Pourquoi il serait bon que le Cameroun soit colonisé

Carte Du Cameroun Carte du Cameroun

Thu, 4 Aug 2016 Source: Serge Alain Godong

Dans une étude fort éclairante et quelque peu surprenante dans ses conclusions, Daron Acemoglu, un économiste américain d’origine turque, enseignant aux Etats-Unis, au MIT – spécialiste du rôle des institutions dans le développement économique – postule que les pays anciennement colonisés qui possèdent aujourd’hui les meilleures institutions, les meilleurs cadres de développement des affaires et les meilleurs indicateurs de gouvernance sont avant tout les pays au sein desquels les colons ont eu l’intention de s’établir durablement.

En clair, plus étaient hautes leurs intentions et ambitions d’exploitation des richesses du pays, plus était décisif leur engagement à construire, localement, une qualité et une quantité d’infrastructures matérielles et organisationnelles compatibles avec leurs propres intérêts de vie dans le pays, à long terme. 237online.com La transposition de ce raisonnement sur quelques pays d’Afrique est assez aisée à effectuer.

On peut en effet aisément se souvenir de la dynamique historique globalement forte avec laquelle le colonat prit possession de l’Afrique du Sud, de la Namibie, du Kenya, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Egypte et, même plus proche de nous, du Sénégal et de la Côte d’Ivoire (dans ce dernier pays par exemple, la communauté française est proche de 100 000 individus, alors que, dans l’ensemble du Cameroun, elle ne tourne qu’autour de 4 000 personnes, maximum).

Le lien est tout trouvé donc : plus nombreux sont les colons,

meilleur devient le pays plus tard. Corrélation qui se voit même dans les résidus de ce lien historique : plus nombreux sont les étrangers et, en l’occurrence les Occidentaux, quelque part, plus grandes sont les chances de ce pays d’hériter d’une organisation sociale, économique et même politique de meilleure qualité. A vu d’œil, ces pays apparaissent aujourd’hui dans le haut de tous les classements, en termes de climat des affaires.

Les expatriés y ont toujours été plus nombreux et se sont toujours investis à ce que la qualité de vie développée localement soit propice à leurs attentes. De là, les infrastructures que l’on y trouve sont de meilleure qualité, l’organisation sociale est plus fluide, le respect de la vie humaine plus consacré et de bien meilleurs égards sont tenus à l’endroit du droit de propriété. Le niveau de corruption s’en trouve plus faible et la qualité globale de production des biens collectifs largement supérieure.

William Easterly, un autre économiste américain, lui aussi spécialiste des questions de développement, s’est donc mis en extension de ces conclusions pour lui aussi formuler un raccourci de raisonnement brutal, mais presque imparable : les pays africains ne souffrent pas tant d’être trop exploités par le capitalisme mondial que de n’être pasc assez exploités ! Renversement de perspective à faire noircir tous les « africanistes » de pacotille, généralement ignares, qui écument à grands pas médias et débats publics, depuis quelques années.

Sans vouloir se satisfaire de ce contre-pied rhétorique, il est n’est pas tard en effet pour les Africains – et les Camerounais notamment – de savoir que l’une des caractéristiques principales du capitalisme est d’imposer des règles de convergence universelles vers lesquelles tous ceux qui prétendent l’adopter sont tenus de se rendre, de gré ou de force, tôt ou tard.

Et, il vaut mieux, plus tôt que plus tard. Le fanatisme autour d’une quelconque « particularité » nationale qui rend légitimes et donc supportables toutes sortes d’archaïsmes (corruption, incohérences diverses, pillage systématique des ressources publiques) ne sert absolument à rien, si ce n’est à enfoncer davantage le pays, en lui infligeant des retards irrattrapables, pendant que d’autres nations du monde elles, se montrent plus « capitalistes » et donc, avancent. Beaucoup maudissent ainsi FMI et Banque mondiale.

Aujourd’hui, il faudrait plutôt dire, « bravo FMI et bravo Banque mondiale ! » Bravo aussi la France et son C2D, bravo Exim Bank of China, bravo la Turquie, bravo et bienvenue la Belgique. Car, pour le dire de la même voix que Daron Acemoglu et William Easterly, c’est le jour où les Camerounais comprendront qu’ils ont clairement intérêt à être colonisés que commencera l’esquisse de leur développement économique.

Auteur: Serge Alain Godong