Le journaliste-auteur Jean-Bruno Tagne vient de commettre un nouveau livre. "La tragédie des Lions indomptables" décrit en partie la foireuse expédition de l'équipe du Cameroun à la Coupe du Monde 2014.
Le journaliste politique en service au quotidien Le Jour indexe le Comité de normalisation de la Fecafoot et son président, Joseph Owona. Il répond aussi à ceux de ses confrères qui l'accusent de rouler pour les actuels gestionnaires du football camerounais. Lisez plutôt.
Quelle est la trame de votre dernier livre « La tragédie des lions indomptables »?
« La tragédie des Lions Indomptables » c’est un ouvrage de 318 pages que je viens de publier aux éditions du Schabel à Yaoundé. Il est préfacé par Jean-Pierre Tokoto, un ancien Lion qui a mis fin à sa carrière internationale après la Coupe du Monde de 1982 en Espagne. Ce livre revient sur la mauvaise passe que traverse le football camerounais ces dernières années, surtout la sélection nationale fanion qui en est la vitrine. J’évoque ce qui s’est passé à la Can en Guinée équatoriale, la bérézina brésilienne, la sempiternelle querelle des primes, les dessous de la chute d’Iya Mohammed, qui continue de tourmenter la Fécafoot, la responsabilité du président de la République qui n’a pas toujours pris les décisions qu’il fallait pour le renouveau de ce football, lequel lui a pourtant tout donné, etc. Je ne manque pas non plus de parler du Comité de normalisation qui, comme vous le savez, a échoué.
Peut-on le considérer comme la suite de votre premier livre « programmés pour échouer » ?
Tout dépend de chacun. « Programmés pour échouer » et « La tragédie des Lions Indomptables » parlent du football camerounais, certes, mais la manière d’aborder est différente. Personnellement je pense que mon second livre n’est pas la suite du premier. C’est mon avis et les lecteurs peuvent avoir le leur.
Qu’espérez-vous en vous attardant sur ce thème-là ?
Chaque auteur espère secrètement que ses écrits fassent bouger les choses. C’est la plus grande victoire qu’une œuvre intellectuelle peut procurer à son auteur. C’est légitime. C’est pour cette raison que j’encourage tous ceux que je rencontre à écrire. Certes, ceux qui dirigent ce pays sont si arrogants qu’ils ne lisent pas, convaincus qu’ils ont la science infuse. Conséquence : les problèmes des Lions Indomptables se reproduisent de manière cyclique et quasi sisyphéenne comme s’il n’y avait personne pour prendre de bonnes décisions et qu’on avance. Savez-vous depuis combien d’années on parle de problèmes de primes chez les Lions ? Savez-vous depuis combien de temps la gouvernance est un souci à la Fécafoot ? Quand Jean-Lambert Nang a publié l’excellent « Desperate football house », j’étais convaincu qu’il venait de lancer une bombe. Eh bien, rien ne s’est passé. Tout cela ne doit cependant pas décourager ceux qui veulent écrire. Car je suis convaincu que ce pays ne sera pas éternellement comme il est aujourd’hui.
Pour vous qu’est-ce qui fait problème au sein des Lions indomptables ?
Résumons-les en un mot : le management. Les gens ne semblent pas encore avoir compris qu’il n’est plus possible de rivaliser avec les autres nations sans un minimum d’organisation, de planification, de vision. Que voulons-nous faire de notre football à l’horizon 2035 ? (Cette année est à la mode. Je la cite aussi.) Lorsqu’on se fixe un tel cap, on s’organise pour atteindre les résultats escomptés. Un exemple de cafouillage : comment les joueurs d’une équipe nationale du Cameroun peuvent-ils dormir sur les bancs d’un aéroport à l’étranger parce qu’un individu, pourtant grassement payé, a cru qu’on entre dans un pays comme dans une église : sans visa ? Et le personnage responsable de cet opprobre qui a été jeté sur le Cameroun continue impunément de trôner à un poste où il n’a manifestement pas la compétence pour y être. C’est à se demander de quel bois il se chauffe et de quels soutiens il jouit. Les dirigeants actuels de la Fécafoot ont échoué et il est temps d’en confier les rênes à d’autres personnalités plus compétentes et intègres.
On constate que vous n’avez pas la plume tendre envers des joueurs comme Samuel Eto’o ou des responsables comme Joseph Owona, etc. N’est-ce pas là une sorte de petite revanche que vous vous offrez ?
