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Quel jour sera demain au Cameroun ?

Sun, 10 Apr 2016 Source: Jacques Doo Bell

Les événements se succèdent ces derniers temps dans notre pays à un rythme accéléré. Certains apparemment anodins, mais cachant de vrais problèmes, d’autres plus effrayants car volontairement grossis. Ceux qui savent lire dans les signes ou consulter les astres, ont du pain sur la planche.

Tout est parti d’un coup de pétard tiré lors des festivités de jouissance du bonheur d’être nés là où ils sont, par certains enfants gâtés du Dja et Lobo. L’écho s’est transformé en coups de canons repris à travers tout le pays, personne du groupe ne voulant rester muet.

Le Cameroun a résonné comme un tambour, les écrivains ont pris du service, tous pour dire au président de la République ce qu’il doit faire et comment le faire. Lui qui semble selon eux incapable de savoir ce qui est bon pour lui, et moins encore pour le Cameroun qu’on croyait qu’il dirige.

Certains Camerounais ruminaient d’entrer eux aussi en jeu pour donner leur part de conseil au chef de l’Etat, en utilisant les mêmes méthodes et moyens (Radio, télévision d’Etat, personnel administratif et moyens d’Etat) ou tout simplement le droit de se trouver plus de deux au même endroit.

Mal leur en a pris. Les S/préfets, représentants du chef de l’Etat dans leur territoire, veillaient au grain. Personne, parti ou groupe n’a pu tenir une moindre réunion pour dire leur part de vision au père de la nation, alors que les villes étaient bloquées par les pontes du régime Rdpc, bien encadrés par nos Forces de maintien de l’ordre, quand ceux-ci tenaient leurs meetings.

Vint du pain béni, la mort des enfants de dame Koumatel Monique. Nos vaillants opposants sachant qu’on n’empêche personne d’aller à un deuil se sont alors engouffrés dans la faille. Tant pis si vous parlez de récupération, c’est la survie politique. Demandez à feu Frédéric Kodock, ce qu’on fait quand on se noie ? On s’accroche au serpent, j’allais dire on utilise même le malheur des autres pour exister.

A peine cet événement passé avec les couacs du gouvernement, les visites pompeuses à la famille éprouvée, accompagnée de dons alimentaires comme si la défunte était morte de famine, un nouveau foyer s’est ouvert, cette fois à Yaoundé : l’affaire des quatre ou cinq bébés mort-nés ou nés vivants.

Nos dignes filles et fils de l’opposition ou de ce qui en tient lieu ont eu encore une occasion de donner de la voix, sans demander la permission au chef de terre. Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas parler de l’eau et de l’électricité ? L’eau, c’est la vie non ? Pour avoir un relais, on pense aux médias qui sont mis à contribution.

Ils organisent dans un domicile privé (comme s’il en existait chez nous), une conférence de presse, pas pour leur motion de soutien à une élection anticipée, mais pour dire non à cette démarche.

Finalement la petite gazelle de Kah Walla et compagnie ont réussi à faire perdre raison au pouvoir. Tout un bataillon, plus équipé que celui qui lutte contre Boko Haram, est envoyé à ce domicile «Public». Si vous vous réunissez pour dire non au pouvoir, quel que soit l’endroit, ça devient public et une autorisation (à ne pas confondre avec déclaration qui veut dire information), est nécessaire.

Si c’est pour la gloire du Prince, tout est permis. Le pouvoir s’est montré ridicule, frileux et apeuré. Bravo aux enfants que j’ai au départ condamnés, pour exploitation des malheurs des autres. Vous avez amené le pouvoir camerounais à se dévoiler aux yeux du monde, comme étant la dernière dictature encore en place en Afrique.

Il y a moins de quatre jours, tout Douala et d’autres grandes cités étaient bloqués par le Rdpc, parti au pouvoir, qui fêtait sa prise du pouvoir qu’il veut éternel.

Tant pis pour les bouchons et désagréments. Tous les militants du parti étaient concernés. Gouverneurs, préfets, S/préfets, commissaires de police, généraux, gendarmes, policiers, commerçants véreux, chefs traditionnels, auxiliaires du Rdpc Quand vous avez dans vos rangs, des militants de ces grades, rien ne vous est refusé. Quid de la liberté des autres Camerounais qui peut attendre la fin de vos agapes.

