Peut-être etait-ce également le cas hier ou avant-hier? Peut-etre en a-t-il toujours été ainsi? Toujours est-il que de nos jours, ce ne sont pas les plus raisonnables qui l’emportent necessairement.
Dans l’histoire, il est souvent arrivé que ceux et celles qui vocifèrent le plus, qui sont les plus prompts à cracher du venin, à gonfler la boue, à souiller les tripes et à proferer des profanites finissent par l’emporter, la sottise bien connue des foules aidant?
Mais de quelle victoire s’agit-il véritablement si tout ce dont ils héritent, c’est la ruine – des villages abandonnés, des récoltes détruites, le labeur des pauvres gaspillé, des corps et des esprits calcinés, un amas d’ossements humains?
Un pays que la raison semble avoir déserté et dont la veulerie s’est emparée est bel et bien le Cameroun, ou se déroule en ce moment et de façon tout à fait moléculaire une de ces sales guerres dont notre monde sait si bien s’accommoder.
Dans ce pays, des possédés et autres imposteurs aboient à qui mieux mieux et appellent à la haine, ouvertement. Hier, les fous étaient parqués dans des asiles. Aujourd’hui, ils vivent parmi nous. Ils se définissent non comme des etres humains tout court, des etres humains comme tous les autres, mais comme des membres ataviques de peuplades tribales sorties de la nuit d’antan. Comme pris dans une tragique expérience hallucinatoire, des multitudes sont empêtrées dans la gangue et les miasmes de la tribu, ce vieux nouveau Belzebub devant lequel tous se prosternent indistinctement.
D’autres ne jurent que par leur colonialite, comme si la langue de la résistance et de la lutte s’etait étripée, ramenée à sa sale peau empoisonnée.
Les mêmes sautent de joie à la vue du cadavre de l’ennemi et discriminent les morts – les tiens, les miens. Des cadavres de paysans en fuite, de soldats de guenille à la solde du satrape, de jeunes sans travail enrôlés dans l’administration de la brutalité, de la torture, et puisque nous y sommes, de tueries, a l’emporte-piece!
Cette lutte de Negres dans un tunnel coûte déjà – et coûtera encore – des milliers de vies. De pauvres vies de pauvres gens des deux côtés; tous hébétés et pris dans l’engrenage de la déraison; coincés dans les impasses du postcolonialisme et autres maladies de la tyrannie; saoules par la bêtise de la tribulatrie.
Les voilà, qui y vont chacun avec ses petits et grands moyens, dans une sorte de frénésie et d’ivresse, celle de la sauvagerie qui s’abat sur les provinces anglophones plus d’un demi siècle après une pseudo-indépendance, et trente-six ans d’une satrapie ubuesque, qui n’aura eu cesse de sodomiser tout un pays, notre honte à tous et à toutes, la spectaculaire manifestation de notre collective castration-excision!
Un vieillard faineant, cynique et jouisseur s’accroche, acclamé par une armée de sycophantes, au final d’une vie consacrée à ne rien faire. Il signe des décrets, dans le néant. En réalité, il y a longtemps qu’il est mort – d’autolobotomisation. Seul un corps sans organe git, le corps sans organe d’un pouvoir autophage, qui desormais se devore tout seul – le principe diabolique par excellence. C’est que le satrape ne veut pas mourir seul. S’il le faut, il emportera tout avec lui.
Autour du grabataire, un millier de vautours, requins et autres prédateurs de toutes espèces s’affairent, attisent les passions, scient tout ce sur quoi ils sont assis, convaincus de pouvoir retourner le chaos en leur faveur le moment venu. Des hommes-hyènes, des hommes-panthères, des hommes-carnivores ont tout pris en otage et se préparent à l’orage.
En attendant, la guerre sale ne fait que s’embraser. En l’absence de bombes thermobariques, on incendie. Tout incendier. La politique de la terre brûlée, voilà à quoi aura conduit un demi-siècle de tyrannie. On brule tout. Les cases, les champs, le bétail, la chair humaine y compris, transformée en viande primitive. La guerre par l’enfumage. Efficiente et, finalement, à bas prix. Tout comme la vie humaine dans cette contrée empoisonnée par la corruption et la prédation.
Après tout, rien ne remplace la technique primitive du feu, cette arme primordiale. Tout revient finalement au feu et à celui qui le maîtrise, qui sait s’en servir contre l’ennemi. Car que vise-t-on au fond sinon à le réduire – lui et tout ce qui soutient son existence – en un amas de cendres.
Après avoir tout brûlé, en chœur et le verbe haut, nous irons dénoncer l’imperialisme et entonner des refrains à la gloire de la souveraineté nationale!