Quand je regarde autour de nous il y a quatre figures politiques autour desquels se construisent les symboles qui font que le Cameroun est debout encore aujourd'hui. André Marie Mbida. Il est premier ministre du Cameroun du 12 mai 1957 au 16 février 1958. Le Cameroun lui doit un peu cet esprit frondeur.
Ensuite Um Nyobè, leader de l'UPC. Le Cameroun lui doit sa conscience politique et sa marche vers l'unité du pays. Ahmadou Ahidjo, c'est lui qui proclama l'indépendance du Cameroun le 1er janvier 1960 et il restera au pouvoir jusqu'en 1982. Nous lui devons la réunification du Cameroun et la perte d'une partie du territoire qui est rattachée au Nigéria. Il fait de la jeunesse dès la perte de cette partie du territoire "le fer de lance de la Nation" qui devra un jour reconquérir cette partie du pays perdue.
Paul Biya, il est le deuxième président du Cameroun et ce depuis 1982 jusqu'à ce jour. Il incarne la modernisation du Cameroun sur le plan institutionnel - c'est l'homme de la rigueur et de la moralisation. Mongo Beti, c'est l'écrivain de la pensée libre du Cameroun. Ces personnages quoi qu'on en pense et en dise, représentent ce que le Cameroun est aujourd'hui et ce qu'il sera demain. Je vois ceci sous l'angle politique parce que pour moi la politique conditionne tout le reste. Les politiques ont construit le Cameroun sur 7 provinces puis dix appelé aujourd'hui régions. Cela fonctionne mais exige encore du travail. Pour ces hommes, l'Etat, appareil informel au service de tous est incarné par un homme. Nous avons là une exigence constitutionnelle et un besoin de sacralisation. Il y a ici une dimension irrationnelle et affective au pouvoir c'est pourquoi je parle des symboles.
Avec André Marie Mbida c'était le Cameroun qui se voulait, il voulait parler de lui par lui et pour lui-même; Ahidjo, c'est le Cameroun qui se referme sur lui-même et défend farouchement sa grandeur; elle est chantée par ses artistes; avec Paul Biya c'est le Cameroun qui se veut un continent à part, il cultive sa singularité. Observons la dimension irrationnelle et affective du pouvoir. Un lien quasi mimétique unit un peuple à son dirigeant. Nous avons d'ailleurs l'impression que les trois personnalités qui ont exercé le pouvoir au Cameroun ne sont pas différentes de celui qui ne l'a pas exercé. Ils se reconnaissent tous plus ou moins dans les écrits de Mongo Beti.
Cette identification aliène ou motive les initiatives sociale, économiques, environnementale et artistiques.
Alors que nous nous acheminons lentement vers la fin du règne actuel, il s'agit pour celles et ceux qui aspirent à prendre la suite, d'en tenir compte, de savoir lire dans le coeur du peuple les traces laissées par les autres, pour incarner ses manières de voir et d’espérer. Et s’en faire aimer. C'est alors ici que tout se joue, le rationnel et l'irrationnel, l'union du jour et de la nuit, le mythique et le mystique. Le Cameroun qui vient se maintiendra pour avancer il n'avancera pas sans se maintenir, il se dira avec son passé, une grande part de son futur est dans la manière dont nous lirons son passé.