Le dernier forum sur les contenus des chaînes de la télévision numérique terrestre, organisé il y a une semaine par la Cameroon Radio Television (CRTV) a au moins un mérite : celui d’avoir réveillé les acteurs.
Au moment où se fait le basculement au numérique, il était plus que temps de penser à l’offre des programmes. Car jusqu’ici l’on avait surtout réfléchi en termes techniques.
Le téléspectateur avait surtout entendu un ramdam médiatique sur les caractéristiques d’un poste de télévision numérique. Et pas grand-chose sur ce qu’il allait regarder sur son écran numérique, ce le Cameroun proposait en termes de programmes à mettre dans cette fameuse TNT.
Il faudra pourtant s’y mettre. Et rapidement. Car les nécessités de la télévision moderne ne s’accommodent pas du visage que présente depuis plusieurs années la télévision camerounaise dans son ensemble. Premier challenge : celui du respect des quotas. 80% de programmes locaux au moins.
C’est vite dit. Il suffit de prendre la télécommande pour vite comprendre qu’il y a du chemin en la matière. Que l’on prenne le problème par le facteur quantité ou par celui de la qualité, le constat est le même. La télévision camerounaise est considérablement extravertie.
Les grilles de programmes pullulent d’émissions venues d’ailleurs, qui contribuent à diffuser la culture des autres. Ce que font déjà si bien les chaînes occidentales, sud-américaines ou nigérianes qu’offrent les bouquets du câble et du satellite.
Prenons donc la télécommande pour constater que, côté productions locales, la musique vient souvent en tête. Sans doute parce qu’il est plus facile de produire un vidéo clip, avec notamment les prouesses de la technologie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si beaucoup de chaînes locales ont fait leurs premiers pas en diffusant de la musique à longueur de journée.
Des productions dont la chaîne de service public, CRTV, a cessé d’avoir le monopole depuis belle lurette. Grâce à l’évènement de la télévision privée au début des années 2000, les artistes se sont progressivement tournés vers ces nouvelles chaînes.
Mais aussi vers des producteurs indépendants, de plus en plus nombreux dans le paysage audiovisuel. Bref, sur ce plan-là, le téléspectateur camerounais n’a pas beaucoup à se plaindre. De la musique il y en a en quantité à la télévision. La qualité technique des productions aussi s’est nettement améliorée au fil des ans.
Même si, pour les contenus, il y a clairement à redire. A l’instar des puristes décrient avec véhémence l’invasion de la vulgarité, nous dirons simplement que ce qui était déjà présent dans les textes des musiques n’a fait que se transposer sur la video qui accompagne cette musique. Conséquence logique !
Pour le reste, il faudra repasser. En matière de programmes sportifs, documentaires et autres magazines d’information, et divertissement, ce n’est pas encore l’embarras du choix. Le célèbre magazine dominical « Tam-Tam Week-end » de la CRTV a trouvé des clones dans pratiquement toutes les chaînes concurrentes. Sans réussir à se renouveler pour faire face à ce mimétisme, le programme est miné par la routine et la monotonie, se faisant distancer au passage par certains de ses imitateurs.
La situation n’est pas plus reluisante du côté des fictions. Ici aussi, règne une certaine abondance qui ne s’accompagne pas toujours de la qualité technique et artistique attendue. Mais mettons cela sur le compte des balbutiements et saluons l’avènement de chaînes thématiques chez CRTV et Canal 2, les leaders.
L’organe de service public vient d’entamer sa mue à la faveur d’un renouvellement de son organigramme. Des chaînes d’info en continu, de sports, entre autres sont dans le « pipe ». Son concurrent lui a déjà lancé ses premières chaînes satellites. Notamment Canal 2 Movies spécialisée justement dans la fiction.
On attend de ces développements, un grand boom de la création. Car pour proposer 80% de programmes locaux, il faut bien les avoir. Et cette production demande des moyens que les chaînes de télévision n’ont pas forcément. Il faudra donc redoubler d’ingéniosité pour tirer son épingle du jeu. L’on peut néanmoins déjà compter sur l’intérêt que suscite la création de maisons de production.
Après des expériences comme celle de Mutimedia Centre (MMC), un des pionniers en la matière, de jeunes Camerounais se lancent aujourd’hui dans ce créneau ô combien porteur. Ils ont vite compris les enjeux et prennent déjà les premières places en produisant et en vendant aux châines des programmes d’une qualité remarquable.
La TNT, nous y sommes résolument. Mais il faut pouvoir y rester. Survivre en s’arrimant aux standards et aux exigences de cet univers ultra concurrentiel. Et comme toujours, c’est le téléspectateur, télécommande en main, qui aura le dernier mot.