Quand le journalisme mène jusqu’au Barreau

Me Fenelon Mahop Me Fenelon Mahop

Thu, 29 Sep 2016 Source: Yves Mbella

Emmitouflé dans sa robe-noire dentelée d’avocat, Me Fenelon Mahop Sen, ex-star du petit-écran, fait face à une pression épique…

Il est un authentique objet de curiosité. Et c’est le moins que l’on puisse dire. Pas parce que les dentelles de sa robe-noire laissent poindre un visage d’une tonalité flamboyante, écarlate. Le fait est que, tous ses gestes et paroles sont littéralement scrutés à la loupe. Aussi bien par l’ensemble de l’assistance, mais aussi, et peut-être même surtout, par toutes les composantes du corps judiciaire, ci-présentes en salle d’audience. Notamment, ses illustres confrères, avocats. Un habile coup de crayon caricatural, mettrait en scène un personnage emmitouflé dans une robe d’avocat avec un assourdissant écran TV tenant lieu de tête, et dont le contenu diffusé est attentivement dévoré par de studieux téléspectateurs.

Qu’est-ce qu’il va bien pouvoir nous sortir-là ? A-t-il un background suffisant pour se hisser à la hauteur de sa notoriété ? En clair, peut-on deviner sur tous les visages, les attentes tiraillées autour du questionnement, « quelle mouche a-t-elle bien pu piquer l’ex-présentateur vedette du journal d’Equinoxe TV, pour qu’il prenne sur lui de venir se risquer dans la jungle des prétoires, alors qu’il commençait à plafonner, pantoufles bien lissées, au sommet de la corporation des medias audiovisuels ? »

La pression comme seconde peau. « Que ce soit dans le taxi, en pleine rue, en salles d’audience, dans les services des greffes ou les bureaux de magistrats, Il ne se passe pas un seul jour, depuis que j’ai délaissé le petit-écran, sans que je sois interpellé sur ce revirement qui, décidément, s’avère spectaculaire », confie Me Fénelon Mahop Sen, manifestement débordé par le retentissement lié à la tournure donnée à sa vie professionnelle.

A ses yeux, il débarque dans sa nouvelle profession précédée d’une popularité à double tranchant : « Journaliste, j’ai pu engranger un substantiel carnet d’adresses, et il sera possible que toutes ces connaissances me sollicitent pour faire face à des ennuis en justice, ou pour quelque conseil devant des difficultés judiciaires. Mais il s’avère que ceux qui voyaient en moi un perfectionniste, sont souvent choqués de constater que je ne suis qu’un simple mortel, en bute à des erreurs, voire des fautes. Ils s’attendent à ce que je plaide comme Me Vergès, ou plus près de nous, Mes Yondo Black, Patrice Monthé, Joseph Claude Billigha et autres Patrice Um, alors que je ne fais que mes premiers pas dans ce métier.

Ils voudraient transposer l’image de Fénelon Mahop Sen, journaliste – à qui l’opinion prêtait une verve oratoire sans faille – à celle de Me Fénelon Mahop Sen, désormais avocat stagiaire. Beaucoup pensent que si je me suis montré performant ailleurs, je n’ai point droit à l’erreur ici. Une attitude qui commande de me montrer exigeant afin de tâcher d’être à la hauteur de ces attentes. Même si le public doit comprendre que je suis qu’un néophyte appelé progressivement à donner le meilleur de lui, avant d’envisager d’être à la hauteur des meilleurs. Je ne suis qu’à la phase de mise en semence : »

Le journalisme mène à tout. L’assertion, en réalité, ne s’applique pas à l’ancienne star locale du petit-écran. L’avocat admis en conférence de stage le 23 janvier 2015, assure ne pas sacrifier à la mode érigée en règle, de rats abandonnant le navire médiatique. « C’est vrai que l’avocat est présenté comme quelqu’un de prestigieux, ayant de la classe, et partant, suffisamment fortuné. Je ne vais pas vous sire que la réalité démontre le contraire. J’ai pris part à des rassemblements corporatistes aussi bien parmi les journalistes qu’avec les avocats. La différence est nette et palpable.

