Tous les citoyens de ce continent connaissent la formule : la vérité blesse mais elle ne tue pas, elle fait ma mais ne saurait crever les yeux. Sur la gouvernance de l’Afrique, le président américain a peut-être dit une énième vérité qui passe mal. Que donc Donald Trump ait prononcé la formule « pays de merde » ou non pour évoquer Haïti et les pays d’Afrique, il est indéniable que la formule reflète étrangement bien la situation politico-économique de ces pays. Je crois principalement que le président Trump n’est pas fou, il ne s’embarrasse pas du politiquement correct par lequel la diplomatie internationale s’enferme dans la langue de bois et dans l’hypocrisie.
« Pays de merde » ?
La formule attribuée au président américain passe très mal dans les pays africains. Il faut se féliciter de ce que les véritables « pays de merde » aient eu jusque-là l’élégance de ne pas faire de commentaire sur le sujet. Ils l’auraient fait que le scandale aurait été encore plus dantesque. Le Ghana, le Sénégal et le Botswana, entre autres, peuvent se permettre de s’émouvoir d’une formule choc maos ce n’est vraiment pas leur affaire. Qu’importe.
Je me demande bien qi les Africains ont pris le temps de comprendre la formule avant de s’en émouvoir. Peut-être beaucoup ont-ils été choqués par le terme « merde » qui sonne faux et vulgaire. Mais, à y regarder de très près, « pays de merde » n’a rien de vulgaire ni de choquant. Si l’on fait en effet abstraction des sens «excrément d’homme ou d’animal », «objet sans valeur » et « personne sans valeur », on se rend vite compte que le mot signifie aussi « conditions désagréables ». On peut en déduire dès lors à bon droit que la formule « pays de merde » n’a absolument rien de choquant, strictement, mais qu’elle peut être tout simplement l’expression de la situation de misère et de désespoir qui régne dans ces pays.
Dans cette acception, « pays de merde » ne suppose plus rien de scandaleux. À l’opposé, la formule est la peinture fidèle de ce que des clans insatiables et illégitimes ont fait de plusieurs pays d’Afrique.
La poutre et la paille L’émotion embrouille toujours la pensée et la pensée. Les pourfendeurs de Donald Trump devraient faire l’effort d’ouvrir les yeux, de sortir de la bulle de l’émotion pour regarder la réalité et la vérité en face. L’intention n’est nullement de soutenir un président qui pose des actes et prend des décisions parfois condamnables mais il n’est pas pertinent non plus de s’en prendre à lui uniquement parce que c’est Trump. Ce serait du racisme en réaction au racisme dont on l’accuse. Il est ainsi incompréhensible que l’on prenne la formule attribuée au président Trump comme l’expression d’un mépris et d’une volonté de remise de l’esclavage et de la colonisation au goût du jour. C’est proprement prendre l’ombre pour la proie.
Donald Trump n’a rien dit d’extraordinaire, en fait. En Afrique, les pays de merde se comptent par dizaines et tout se fait dans ces pays pour pérenniser le plus longtemps possible la situation de « pays de merde ». Autrement, comment peut-on comprendre que des chefs d’Etat qui ont conduit leurs pays à la faillite trouvent juste de faire modifier la constitution pour briguer éternellement la magistrature suprême ? Dans ces pays, le présent est hypothétique et l’avenir hypothéqué mais les présidents ont l’impudeur de changer l’âge limite afin de pouvoir rester présidentiable. Y a-t-il une autre formule pour qualifier de tels pays ?
En RD Congo, des croyants ont été récemment attaqués dans leur lieu de culte. Au nom d’une paix « de merde », on a lancé des policiers et des gendarmes aux trousses de citoyens jugés hostiles au président et ces chiens de guerre n’ont pas hésité à envoyer des gaz et grenades lacrymogènes dans une paroisse. Dans le même pays, on trouve des subterfuges pour maintenir au pouvoir un président dont le mandat constitutionnel a expiré depuis plus d’un an ; tout porte à croire que ce qu’on appelle gentiment, sous ces latitudes, « le glissement » n’est pas près de la fin. Quand on s’autorise des actes aussi insensés, doit-on s’émouvoir de s’entendre qualifier de « pays de merde » ?
Au Cameroun, les citoyens tirent quotidiennement le diable par ma queue. Aucun rêve n’est permis puisque le pays n’est pas gouverné pour que tout le monde ait ce qu’il lui faut pour vivre à l’abri de la misère. Les politiciens ont rubis sur ongle pendant que la grande masse vit dans le dénuement. Dans un tel pays où deux citoyens sur trois disposent de moins de 500 F CFA par jour, où plus de 5 citoyens qualifiés sur 10 n’ont pas d’emploi, le président se permet de longs séjours en Suisse dans des hôtels de luxe. Que dire d’un tel pays sinon qu’il est un « pays de merde » ?
Faut-il encore rappeler les mauvais exemples du Togo et du Gabon ? Dans ces temps modernes, l’establishment politico-militaire de ces deux pays n’a pas trouvé inconvenant et incommode d’installer dans le fauteuil présidentiel des fils de présidents défunts alors même que légalement ces pays ne sont pas des royaumes ni des monarchies constitutionnelles. Comment est-ce possible dans ce monde de mutations où la chose publique doit plutôt être gérée avec pertinence et équité ? De plus, dans ces deux pays, les élections présidentielles sont souvent le lieu de manipulations grotesques dignes d’un conte merveilleux. Si le président d’une commission électorale doit se cacher pour proclamer les résultats d’une élection, qi au dernier moment les suffrages exprimés dans une région d’un pays vont tutoyer les 100% au point de faire basculer l’issue d’un scrutin, a-t-on tort de dire qu’il s’agit de pays de merde ?
Donald Trump dit avoir seulement utilisé des mots durs pour parler des pays africains. Si ses mots durs sont traduits par la formule « pays de merde », ce n’est que logique et vérité. Les pays concernés ont intérêt à enlever la poutre qui est dans leurs yeux avant de vouloir enlever la paille dans ceux de mister Trump. L’Afrique mérite autre chose que cette gouvernance approximative axée sur le bonheur de quelques individus. La vérité fait rougir les yeux mais elle ne mes crève pas.