En quelques mois, deux homicides ont été enregistrés dans les rangs des hommes postés à l’Extrême-nord du Cameroun. Des experts y voient le signe d’un malaise.
Selon l’hebdomadaire Intégration paru le 9 octobre 2017, la communauté des militaires reste en émoi, après la mort du chef de bataillon Ayissi Tsanga. Ce dernier a été abattu le 04 octobre dernier en fin d’après-midi à Mora (Mayo Sava) par l’un de ses éléments, le soldat de 2ème classe Jean Blaise Woubone. L’assassin s’est donné la mort juste après. Cette tragédie survient après une autre qui s’est produite le 14 juillet dernier à Kousséri (Logone-et-Chari).
Dans cette localité, Mbincho Jude, jeune gendarme en service à l'escadron 33 de la compagnie de gendarmerie, a tué son chef hiérarchique (le capitaine Ondoua) et trois de ses collègues. Après son forfait, l'infortuné s’est rendu lui-même, aux mains des forces de sécurité. Pour le premier comme pour le second cas, les enquêtes sont ouvertes. Mais rien ne filtre pour l’instant. Reste qu’au regard des éléments disponibles, les deux faits ont mis en scène des subalternes prenant leur revanche sur leurs supérieurs par l’exercice de la violence. «On est en surplomb d’un malaise dans les rangs ; cela exige de chacun de nous un regard appuyé sur ce qui se passe surtout dans les casernes situées au front contre Boko Haram», décrypte un officier à la retraite. «Insensiblement, par la manière que surviennent ces drames, naît l’impression qu’il se passe quelque chose là-bas», ajoute-t-il.
Cette «chose» remue la marmite des inquiétudes. Ecœurés, des observateurs remettent en cause le casting lors des recrutements dans les forces de défense. Tobie Ndi, un militant du RDPC, le parti au pouvoir, est de ceux-là. Selon lui, ce qui arrive pose une contre-empreinte sur l’armée. «Qu’un subalterne tire mortellement sur un officier me semble l’épilogue d’un conflit larvé dans les casernes. Et cette image est loin d’être bonne», dit-il décrivant une ambiance dans laquelle les hommes de rangs, plutôt que de marcher avec des pattes de colombe devant les hauts-gradés, défilent avec des pattes d’aigle. «Résultats: insubordination, crise de confiance et leur cortège d’infortunes».
Justement, avant ces drames, de nombreux actes d’insubordination ont été enregistrés au front obligeant le ministre délégué à la présidence de la République en charge de la Défense (Mindef) à y faire un tour en fin du mois de juin. «Toutes ces «fièvres notées» ces derniers temps sont bien les symptômes multiples d’un malaise global et profond qui affecte durablement et simultanément l’essentiel des troupes», analysait alors Françoise Mouyenga, enseignante au Centre de Recherche et d'Etudes de Politique et de Stratégie (CREPS) de l’Université de Yaoundé II. Sur le terrain, les officiers supérieurs avaient pour leur part expliqué à Joseph Beti Assomo que le contexte militaire à l’Extrême-nord était propice à l’émergence de ce type de dérapage.
Selon eux, ces cas d’indiscipline sont d’abord la conséquence de la dureté des conditions de vie. Le climat âpre, les permissions peu nombreuses et souvent retardées, l’état lamentable des cantonnements de repos, le contact permanent avec le sang et la mort, sont autant de raisons qui poussent les soldats au mécontentement.