Présidentielles d’octobre 2025 au Cameroun: la coalition gagnante de l’opposition

Bouba Bello Maïgari et Issa Tchiroma Bakary font penser à deux personnages récurrents dans la littérature sur l’esclavage : l’"esclave des champs" et l’"esclave de maison". Le premier, brisé et aigri, voyait toujours le maître comme un ennemi à abattre, tandis que le second, flatté par de maigres privilèges, finissait souvent par s’identifier au maître et défendait sa demeure comme s’il s’agissait de la sienne.

Après l’élimination arbitraire de Maurice Kamto, Bouba Bello Maïgari, leader de l’UNDP, avait un atout majeur pour prendre la tête d’une coalition de l’opposition. Son parti dispose d’une base électorale importante, notamment dans le Nord, bien que construite à travers des alliances circonstancielles avec le RDPC. Mais il s’est enfermé dans ses hésitations, donnant l’image d’un homme avec un pied dans l’opposition et l’autre encore dans le camp du pouvoir.

Issa Tchiroma Bakary, chef du FSNC, semble en revanche avoir mieux mesuré l’enjeu. À la tête d’un parti plus modeste que son acolyte, il a su quitter le gouvernement et prendre un nouveau départ dans l’opposition. Il a compris que l’heure n’est plus aux tergiversations et s’est résolument engagé pour le changement. Déjà, il reçoit le soutien de figures de la société civile et du monde artistique.

Hier encore il était l’un des plus fervents défenseurs du régime Biya, il s’est mué aujourd'hui en un opposant déterminé. Il affirme aujourd’hui que le président est affaibli par l’âge, qu’il ne gouverne plus réellement, et il dénonce l’absence de conseils des ministres, les vacances prolongées dans certains ministères après des décès, ainsi qu’un pouvoir lointain, incarné par un chef d’État devenu invisible. Celui qui présentait Paul Biya comme un soleil omniprésent" est désormais dans l’opposition avec la même intensité qu’il mettait autrefois à défendre le gouvernement. Il apparaît désormais comme celui qui peut le mieux porter une coalition face au RDPC.

Avec le soutien de Maurice Kamto et de personnalités comme Akere Muna, Tomaino Hermine Patricia Ndam Njoya ou encore Pierre Kwemo, Issa Tchiroma pourrait l’emporter haut la main (avec ou sans Bouba Bello Maïgari).

La force électorale de Maurice Kamto reste toutefois l’ancrage le plus solide de toute coalition. Depuis 2018, il est perçu comme le principal challenger du régime. Toutes les projections, analyses, et même les résultats officieux des scrutins passés l’ont positionné comme vainqueur certain d’une élection libre et transparente. Sa popularité dans les grands centres urbains et dans la diaspora, son image d’homme intègre et sa constance dans l’opposition en font une candidature nationale crédible.

Le ticket gagnant serait donc: Maurice Kamto + (Issa Tchiroma ou Bouba Bello Maïgari). Dans les deux cas, la victoire est envisageable. Kamto apporte la majorité urbaine, l’Ouest, le Littoral et la diaspora, tandis que ses alliés du Nord apportent la clé électorale septentrionale. Ensemble, ils formeraient une coalition nationale équilibrée sur les plans géographique et sociologique. Cette victoire serait d’autant plus éclatante si d’autres candidats intéressés par la coalition rejoignaient le mouvement (Akere Muna, Tomaino Hermine Patricia Ndam Njoya, ou même Pierre Kwemo).