D’ailleurs, avoir enrôlé dans ses rangs toutes ces catégories d’agents publics dont la neutralité républicaine devrait garantir l’égalité des droits pour tous, signifie que le Rdpc a confisqué l’Etat.

Pour cela, il n’y a pas meilleur indicateur que ces hauts fonctionnaires formés à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) grâce à l’impôt des Camerounais, et pour servir la République, qui se constituent en groupe pour soutenir l’appel du Rdpc à la candidature de son président.

Pour eux, si M. Biya n’est pas au pouvoir, il n’y a pas de République à servir.

Même la Fédération camerounaise de Football dont on disait qu’elle est apolitique est devenue une cellule active du parti au pouvoir dans l’indifférence apparente de la Fifa. En impliquant dans l’appel à candidature de Paul Biya, l’organisme de droit privé qu’il préside grâce à un mandat controversé, M. Tombi à Rocko indique qu’il est à la recherche d’un parapluie politique pour protéger son imposture.

C’est toute la Fecafoot qu’il met ainsi au service d’un clan, et non plus au service du football camerounais et ses pratiquants. Ses adversaires feraient bien d’attirer l’attention de la Fifa sur cette situation de déviance, avant qu’il ne soit décidé à Yaoundé que pour être président de la Fecafoot il faut être militant du Rdpc.

On se serait attendu, au vu de la promptitude de la Fifa à donner des leçons aux Etats, à ce qu’elle constate cette forfaiture et débarque l’équipe en place.

Pendant ce temps un événement apparemment anodin se passe au Comité central du Rdpc. Les députés et sénateurs de ce parti sont convoqués dare-dare, et comme rien ne se cache chez ces gens-là, on a tôt fait d’apprendre l’objet de la réunion : Il s’agit de demander à ces mal élus qui sont les représentants de ce parti dans les Assemblées, de se tenir tranquilles et de ne parler qu’après avoir obtenu le visa de la hiérarchie, pour ne pas dire la censure.

C’est une bombe qui risque de passer inaperçue. En effet dans la Constitution du 18 Janvier 1996, puisqu’il y en a plusieurs qui se chevauchent, au chapitre premier, et au titre___ (combien ?), il est écrit :

Art. 15.

(1) L’Assemblée nationale est composée de cent quatre-vingt (180) députés élus au suffrage universel direct et secret pour un mandat de cinq (05) ans. Le nombre des députés élus à l’Assemblée nationale peut être modifié par la loi.

(2) Chaque député représente l’ensemble de la nation.

(3) Tout mandat impératif est nul.

(4) En cas de crise grave, le président de la République peut, après consultation du président du Conseil constitutionnel et les bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, demander à l’Assemblée nationale de décider par une loi de proroger ou d’abréger son mandat. Dans ce cas, l’élection d’une nouvelle Assemblée a lieu quarante (40) jours au moins et soixante (60) jours au plus, après l’expiration du délai de prorogation ou d’abrègement de mandat. Cet article, je le relève parce que c’est grâce à lui et ses alinéas 2 et 3 que je n’ai pas été chassé de l’Assemblée nationale après ma démission, et Paul Ayah par la suite.

C’est la disposition de protection des élus, que le Pr. Joseph Owona avait glissée nuitamment dans le projet de constitution, sans que les chefs des partis politiques tant du pouvoir que de l’opposition ne s’en aperçoivent.

Elle donne aux élus la possibilité de s’affranchir des ordres de leur formation politique si l’intérêt général est en jeu. Un élu peut donc démissionner de son parti en cours de mandat, sans être dépossédé de celui-ci, comme par le passé, par ledit parti. Souvenez-vous du cas de Souop Lazare avec le Sdf à Douala en 1996.

En transformant ses élus en porte-parole du parti au lieu de respecter leur statut de représentants du peuple, qu’on croyait les avoir élus, le pouvoir Rdpc vient de démontrer que le peuple n’a plus dans les Assemblées, que les seuls élus de ce qu’il convient d’appeler opposition, les siens ne formant qu’une machine instrumentalisée pour empêcher toute législation progressiste. le Rdpc s’et donc auto exclu.

Et comme les élus de l’opposition sont seulement 31 à l’Assemblée nationale, il n’y a donc pas de quorum pour délibérer et la dissolution doit être automatique, idem pour le Sénat. Ceux qui se réclament encore du peuple doivent saisir cette occasion pour éclairer l’opinion nationale et internationale.

