Le projet de modification de la constitution avec création du poste vice-président n’a pas été évoqué lors de la première session de l’Assemblée nationale qui vient de s’achever. Et pourtant l’observateur politique Eric L. Lingo revient sur la question et formule des propositions à Yaoundé.
S’il se dit sous cape que cela fera l’objet de délibérations au cours de la session parlementaire ordinaire du Parlement actuellement en cours à Yaoundé, ou de la prochaine, aucune confirmation formelle du porteur de l’éventuel projet de loi, le gouvernement de la République, n’a pu être enregistrée à ce jour. Et si c’était un de ces fréquents ballons d’essai pour tester l’opinion nationale avant de mettre en application un plan risqué ourdi de longue date ?
Qu’à cela ne tienne, la question en soi est digne de discussion, dans un contexte où le leadership étatique prête à confusion, où l’impression d’un bicéphalisme officieux, parce que non-constitutionnel, s’est imposé dans la gestion des affaires de l’État au plus haut niveau, avec un Premier ministre, lui constitutionnel, et je le dis pour le déplorer, relégué de facto au rang de figurant de la scène politique nationale, de représentant honorifique occasionnel sur la scène internationale et, pire, d’exécutant de sempiternelles « hautes instructions » d’origine fréquemment questionnables à lui ou à son secrétaire général relayées par un omniprésent collaborateur du Chef de l’État dont il est en fait le supérieur hiérarchique. Ce flou institutionnel se doit d’être levé urgemment afin de faciliter la transition successorale, que j’espère démocratique, qui frappe à nos portes.
L’incapacité des successeurs constitutionnels du Président de la République, à savoir le Président du Sénat et le Président de l’Assemblée Nationale, à assurer une réelle continuité sereine en cas de vacance du pouvoir s’affirmant de plus en plus dans la pratique politique actuelle au Cameroun, un autre argument est trouvé pour tenter de donner au peuple camerounais une indication claire de qui dirige le Cameroun, avec qui et comment, maintenant et à l’avenir.
Évidemment, il s’agit également de faire taire les rumeurs persistantes de velléités de dévolution du pouvoir de gré à gré de l’ordre gouvernant, malgré les dispositions de notre Loi fondamentale, s’assurant par la même la main-mise en continuité sur la gestion de l’État et son budget !
Dans le modèle putatif qui court les rues et fait les choux gras, il est le plus souvent question d’un « Vice-président Anglophone » (avec A majuscule), et un certain nombre de personnalités ont même déjà été pressenties pour ce poste prestigieux. Je m’oppose fermement à ce projet, pour les raisons principales que je m’en vais vous présenter :
Pour une raison de moins en moins obscure, cela exclurait les populations dites Anglophones (avec A majuscule), c’est-à-dire des Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, de la Présidence de la République. Ceci est un non-sens inouï, une discrimination négative à proscrire dans un pays où tout le monde et chaque habitant est censé être égal en devoirs et en droits ! Cette tentative sournoise et pernicieuse de répondre aux cris de discrimination souvent légitimes de cette partie de la population par une autre discrimination politicienne entre en droite ligne avec le Code portant organisation des Collectivités Territoriales Décentralisées de 2019, notamment en son Art. 340.
Ce serait une manière insidieuse de réserver la Présidence de la République à une partie de la population qui, bien que non-nommée, serait dans le subconscient du Camerounais celle actuellement aux affaires. C’est ainsi que se fait le lit de luttes intestines et fratricides des « Alpha » autoproclamés avec ceux de tous bords privés de toute ambition pourtant légitime. La déflagration sociale qui en résulterait n’est qu’une question de temps.
Au Cameroun, il n’y a pas que les « Anglophones » d’un côté et les autres de l’autre ! D’ailleurs, étant donné qu’il y a plusieurs autres régions et groupements sociologiques hautement défavorisés dans notre pays, à l’instar de la Région de l’Est ou d’une bonne partie du soi-disant Grand Nord, ceci serait de nature à accentuer les ressentiments communautaires et la division déjà perceptible du pays.
Si, donc, la perspective d’une Vice-présidence nationale est en soi bienvenue à divers égards, l’approche pour y arriver doit absolument être différente. La question est de savoir comment…
Dans le modèle de gestion politico-administrative de l’État que je me suis essayé à concevoir et développer depuis juillet 2020, modèle que l’occasion me sera peut-être donnée de présenter en détail, ce poste de Vice-président est effectivement prévu, dans les conditions générales suivantes :
Forme constitutionnelle de l’État : fédéralisme conventionnel à 12 États
Président fédéral élu au suffrage universel direct*
2 formes de mandats présidentiels au choix : 5 ans (renouvelable 2 fois) ou 7 ans (renouvelable 1 fois)
Président fédéral est chef effectif du gouvernement, le poste de Premier ministre étant aboli. Vice-président fédéral élu au suffrage universel direct en tandem avec le Président fédéral dans une campagne conjointe pour le même mandat
Vice-président fédéral est successeur constitutionnel du Président fédéral en cas de vacance dûment constatée de la Présidence fédérale jusqu’à la fin du mandat et possibilité de candidature
Vice-président fédéral remplaçant du Président fédéral en cas d’absence dans toutes ses attributions, sauf exceptions consignées dans la Constitution
Président fédéral et Vice-président fédéral parfaitement bilingues (français/anglais)
Tandem présidentiel constitué de 2 membres de communautés linguistiques d’origine différentes (aussi bien en ce qui concerne les langues officielles importées que les diverses langues ou divers groupements linguistiques du pays)
Dispositif constitutionnel spécial en cas de la propre vacance de la Vice-présidence fédérale par décès ou incapacité : nomination par le Président fédéral jusqu’à la fin du mandat électif, mais succession dorénavant assurée en cas de vacance du Président fédéral par le Président de l’Assemblée Nationale pour une durée maximale de 60 jours jusqu’à organisation de nouvelles élections présidentielles, sans possibilité de candidature
Obligation constitutionnelle de la tenue d’un conseil des ministres au moins par mois sous la présidence du chef de gouvernement ou du Vice-président fédéral
Je reste persuadé, même sans être parvenu au bout de mes réflexions, que l’organisation ainsi présentée dans ses grandes lignes trouverait plus facilement l’assentiment populaire nécessaire et garantirait une gestion effective de l’État par les mandataires du Peuple camerounais, loin des « hautes instructions » devenues pléthoriques et entraînant une brume de doutes, tout en réduisant les risques de déflagration sociale qu’on encourt en cas de succession vaporeuse.
Eric L. Lingo, 06/04/2022