Pourquoi l’enrichissement illicite a le vent en poupe

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Sat, 16 Jul 2016 Source: camer.be

Avec ou sans salaires, les agents publiques et de hauts dirigeants affichent une fortune colossale.

« Denver » est un quartier résidentiel, situé au nord du centre commercial d’Akwa à Douala. C’est un coin chic, malgré les eaux du Wouri qui y montent, lors des marées hautes. Dans ce quartier, les honnêtes gens cohabitent avec tous les nouveaux riches d’un type particulier : agents des impôts, agents des douanes, cadres de la police, de la gendarmerie, de l’armée, agents de divers services de l’Etat, contractuels d’administration.

Ces « riches » ont en commun, leur proximité avec l’argent public et la détention d’une parcelle de pouvoir d’Etat. Après avoir acheté tous les terrains libres de « Denver », ils ont fait main-basse sur Logpom, Logbessou, Yassa, et envisagent d’investir dans l’immobilier, au-delà du fleuve Dibamba. A Yaoundé, les quartiers du « Golf » et Odza, ont été investis par les fonctionnaires et d’autres agents publics qui se taillent les plus grandes parcelles.

Sans compter les villas, les châteaux et les immeubles qui en disent long sur la surface financière des propriétaires. A Bastos, le quartier résidentiel, les espaces résiduels dont les prix de vente étaient au-dessus de toutes les bourses, les « riches » fonctionnaires ont misé gros. Ils ont procédé de la même façon, pour être propriétaires de tous les domaines immobiliers de luxe à Yaoundé, comme à Douala. Les véhicules de grosses cylindrées dont ils disposent en grand nombre, agrémentent le décor de leurs biens mal acquis. La liste des biens en question est particulièrement longue.

« Les fonctionnaires nous font une concurrence déloyale. Ils sont au début et à la fin des procédures et détiennent la décision sur tout ce qu’on peut entreprendre au plan économique chez nous ». L’opérateur économique qui fait ce constat affirme par ailleurs que la richesse du Cameroun est entre les mains des fonctionnaires, qui ne payent aucun impôt et n’emploient pas les jeunes. Un cadre de banque ayant participé au montage des emprunts obligataires de l’Etat du Cameroun confie que les agents de l’Etat ont déboursé de l’argent pour près de 45% des obligations.

Aussi croit-il que les fonctionnaires et autres agents publics sont en grande partie à la base de la sur liquidité des banques nationales. L’immobilier est le secteur prioritaire du blanchiment de l’argent sale.

Enrichissement illicite

La baisse des salaires des fonctionnaires, à deux reprises, ainsi que la dévaluation du franc Cfa en 1994 sont passés comme une lettre à la poste. Beaucoup d’analystes situent à cette période, le début de la course vers la richesse engagée par les agents de l’Etat ainsi que la plupart des hauts commis nommés à la tête des entreprises publiques et parapubliques.

Toute cette richesse qui se construit sur le dos des citoyens et dans les caisses de l’Etat s’appelle enrichissement illicite. Au sens de l’Union africaine qui a toute une convention en matière de prévention et de lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite est défini comme « augmentation substantielle des biens d'un agent public ou de toute autre personne que celui-ci ne peut justifier au regard de ses revenus ».

Dans une convention similaire, les Nations-Unies ont une définition identique : « une augmentation substantielle du patrimoine d'un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à des revenues légitimes ».

Aucune étude détaillée n’étudie le phénomène d’enrichissement illicite dans notre pays. Mais la prévarication de la fortune publique, la montée en puissance des riches, n’ayant ni entreprise ni héritage familial connu, ainsi que le développement d’une maffia de l’immobilier constituent des indicateurs du fléau. Ce n’est plus l’apanage des seuls agents publics.

Auteur: camer.be