Plusieurs centaines d’anciens éléments du contingent de la Mission internationale des Nations unies de soutien en Centrafrique (Minusca), ont quitté leur base d’Ekounou, dans un quartier excentré de Yaoundé, et ont entamé une marche «pacifique» sur au moins 4km, vers le centre administratif de la capitale.
Arborant fièrement leur tenue des forces des Nations unies. Ces marcheurs d’une autre dimension, sans obstruer la voie, ont choisi d’occuper la chaussée, créant tout de même d’énormes embouteillages à leur passage. Même comme ils n’étaient pas tous armés, leur déploiement dans les rues de Yaoundé a fait paniquer presque toute la capitale.
Parce que rien n’indiquait que ceux qui étaient armés ne portaient que de simples jouets, inoffensifs. Ils ont pu investir des hauts lieux de la République, comme les services du premier ministre, le palais de l’Assemblée nationale, avant de s’établir chez eux, au quartier général. On a vu leurs camarades d’armes, qui n’ont pas eu la chance de faire partie de leur mission, descendre dans la rue, comme pour les contrer. Mais ils ont créé plus d’obstruction aux paisibles usagers qu’aux manifestants eux-mêmes.
Au terme des négociations qu’on dit serrées, avec leur hiérarchie, les manifestants ont regagné leur base. Sans casse. Et quelques heures après, au cours d’un point de presse, le ministre de la communication, Issa Tchiroma Bakary, va annoncer que le chef de l’Etat, Paul Biya, a demandé de débloquer, dans l’urgence, la somme de 6 milliards Fcfa correspondant au montant des primes et émoluments réclamés. Un ouf de soulagement presque pour tout le monde. Parce que tout est bien qui finit bien. Mais que de coulisses, de leçons et de questions.
Comment une bande de costauds gaillards clairement identifiés, fussent-ils des militaires revenus d’une mission internationale des Nations unies, peuvent prendre d’assaut les rues de la capitale, pendant plusieurs heures, marchent vers des objectifs sensibles, sans être inquiétés le moins du monde, dans le siège des institutions, fortement militarisé?
Selon des informations des sources concordantes, les milieux sécuritaires de Yaoundé étaient bien informés de leur intention de descendre dans la rue. Et même le jour de la manifestation était connu, précisent les mêmes sources. Pourquoi ne les avoir pas dissuadés à leur base ? Pourquoi avoir attendu que ces manifestants d’un autre genre parviennent jusqu’à ces institutions symboles de l’Etat, pour entamer les négociations avec eux?
Cette grogne couvait d’ailleurs depuis au moins deux semaines qu’ils ont regagné le pays. Dans son édition du 26 août 2015, La Nouvelle Expression levait déjà levé un pan de voile sur la situation à la Minusca. En révélant en exclusivité que le contingent des soldats camerounais affectés à la Mission internationale des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique (Minusca) depuis bientôt deux ans, a été remplacé par d’autres éléments fraichement venus du pays.
Et d’après des informations introduites, les camerounais étaient félicités pour leur bonne tenue durant ce séjour dans le bourbier centrafricain où un soldat camerounais est même tombé malheureusement en mi-août, au cours d’une opération dans le fameux quartier Pk 5 de Bangui. Seulement, nous relevions que les responsables de la Minusca avaient tiré quelques leçons du séjour centrafricain des premiers soldats de Yaoundé.
Selon des informations introduites, les camerounais avaient régulièrement dénoncé, à tort ou à raison, la gestion de leurs primes et autres émoluments par leurs chefs camerounais. Des rapports honteux qui sont régulièrement parvenus aux patrons de la Minusca. Alors, ils ont tout simplement sauté sur l’occasion du remplacement du contingent camerounais pour imposer que tous les éléments que le Cameroun engage à Bangui dans le cadre de cette mission justifient chacun d’un compte bancaire.
C’est directement dans ces comptes que la moindre de leurs primes sera virée. Fini alors les tripatouillages supposés, dénoncés sur l’argent des hommes qui risquent leur peau dans un champ de guerre, loin de leur pays natal.
Ces pratiques, on s’en souvient, avaient été longtemps dénoncées pour la gestion des primes des militaires à Bakassi.
Come par exemple celles des militaires camerounais qui ont été faits prisonniers par l’armée de Sani Abacha pendant trois années, de 1995 à 1998. Avant de rentrer au pays après échange de prisonniers entre le Cameroun et le Nigéria. Et même aujourd’hui, les hommes de troupe de la « grande muette qui combattent contre Boko Haram sont parfois obligés de brandir des menaces de grève de zèle, afin que les gestionnaires de leurs primes et autres ravitaillement fassent preuve de moins de goinfrerie.
L’affaire des primes de ces éléments de la Minusca n’était dont plus un secret pour la hiérarchie militaire à Yaoundé. Le problème a-t-il été clairement posé au chef suprême des armées, Paul Biya ? Lui qui a réagi « au quart de tour » pour ordonner le déblocage de la rondelette somme de 6 milliards de F cfa pour satisfaire des manifestant qui ont piétiné toutes les lois, aussi bien professionnelles que celles encadrant les manifestations publiques. « Les militaires sont les militaires », pour reprendre cette formule circulaire de Paul Biya qui disait que « le Cameroun c’est le Cameroun ».
Les policiers et les gendarmes peuvent peut-être tenter leur chance comme ces soldats. Mais les retraités qui ont régulièrement dormi devant les établissements publics pendant des mois, les instituteurs contractualisés ou maitres des parents sans salaires, les anciens employés des sociétés d’Etat privatisées jamais désintéressés… peuvent penser qu’ils sont au cinéma, en regardant comment les militaires qui ont tout de même affronté des symboles forts de l’Etat, ont été si doucereusement traités.