En l’état actuel de la loi fondamentale, Paul Biya ne peut pas organiser des élections avant août 2018.
#PaulBiya Il y a comme une gradation dans les appels dits du « peuple » au président de la République. Au commencement était l’appel des élites du Sud emmenées par Martin Belinga Eboutou, le directeur du cabinet civil de la présidence de la République, demandant simplement à Paul Biya – 83 ans dont 33 au pouvoir – de se représenter à la prochaine élection présidentielle. Ensuite des élites d’autres régions du Cameroun ont suivi, cette fois en demandant clairement au président national du Rdpc d’anticiper les élections. Celles de la Lékié, elles, sont allées plus loin en suggérant une date (septembre 2016) et en préconisant la modification de la Constitution.
Depuis lors, tout le pays s’est embrasé. La scène politique vibre désormais au rythme des appels du peuple au président Biya d’anticiper les élections présidentielles auxquelles il sera candidat pour le compte de son parti. Le président Paul Biya peut-il anticiper les élections présidentielles et dans quelles conditions ?
Selon la Constitution du 18 janvier 1996, le président de la République est élu pour un mandat de sept ans. Il est rééligible. « L’élection, précise la loi fondamentale, a lieu vingt (20) jours au moins et cinquante (50) jours au plus avant l’expiration des pouvoirs du président de la République en exercice. » En clair, élu le 9 octobre 2011, le président Biya devrait théoriquement remettre son mandat en jeu entre le 25 août et le 19 septembre 2018.
Toutefois, la Constitution du 18 janvier 1996 a prévu les conditions dans lesquelles l’élection du président de la République peut être anticipée. Trois cas de figure sont envisageables : le décès, la démission ou l’empêchement définitif dument constaté par le Conseil constitutionnel. Et dans ces cas, rappelle la Constitution, « le scrutin pour l’élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu vingt (20) jours au moins et quarante (40) au plus après l’ouverture de la vacance ».
Charte africaine pour la démocratie
Paul Biya ne se trouve dans aucun des cas suscités. Il est donc impossible en l’état actuel de la Constitution de procéder à une présidentielle anticipée. On comprend dès lors la posture de certains cadres du Rdpc qui demandent la modification de la Constitution pour faire passer une disposition qui puisse permettre une présidentielle anticipée dans le contexte actuel, si tant est le voeu du président national du Rdpc.
La session parlementaire prévue en mars prochain est de ce point de vue particulièrement attendue. Certains observateurs pensent que pour faire passer la pilule, Paul Biya pourrait réintroduire dans la loi fondamentale, la limitation des mandats à la tête de l’Etat et peut-être le ramener à cinq ans. Un verrou constitutionnel qu’il fit briser en avril 2008 alors que la Constitution prévoyait un mandat de 7 ans renouvelable une seule fois.
Comme pour préparer les esprits, Paul Biya avait prévenu dans une interview accordée à France 24 que la Constitution n’était pas « ne varietur ». On se souvient qu’à l’époque, des cadres du Rdpc, des universitaires et des personnes acquises à la cause de la modification de la Constitution pour permettre au président Biya de prétendre à un autre bail avaient déployé toute leur verve pour dire combien était « anti-démocratique » toute limitation de mandat. Maintenant qu’on lui prête l’intention de revenir en arrière en réinstaurant le mandat à cinq ans renouvelable une seule fois, on est bien curieux de savoir quels arguments ils vont déployer pour expliquer le rétropédalage.