Pourquoi nos hôpitaux restent sourds à la détresse humaine?

Wed, 23 Mar 2016 Source: Vincent-Sosthène Fouda

Je me suis habitué à écrire pour les morts parce que hier ils étaient vivants. Maître Claude Assira qui est mon ami et mon cousin me le rappelait il y a encore quelque jour dans son étude à Yaoundé. « C’est une mission que tu t’es assignée. » Aujourd’hui je voudrais dire au revoir à Nazaire FotsoNdefo que j’ai rencontré il y a cinq ans. Cinq ans pour un homme qui est né le 17 juillet 1970 c’est court pour dire le connaitre et pour certains pour le qualifier d’ami.

Hier il est tombé, d’un coup dans son bureau à la BEAC à Yaoundé où il occupait la fonction de chef de service des relations internationales. Il a été transporté à la CNPS hôpital avec lequel la BEAC a une convention, mais il n’a pas été pris en charge immédiatement. L’on demandait de l’argent en espèce alors une main levée a été organisée sur le champ, l’argent a été réuni pour permettre que les premiers soins soient administrés à cet homme. Il a rendu l’âme vers 19h hier dans cet hôpital juste au bout de la colline de mon village natal.

Nazaire FotsoNdefo était un ami, un confident, un homme avec qui j’aimais bien échanger, il voulait d’une voix toujours posée nous montrer le chemin, aujourd’hui il laisse des enfants, des collègues et des amis dans un profond désarroi. Comment ne donc pas interroger l’accueil dans nos hôpitaux du Cameroun même si rien ne nous permet pas de porter une accusation ? Dans ce pays où la fatalité fait corps avec le destin, un pays où la falsification est le levier de la politique et des rapports sociaux.

La mort ici au Cameroun n’est pas ce que l’on repousse, c’est ton heure qui sonne, le porte-parole du gouvernement et ses thuriféraires le claironnent à longueur de journée « nul n’a le monopole du cœur » alors un mort de plus ne change rien au chemin que nous devons emprunter tous. Alors, à quoi sert une circulaire d’un ministre de la santé qui demande d’accueillir en premier riches comme Nazaire FotsoNdefo et gueux comme Monique Koumateké et ses jumeaux avant de songer à l’argent ? Peut-on mener une course contre la montre pour sauver une vie dans nos hôpitaux ?

C’est quoi un bon de prise en charge ? Voilà la question que nous nous posons aujourd’hui et à laquelle nous n’avons aucune réponse. Voilà Nazaire Fotso, tu demeures dans nos cœurs tel un roi, ta grande modestie, ton humilité, n’avait d’égal que la pertinence de ton intelligence.

Ta grande bonté, ta générosité,

Pour les autres, tu n’as jamais cessé de te dévouer

De lutter pour tes idées

Toujours présent pour nous rassurer Afin d’en exhaler la fragrance

Tu es pour beaucoup d’entre nous une Etoile

Celle qui brille, éclaire, scintille,

Quel que soit son nombre de branches,

Toi l’étoile

Tu es symbole de quintessence

De connaissance

Désormais tu brilles dans le firmament

Éternellement

Comme toutes nos phrases denses

Par le silence

Enmoi ton éclat brillera à jamais

Car tu as éclairé mon cœur

De ta lumière chaude et passionnée

Et je ne pourrai jamais t’oublier

Tu demeures en l’Arbre

Pilier majestueux de la forêt

Guide du penseur solitaire

Tu es la source de l’instant présent

Tu as fait de nous des êtres en conscience

Tu demeures en présence

Tel le colibri

Dont désormais tu abrites le nid

Avec l’écureuil et l’aigle

Pour Gardiens !!!

Maintenant, maintenant, continuons la longue marche humiliante dans tes combats d’un autre siècle car comment imaginer qu’au 21ème siècle nous soyons encore à nous battre pour la dignité de l’homme, pour son respect ? Comment imaginer que nous soyons en quête de la pitance qui doit nous permettre de continuer à souffrir sans crever ? Alors que devons-nous dire à ta maman, à tes enfants que tu laisses orphelins et qui devront désormais vivre de la générosité de l’amitié ? Laquelle ne remplacera jamais l’amour d’un père ou d’une mère ?

Avec toi nous croyions que la vérité ne saurait souffrir de soupçon, nous croyions qu’elle devrait retrouver sa place originelle, nous croyions que dans notre société elle a été abusée ; c’est exact. Nous croyions que l’homme est capable de vérité, que les actes qu’il pose sont digne de vérité, mais il y en a qui nous disent le contraire, ils pensent qu’il n’est même pas capable d’ethos, que notre société camerounaise n’a plus et n’est pas digne de norme. La santé pour tous ne devrait pas être un slogan, mais une pratique, mais une volonté politique et une réalisation sociale.

La réforme du système de santé dans notre pays est plus qu’une nécessité, plus qu’une urgence mais pour y arriver, il nous faut du courage, le premier c’est de dire que les actes que nous posons doivent être conforme à la vérité que nous recherchons en toute chose y compris dans les plus petites et les plus insignifiantes. Que la vérité ait besoin de critères qui permettent de la vérifier et de s’assurer qu’elle n’a pas été falsifiée, édulcorée, cela va de soi. Elle doit toujours aller de pair avec la tolérance. C’est ce que nous nous disions souvent Nazaire, parce que la vérité fait jaillir et s’enraciner à la fois en nous ces valeurs constantes qui ont donné sa grandeur à l’humanité.

Oui chers amis, le combat que nous menons doit avoir une fin c’est-à-dire doit se solder par une victoire, la vérité ne parviendra pas à régner par la force, mais par son propre pouvoir. Voilà pourquoi j’ai voulu faire ce témoignage pour un homme qui est parti sur la pointe des pieds à nous maintenant d’avancer et de nous dire qu’on doit remporter la victoire finale.

Auteur: Vincent-Sosthène Fouda