Non, il ne s’agit pas de cela. Vous auriez pu citer le président Biya à qui j’impute aussi une certaine responsabilité dans la déchéance du football camerounais... Je suis resté très factuel dans ce livre parce que conscient qu’il va faire du bruit dans le landerneau, qu’il va susciter beaucoup de polémique. Ce qui est tout à fait normal. Je me base sur des faits vérifiés et vérifiables. Une production intellectuelle n’a pas vocation à rechercher l’unanimité ou l’unanimisme. Ce n’est pas ma philosophie au demeurant. J’ai écrit sans aucune acrimonie contre personne. Je suis peut-être quelqu’un de froid – c’est une déformation professionnelle – mais certainement pas d’haineux.
Parlant de Samuel Eto’o, il n’est pas possible de faire un travail de recherche sur les Lions Indomptables de ces dernières années sans parler de lui. Il a marqué cette sélection de son empreinte pendant presque 15 ans. Il a irradié cette équipe de son authentique talent. Meilleur buteur de l’histoire des Lions Indomptables, meilleur buteur de la CAN et je vous fais l’économie de ses performances dans ses clubs respectifs ; ils sont tout simplement affolants. Je suis presque convaincu que le Cameroun n’aura pas un autre Eto’o de sitôt. Mais, pendant ces 15 ans, il y a eu aussi un autre Eto’o : intrigant, mesquin, manipulateur, autoritaire, vaniteux, d’un narcissisme démentiel, paranoïaque avec des tendances parfois schizophréniques... C’est cet autre Eto’o que les gens refusent de voir. Et pour ne rien vous cacher, je m’en moque. A un moment donné, il est devenu incontrôlable. A sa décharge, je montre dans le livre comment les politiques avec lesquels il a commercé ont contribué à lui donner cette image détestable...
Imaginez un joueur en plein regroupement avec un gendarme servile qui lui sert de garde du corps ; imaginez un joueur qui ne mange pas avec ses coéquipiers, ne porte pas les mêmes maillots qu’eux au prétexte qu’on veut l’empoisonner ; imaginez un joueur professionnel qui, en pleine Coupe du monde enfreint tous les règlements de la Fifa en matière de marketing et oblige le Cameroun à payer des amendes en milliers de francs suisses ; imaginez un capitaine en partance pour la Coupe du monde qui refuse le drapeau qu’il est supposer aller défendre, etc. je vous épargne des pépites du même type. Ce sont des faits qui me poussent à dire qu’en réalité, ces derniers temps, les faits et gestes de ce garçon montrent qu’il avait perdu la tête avant qu’on la lui coupât.
Vous semblez invectiver le président de la République et les autorités autant administratives que footballistiques d’être à l’origine de ces problèmes…
Votre constat est tout à fait exact. Mais je récuse le mot « invectiver ». Je mets tous les acteurs devant leurs responsabilités. Il eût été intellectuellement incohérent et malhonnête de pointer les responsabilités des uns et des autres en épargnant – peut-être par révérence – le chef de l’Etat. Non. Je me sens obligé de dire les choses comme elles sont ; pour l’histoire.
Ce livre peut-il être une contribution à la normalisation du foot camerounais ?
Je n’en sais rien. Ce sont les lecteurs qui doivent me dire s’ils y ont décelé quelque chose de digne d’intérêt. Si ce n’est pas le cas, je ferais mieux la prochaine fois.
Etes-vous confiant quant à l’avenir des Lions indomptables et du football camerounais ?
Rien de ce qui se fait en ce moment n’incite à l’optimisme. C’est à croire que les gens font tout pour tuer non seulement les Lions Indomptables, mais le football camerounais en général. Les gens ne peuvent pas imaginer ce que cette interminable normalisation à la Fécafoot coûte au football camerounais. Les clubs sont laminés en compétitions africaines, les équipes de jeunes se font battre partout, le championnat national patauge, etc. Comment peut-on être optimiste ?
Alors que votre livre vient à peine de sortir, un site Internet annonce qu’il aurait été financé par la Fécafoot. Qu’en est-il exactement ?
Quand j’ai publié « Programmés pour échouer » en 2010, le secrétaire général actuel de la Fécafoot (Tombi à Roko) a confié – et j’ai des témoins – que ce livre avait été financé par le G11 ! Cette fois, on prétend que « La tragédie des Lions Indomptables » a été financée par la Fécafoot. Je suis bien curieux de savoir qui à la Fécafoot. Le président du Comité de normalisation ? Le secrétaire général ? Non. Cette histoire est complètement fumeuse. Non seulement le texte en question utilise le conditionnel, mais en plus, pour toute source, on cite un fantomatique « administrateur de la Fécafoot »… Tout cela est dénué de sérieux.
Ceci dit, je suis conscient que ce type d’attaques va se multiplier dans les prochains jours. Et cela va descendre de plus en plus bas. Mais je suis vacciné, immunisé et bien cuirassé contre les ragots de bistrot. Quand on écrit un livre comme le mien au Cameroun, il faut surtout s’armer d’une chose : le courage. Je crois en avoir assez. Du courage parce que certains journalistes ou du moins ceux qui prétendent l’être, vous parleront de tout, sauf de votre bouquin. Et pour cause ; lire est pour eux une épreuve qui s’apparente à avaler la cigüe !
