Depuis le 25 septembre, le ministère des Arts et de la Culture (Minac) vibre au tempo des décrets et arrêtés du Premier ministre (Pm), sous le fallacieux prétexte que ce dernier voudrait apporter des solutions à des prétendus problèmes qui minent la gestion du droit d’auteur et de l’art musical. Seulement, l'examen de ces textes par des experts en la matière, démontre à suffire de nombreuses incohérences.
En effet, suivant la loi 2000/011 du 19 décembre 2000 relative au droit d'auteur, le contrôle des organismes de gestion collective était de la compétence exclusive du ministère des Arts et de la Culture (Minac). Et depuis 2004, il existe au Cameroun une Commission permanente de médiation et de contrôle (Cpmc) qui fonctionne sous l'autorité du département ministériel en charge de la Culture. Mais contre toute attente, le 25 septembre dernier, c'est par la radio que le Minac a appris la suppression de la Cpmc. Les missions de celle-ci sont transférées à la Primature.
Pour tout couronner, le 29 septembre dernier, comme emporté par la folie du pouvoir, Philemon Yang, une fois de plus, en violation d’un décret du président de la République précisant les attributions du Minac, abroge les textes de la Cpmc, de même que son existence.
Plus grave, alors que seul le chef de l’Etat est compétent pour instruire l'utilisation des fonds relevant du compte d'affectation à la politique culturelle, le locataire de l’«Immeuble étoile» a décidé qu'une partie du budget de sa désormais commission de contrôle, sera financée par ce compte.
Au plan de la forme, plusieurs juristes, spécialistes du droit d’auteur, s’accordent à dire que non seulement les décrets rendus publics n'émanent pas de l’institution compétente et sont pris sans consultation, mais surtout, en violation des textes en vigueur.
Si par exemple, le décret relatif au droit d'auteur de 2001 signé par l’alors Pm, Peter Mafany Musonge, comportait une disposition sur la gestion des spectacles, parce qu’à l'époque, la loi relative aux spectacles n'existait pas. En 2015, une loi sur la matière ayant été promulguée en 2004 de même que son décret, pour la cohérence des actes, il n’y avait aucune raison de la présence de la disposition se rapportant aux spectacles dans le texte du 25 septembre.
Alors que les organismes de gestion collective sont des structures relevant du droit privé et dont les statuts sont adoptés par les membres, la gestion de ceux-ci ne saurait être placée dans des mains extérieures et inexpertes. Or, le Pm, Philemon Yang, dans son obsession de positionner le citoyen américain Ndedi Eyango, a cru bon d'introduire une disposition permettant à tout étranger au Cameroun et détenteur d'une carte de séjour, de pouvoir briguer les fonctions de membres du conseil d'administration.
«C'est bien la preuve de l’impartialité du Premier ministre. Le ridicule ne tue pas », commente un administrateur de l’ex-Cameroon music corporation (Cmc).
Au mépris du bon sens et du respect de la République, le Pm se comporterait, au goût des artistes, comme un imposteur dont le seul objectif consisterait à trouver des voies et moyens de prendre le contrôle d'un certain nombre de structures stratégiques. Les artistes musiciens ne comprennent plus rien à ses agissements. Ils s'interrogent et risquent passer aux actions fortes dans les jours à venir selon des informations parvenues à La Météo.
«De plus en plus, nous avons l'impression que du côté de la Primature, c’est la haine, c’est le hold-up », commente un artiste de la diaspora. Et de s’interroger : «Comment feraient éventuellement les responsables d'une commission de contrôle nommés par le Premier ministre si le ministre des Arts et de la Culture, décidait de ne pas les reconnaître et de passer outre les actes non républicains et anti constitutionnel du Pm ? ».
Pour notre source, il est important aujourd'hui, mieux qu'hier, que les ministres fidèles et loyaux à Paul Biya et aux institutions républicaines le démontrent par des actes qui préservent la cohésion sociale, et qui sont conformes aux lois adoptées par le Parlement et promulguées par le président de la République.
Pour de nombreux créateurs des œuvres de l’esprit, il est urgent que le chef de l'État remette de l’ordre car, les agissements de Philemon Yang démontrent qu'il n'est plus simplement Premier ministre, mais que c’est lui le véritable chef de l’exécutif.
Coup d’État civil ?
Les Camerounais savent que c'est le président de la République qui, conformément à la Constitution, nomme aux fonctions civiles et militaires. Mais stratégique qu’il est, le Pm, apprend-on de sources concordantes, annonce le lancement prochain d'une campagne de communication pour soigner son image. De ce fait, indique-t-on dans les couloirs de l’«Immeuble étoile», Philemon Yang mettrait tout en œuvre pour écarter les ministres qui ne marcheraient pas selon sa vision de la République.
C'est dans cette option que, soutient-on à la Primature, sans mot dire, chaque jour, par un acte nouveau, l’ancien ambassadeur du Cameroun au Canada se positionne en ministre des Arts et de la Culture pour prendre des décisions relevant de la compétence du titulaire au poste, Ama Tutu Muna.
Pendant que les soldats camerounais manifestaient leur courroux dernièrement et que les populations attendaient de voir le chef du gouvernement sortir courageusement de son piédestal pour aller à la rencontre des grévistes, de mauvaises langues prétendent que lui et son secrétaire général, Louis Paul Motaze, se sont barricadés pour presser au téléphone, le ministre délégué à la présidence, chargé de la Défense, à prendre ses responsabilités pour régler les problèmes relevant de ses compétences gouvernementales.
Info ou intox, toujours est il que, en l’absence du président au pays, personne n’a vu le Pm, accompagné du secrétaire général de ses services nulle part. La tempête passée, les deux cachés d'hier ressurgissent à la tête d'une «armée», pour interférer dans les activités du Minac.
«Dans une République, il y a des textes notamment la Constitution, les lois, les décrets régissant le fonctionnement d'un État normal. Lorsque le Premier ministre en vient de façon répétitive à violer les principes, au point de pousser le bouchon jusqu'au piétinement des décrets du président de la République, des interrogations doivent interpeler toute conscience citoyenne. S’agit-il d’un coup d’État civil? Tout porterait à le croire.
Pour E. Mvounda, doctorant en sciences politiques, le chef du gouvernement devrait savoir que la République est un régime politique. Au Cameroun, il est présidentiel et non parlementaire. Notre analyste estime que cela suppose des règles qui s'imposent à tous. «L'histoire constitutionnelle de notre pays de même que le suffrage exprimé par les populations par le vote, font du chef de l’Etat, le patron de la République.
Le Premier ministre ne saurait être rien d'autre que son collaborateur, exécutant ses directives et respectant ses prescriptions et instructions », commente le politologue. Et de s’interroger : «D'où vient-il que, sans changement référendaire de régime, parce que nommé chef du gouvernement, Philemon Yang en vienne permanemment, au vu et au su des présidents du Senat et de l'Assemblée nationale, à violer sans émotions les lois et décrets promulgués par le président de la République?».
Et l’universitaire de conclure : «Le problème de la gestion collective du droit d'auteur qui chaque jour, livre les faces cachées de celui qui est à la tête du gouvernement, devrait servir de leçon aux autorités sécuritaires car, ailleurs, l’on a observé de graves conflits surgir et imploser les États, lorsque le Premier ministre, à force de rogner sur les compétences du chef de l'État, finit par croire qu'il était le patron». A méditer…