Pourquoi les jeunes veulent quitter le Cameroun ?

Wed, 15 Jun 2016 Source: Sylvestre Ndoumou

Presque tous les jeunes de notre pays nourrissent un même rêve : « partir » vers des horizons qui peuvent donner des opportunités d?une vie meilleure.Au fil des années, les candidats à l’immigration se font de plus en plus nombreux. Que cette immigration soit clandestine ou légale, les jeunes, et parfois les moins jeunes, semblent ne plus avoir de choix à faire. L’essentiel étant de quitter le Cameroun. Pourquoi partent-ils ? Est-ce par manque de patriotisme ou tout simplement le désir de l’aventure qui les pousse à prendre cette décision radicale ?

Pour mieux comprendre ce qui pousse les jeunes à l’exil, nous les avons interrogés pour qu’ils nous en donnent les raisons. Pour Blaise N. étudiant à l’université de Douala, « Je souhaite quitter le Cameroun parce que le pays n’offre pas beaucoup d’opportunités en terme de formation professionnelle. Si vous avez une licence, une maîtrise  sans aucune formation précise, sachez que le chômage vous est garanti ». Pour Pascal B., « C'est la faute de nos dirigeants. Je pense qu’ils  n’ont pas la  volonté politique  de  créer des opportunités pouvant retenir les jeunes. C’est pénible d’achever ses études et passer des années sans travail, parce que la formation n’est pas orientée vers l’emploi. C’est la raison pour laquelle les jeunes veulent quitter le pays ».

Il est donc établi  que c’est pour des raisons économiques que les jeunes veulent tous quitter le pays. Ils affirment tous  que  dans leur pays le Cameroun,  ils ne bénéficient d’aucune attention de la part des dirigeants. Ils survivent au jour le jour, grâce aux métiers informels tels que : l'agriculture, la moto taxi, le petit commerce, le taxi.

Sans se poser de questions, ils décident de prendre le large, parfois, pendant de longs mois, ils  risquent tout, y compris leur vie, pour entreprendre un périlleux périple qui leur fait traverser des dizaines de frontières et les dangereux courants de la Méditerranée à la recherche d?une vie meilleure en Europe. Certains y laissent parfois  leur vie, d’autres sont renvoyés chez eux et d’autres encore, qui atteignent leur destination, comprennent que leur existence n’y sera pas forcément plus facile.

Mais étant donné le manque d’emplois et les sombres perspectives auxquelles ils sont confrontés dans leur pays, des jeunes   préfèrent encore l’exode que de rester à moisir sur place  à  écouter des promesses et des  discours sans lendemain.

En fait, c’est la quête du bien-être facile et du travail bien payé qui attire les jeunes vers l’Occident. Les jeunes de  notre pays  veulent sortir de leur condition trop précaire. Ils  veulent un travail bien rémunéré afin de fonder leurs familles. Malheureusement, l’Occident offre de moins en moins la possibilité de sortir de la misère que l’on fuit dans son pays.

L’avenir radieux demeure chimérique, imaginaire. Les villes européennes sont aujourd’hui inondées par de jeunes camerounais et africains  qui n’ont parfois même pas où loger ni de quoi manger. La recherche du bonheur impose souvent à expérimenter des situations plus que dramatiques  de déshumanisation.

Au-delà des chiffres réels ou imaginaires qui circulent sur le taux de  chômage au Cameroun, il convient de dire que c’est à ce niveau que réside la difficulté chez les jeunes.  Aujourd’hui, les pouvoirs publics  tiennent un langage ambigu sur le chômage. Ainsi, pour le Fonds national de l’Emploi, le taux de chômage est de 4,4%. Au niveau du chômage élargi, le FNE parle d'un taux de 6,2%. Et dans les villes de Yaoundé et Douala, l'on note respectivement les taux de 14,7% et 12,1%.  Mais selon d’autres sources, l’on parle  d’un taux de chômage élargi des jeunes  qui se situe à  13% de la population active du pays, avec des pointes de 22% à Douala et 30% à Yaoundé. Sur un taux de chômage global d’un peu plus de 14%.  Cette cacophonie des chiffes sur l’emploi cache quelque chose, elle traduit la volonté d’entuber les jeunes dont 100.000 nouveaux demandeurs d'emploi sont enregistrés chaque année, et parmi eux,  des diplômés de l'enseignement supérieur.

Il s’avère donc que  l’intégration professionnelle est difficile. Elle devient encore plus pénible lorsqu’il faut monnayer une place quand on est issu d’une famille pauvre. Si l’on n’est pas parrainé par un membre des cercles du pouvoir, peut-on trouver un emploi digne de ce nom au Cameroun ? Voilà autant de souffrances qui traumatisent les jeunes et, implicitement, ils comprennent qu’ils n’ont pas de place dans leur propre pays. Circulez dans les rues, parlez avec les jeunes, et vous serez choqués d’apprendre que des centaines de licenciés de nos universités exercent comme conducteurs de motos taxis,  comme taximen, ou vendent de la friperie. Ils le font pour survivre, en attendant de trouver l’occasion de partir sous d’autres cieux.

Qu’est-ce que cela peut bien dire à ceux qui nous gouvernent ? Rien du tout, puisque leurs enfants ne sont pas concernés par la détresse des autres.  Nous voulons tous être heureux, mais le bonheur n’est pas toujours ailleurs ! Les lois d’inhospitalité se multiplient en Occident et se transforment en obsession de verrouillage des frontières, la suspicion généralisée et la répression. Il en résulte de  graves atteintes aux droits humains des étrangers. Dans ces conditions, chers gouvernants donnez aux jeunes des raisons d’espérer, non pas en paroles, mais en actes concrets. 

Auteur: Sylvestre Ndoumou