence de la République. A 32 ans, il est propulsé au poste de secrétaire général du ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et de la Culture, l’un des plus importants départements ministériels du gouvernement. Et à 35 ans, le voilà désigné secrétaire général de la présidence de la République puis Premier ministre à 42 ans.
Depuis 1982 avec sa prestation de serment comme Président de la République Unie du Cameroun, il préserve son pouvoir. L’année prochaine, une élection présidentielle est prévue au Cameroun, sauf changement. Paul Biya, considéré comme le chef d’Etat le plus secret d’Afrique dissimule encore ses intentions. Ce père de trois enfants sollicitera-t-il un nouveau septennat à l’âge de 85 ans ? Mystère !