Vous ne pouvez pas vous défiler comme ça, Jean-Bruno Tagne. Les accusations sont graves. On dit que vous avez fait la part belle à la Fécafoot parce que c’est elle qui a commandé le livre…
Je vous retourne la question, puisque je suppose que vous avez lu le livre pour m’interroger : ai-je fait la part belle à la Fécafoot ? Pardonnez-moi, mais c’est n’importe quoi. Je le dis la main sur le cœur et sur tout ce que j’ai de plus cher au monde : je n’ai pas reçu un copeck de la Fécafoot pour écrire ce livre et je n’en étais pas demandeur. Je mets mes contempteurs au défi d’apporter la preuve de leurs allégations.
Les mêmes personnages ont prétendu que j’avais perçu 800 000 FCfa de la Fécafoot en janvier 2015 pour aller à la Coupe d’Afrique des nations en Guinée équatoriale. C’est faux. Je n’y étais pas. J’ai regardé la CAN à Yaoundé au Cameroun. Des journalistes ont effectivement reçu des appuis de la Fécafoot comme c’est souvent la pratique au Cameroun. Mais moi je n’en faisais pas partie. Et la liste est disponible au service presse de la Fécafoot pour ceux qui sont vraiment animés par la recherche de la vérité. Il y en a qui ont perçu de l’argent et n’ont pas effectué le voyage. C’est un détournement de fonds. J’espère que la Fécafoot va les poursuivre devant la justice.
Sous la cagoule lâchement confortable de l’anonymat, on peut écrire toute sorte d’ineptie. Il faut au demeurant rappeler à vos lecteurs que le fameux texte qui m’incrimine est signé d’un pseudonyme. C’est vous dire le niveau de crédit qu’on peut lui accorder. C’est bien dommage que des « journalistes » n’aient pas le courage d’assumer ce qu’ils publient. Les mêmes ont écrit que Bell Joseph Antoine avait été corrompu par la Fécafoot à hauteur de dizaines de millions. Décidément ils voient l’argent partout. Comme ce sont des mercenaires sans envergure au service d’un homme qui digère mal sa déchéance, ils pensent que tout le monde peut se constituer esclave du Cfa. Eh bien, dites-leur de ma part que je ne fais pas partie de leur caste !
Vous pensez donc qu’il s’agit d’un acharnement contre vous ? Et pourquoi donc ?
Je n’aime pas beaucoup la victimisation. La réponse à votre question est dans mon livre. Le site donc vous parlez est financé par un ancien Lion sèchement déchu à qui je consacre quelques sympathiques pages dans « La tragédie des Lions Indomptables ». Incapables d’apporter des réponses intellectuelles à ce qui est dit de leur dieu, ils sont allés fouiller là où ils se sentent le mieux : dans la fange, mieux dans les caniveaux.
C’est fou ce qu’un homme peut être si célèbre et ne pas savoir trouver des gens intelligents et au moins élégants pour l’aider à faire ses basses besognes. Quand vous menez des combats d’une telle bassesse, ayez au moins la jugeote de choisir des combattants qui peuvent élever le niveau et lui donner une apparente légitimité. L’objectif de cette manœuvre abjecte est simple : tuer « La tragédie des Lions Indomptables ». Hélas ! c’est si cousu de fil blanc que cela me fait une petite publicité que je n’ai pas demandée. « Programmés pour échouer » a vécu ; « La tragédie des Lions Indomptables » vivra. On peut me jeter tous les anathèmes qu’on veut maintenant, mais dans 5 ans, 10 ans, 20 ans et plus, ce sont les livres que j’ai écrits qui resteront et non les calomnies et les injures que me profèrent des individus en panne d’arguments. Des gens avant moi ont écrit. J’essaie modestement de suivre leurs pas. Nous avons choisi d’écrire l’histoire. Pour m’arrêter, il en faut un peu plus que des ragots de tournedos.
Quel est le programme de présentation de « La tragédie des Lions indomptables » ?
Une cérémonie de dédicace suivie d’un débat se prépare. Elle aura lieu à Yaoundé avant le 20 mai prochain. J’y travaille avec mon éditeur. S’agissant de Douala et d’autres villes, cela se fera selon la disponibilité de mon éditeur. Je vous tiendrai au courant du programme quand il sera arrêté. Je suis en déplacement en ce moment et dès mon retour en fin de semaine, les choses devraient pouvoir bouger. Enfin, publiquement, on mettra la balle au centre pour parler des choses sérieuses. Ceux qui veulent des vrais débats ne se laisseront pas distraire. En ce qui me concerne, je n’ai rien à cacher.