Sous le couvert des 33 ans du Renouveau, cette direction lance une offensive de communication sur les « grandes réalisations » du président de la République. Avant l’élection présidentielle de 2011, il y a eu une demi-dizaine de tomes de « l’appel du peuple », compilations de motions de soutien adressées à Paul Biya, l’invitant à se présenter à ce scrutin, qui intervenait après la modification constitutionnelle controversée de 2008.
Laquelle faisait sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel. La suite donnée aux « appels du peuple » par « l’illustre destinataire » est connue.
Quatre ans plus tard, le contexte n’est plus le même. Le capitaine a pris quelques rides et les enjeux se déplacent sur sa capacité à briguer un nouveau mandat de sept ans, au moment où beaucoup estiment sur la scène nationale et internationale qu’il est « fatigué ». Théoriquement, la prochaine présidentielle au Cameroun, a lieu dans deux ans environ.
Mais, en 2018, il sera difficile d’organiser la présidentielle, les législatives, les municipales et les sénatoriales. La consultation la plus susceptible d’être anticipée, du point de vue de l’histoire et de la pratique politique au Cameroun, c’est sans contexte l’élection présidentielle. Tout calcul fait, celle-ci pourrait donc intervenir en 2017. Dès lors, l’année 2016 consacrera l’accélération du compte à rebours.
Les communicants du président de la République sont mieux que quiconque au fait de ce calendrier et de ses aléas. Comme cela ne s’est jamais passé lors des célébrations antérieures, le Cabinet civil a décidé d’étendre la célébration du 33e anniversaire du Renouveau jusqu’au 31 décembre 2015, principalement dans la ville de Yaoundé.
La « grande campagne d’affichage » engagée sous le thème « Le Renouveau en marche : 33 ans de démocratie et de progrès», vise, d’après le Cabinet civil, «à illustrer, à travers des images expressives et saisissantes, la marche résolue du Cameroun vers la démocratie et le progrès, sous la très haute impulsion du chef de l’Etat ».
Si l’on s’en tient à la note d’information mise à la disposition des médias, jusqu’au 31 décembre 2015, cette campagne va se décliner de la manière suivante: une exposition de 33 photos au Bois Sainte Anastasie, des grandes affiches (formats 6×3 et 4×3) apposées sur des panneaux géants, dans les rues et quartiers de Yaoundé, l’affichage sur panneaux lumineux JC Decaux, la projection de diapositives sur écrans géants publics et la publication dans le site internet www.prc.cm.
Sur le plan politique, les initiateurs de cette action de communication, dont le coût demeure un mystère, vont vanter les succès diplomatiques du président Biya, notamment «l’Accord de Greentree (New-York), entre la République du Cameroun et la République fédérale du Nigeria, concernant les modalités de retrait et de transfert d’autorité dans la presqu’île de Bakassi- un modèle de résolution pacifique de conflits en Afrique», mais aussi « les grandes institutions de la République, la démocratie apaisée, avec les leaders des partis politiques, les opérations électorales dans la transparence ».
Dans le domaine économique, une fleur sera faite aux « grandes réalisations du président Paul Biya : infrastructures routières, barrage de Lom Pangar, barrage de Memve’ele, port en eau profonde de Kribi, usine à gaz de Logbaba, fer de Mballam, deuxième pont sur le Wouri, etc. ».
D’autres investissements mis à l’actif du Renouveau présentés au grand public, en l’occurrence « les hôpitaux généraux, les logements sociaux, les actions sociales de la Première Dame du Cameroun, le Palais polyvalent des sports de Yaoundé, le stade de Limbé, etc. ». A l’époque des « appels du peuple », la question qui taraudait les esprits était de savoir si Paul Biya était l’instigateur de cette « gesticulation » de ses partisans. Hubert Mono Ndjana, militant et critique de l’intérieur du Rdpc déclarait alors que «la majesté du chef de l’Etat et l’élégance mentale de sa personne ne permettent pas de croire qu’il soit lui-même à l’origine des motions qui lui sont destinées.
La mise en scène aurait déjà été trahie par ses proches, topologiquement s’entend». Avant de relativiser : «Sans être dans la tête des auteurs de cette littérature populaire, on peut comprendre cette avalanche de motions de soutien comme une forte volonté de voir le chef de l’Etat se présenter à nouveau à la prochaine élection présidentielle. Le fait qu’il garde continuellement silence est, peut-être, ce qui explique la recrudescence des motions de la part de supporters impatients».
A mesure que va approcher la prochaine élection présidentielle, il sera donc intéressant de scruter l’attitude du champion du Rdpc. Qui a déclaré le 3 juillet 2015, au sujet de sa candidature en 2018, à l’occasion de la visite de François Hollande au Cameroun : « Les élections présidentielles camerounaises de 2018 sont certaines mais encore lointaines. Nous avons le temps de réfléchir et le moment venu, les Camerounais, les amis français et tout le monde sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite ». Pour l’heure, Paul Biya semble envoyer ses artificiers à l’abordage.