Si les élus du peuple deviennent ainsi les employés à la solde du parti gouvernant, on comprend dès lors pourquoi les travaux sont paralysés dans ces chambres, tandis que les «élus » passent leur temps à revendiquer toujours plus d’avantages (microprojets payés en espèces et sans contrôle, « crédits voitures» non remboursables frais d’entretien desdits véhicules et peut-être bientôt, frais des costumes des élus).

Le Rdpc a raison de rappeler à ses « élus» qu’ils sont sa propriété. En effet, vu le mode d’investiture et les moyens peu orthodoxes pour les faire «élire », ils ne sont pas nombreux ceux qui, sans tripatouillage, pourraient se faire élire dans la circonscription où on les a parachutés, que plus d’un n’ont jamais habitée.

Aucun d’eux ne peut donc lever la voix sans se faire écarter à la prochaine occasion, et perdre les prébendes que leur rapporte l’obéissance aveugle au parti. C’est une des raisons évidentes qui découragent les Camerounais à s’inscrire et à aller voter. Je suis sûr que, quoique truffés de Professeurs agrégés, le Comité central du Rdpc n’a rien compris à l’Art.

15 – Alinéa 2 et 3 de« leur » Constitution. Qu’est-ce qui peut encore étonner quand l’autre Agrégé Agbor Tabi pense qu’on peut devenir maire d’une commune sans être membre de son conseil municipal? Le Parti-Etat a sa logique qui est de tout se permettre et de n’avoir aucunement honte.

Maintenant, il faut au vu de tous ces événements rester lucide.

L’opposition ou ceux qui s’en sont réclamés ces derniers temps a, je l’espère, compris que le peuple ne croit plus en eux. Ils se sont fait arroser pendant que les passants admiraient le spectacle. Si le but recherché était de faire parler d’eux, c’est réussi. Mais en quoi cela avance la recherche des solutions aux problèmes des Camerounais?

Tant que les Camerounais qui se disent opposants agissent ainsi, en rangs désunis ou en petits groupes de copains, leurs gestes et actions seront des coups d’épée dans l’eau tranquille du Rdpc. Messieurs les chefs des partis politiques, cessez de jouer, d’être absents là où vous poussez les agitateurs.

A force de jouer à ce jeu, le peuple risque de vous tourner le dos à jamais. Il est encore temps, enterrons nos « égo »;

retrouvons nous pour discuter, pour analyser, pour décider et enfin agir pour le bien du peuple que nous disons défendre.

Si rien n’est fait, le peuple désabusé s’en prendra à ses faux opposants.

Le cas de nos centres hospitaliers

C’est le pouvoir qui crée le désordre dans nos hôpitaux, par le choix de ses dirigeants sur des bases discutables. Un médecin est formé pour soigner les malades et non pour gérer une société commerciale. Il me semble que l’Enam a un cycle des administrateurs des hôpitaux.

Il faut nommer un administrateur pour la gestion administrative d’un Centre et des spécialistes pour gérer le personnel d’un service donné. Le fait de dire de quelle ethnie doit être le directeur d’un hôpital, prouve que le décideur se soucie peu de la compétence et de la santé de la population concernée. Ce genre de nomination provoque plusieurs frustrations :

• mécontentement des médecins plus anciens et plus gradés qui se voient commandés par un jeune généraliste.

• mauvaise marche de service et privatisation de l’hôpital.

• Luttes intra-claniques, certains médecins membres du clan élu estimant mériter plus que celui choisi.

Un Conseil de gestion avec droit de regard sur tout, doit être mis en place pour veiller à ce que les subventions de l’Etat et les frais payés par les patients, servent à la marche de l’institution. Ce Conseil doit donner son avis sur les recrutements des praticiens.

Les médecins qui ont commis des fautes professionnelles et des manquements à la déontologie doivent être sévèrement sanctionnés.

Ceci suppose évidemment l’existence d’une politique cohérente de Santé publique, dont l’un des volets essentiels serait de procurer au personnel médical, le minimum de bien-être qui leur enlèverait tout prétexte de privatisation du service public de santé. Pourquoi pas comme dans l’armée, donner le commandement au plus ancien dans le grade le plus élevé, sans considération d’ethnie ou de secte?

*Président national de la Dynamique Pour la renaissance nationale

Auteur: Jacques Doo Bell