Voir un avocat non-véhiculé constitue une exception. Et pour la plupart d’entre eux, il ne s’agit pas de véhicules bas-de-gamme. Pareil tableau est inimaginable chez les journalistes qui, sous nos cieux, sont mal lotis ».

Le nouveau ‘’défenseur des veuves et des orphelins’’ en stage au cabinet de Me Patrice Um, se veut formel : « Vous pouvez me croire, je n’ai pas choisi d’enfiler la robe-noire dentelée au détriment du micro pour de l’argent. En réalité, je ne réfléchis pas en terme d’argent, c’est peut-être un défaut. Je vois d’abord ce que j’apporte et non ce que je reçois. Je peux dire que je ne m’en tirais pas si mal comme journaliste. J’étais un cadre avec salaire à 6 chiffres ayant pour unité 3, au moment de quitter Equinoxe TV & radio, tout en étant sur une pente ascendante. Et je pense qu’à ce jour, je me serais retrouvé avec plus que çà »

L’avocat-stagiaire de 39 ans assure avoir toujours rêvé d’exercer la carrière d’avocat, une activité, à ses yeux, d’ailleurs proche du journalisme. « D’un côté, l’on s’évertue à défendre la veuve et l’orphelin, et de l’autre qui peut apparaître comme un prolongement du premier, il est question de dénoncer les abus contre les masses ».

Me Mahop Sen, en tout état de cause, dit s’arrimer à un leitmotiv : « je m’astreins à bien faire mon travail, et le reste vient après. Ce n’est pas automatique qu’être avocat, c’est être riche. C’est valable chez les avocats comme partout ailleurs, en faisant bien son job, on finit par bien gagner sa vie »

Bien qu’il ait toujours pratiqué le journalisme depuis le collège jusqu’à l’université, au gré de piges dans ‘’Le Messager des jeunes’’, ‘’Le Jeune Observateur’’ du regretté Jules Koum et dans nombre de médias audiovisuels, Fénelon Mahop Sen soutient qu’il a toujours nourri le rêve d’exercer comme avocat. Raison pour laquelle il a opté pour des études en Droit. Celles-ci ont été sanctionnées par deux maîtrises en Droit privé, option Droit des affaires. Toutefois, sa proximité avec les milieux de la presse lui vaut d’être partie-prenante du projet ‘’Equinoxe Télévision’’, lancé en 2006.

Il tirera donc désormais l’essentiel de ses revenus, en exerçant à plein temps, une carrière de journaliste. Le présentateur rangé et sans vagues gravira des échelons au sein des services TV & radio du groupe Equinoxe, duquel il se sépare donc en janvier 2015, du haut de son rang de rédacteur-en-chef. Il faudrait souligner que le journaliste qu’il sera devenu, mettra à profit son passage à Equinoxe pour obtenir une DEA en communication, option communication sociale.

Reçu à l’examen d’aptitude à la profession d’avocat, la star de la télé a prêté serment le 23 janvier 2015, en qualité d’avocat admis en conférence de stage. Au terme de deux années après son intégration au cabinet de Me Um Patrice, il devra se frotter à l’examen de sortie du stage d’avocat. C’est au prix d’un succès à cette seconde étape qu’il pourra voir son nom inscrit au grand tableau du barreau des avocats du Cameroun, au lendemain d’une autre prestation de serment.

Me Mahop Sen, comme tous ses congénères avocats-stagiaires, se contente d’être inscrit au petit tableau de l’Ordre des avocats. Il exerce sous l’autorité d’un parrain de stage, en l’occurrence Me Um, avec le privilège de pouvoir plaider les dossiers enrôlés par ce dernier auprès des tribunaux.

Auteur: Yves Mbella