Monsieur le Président de la République, Vous êtes sans doute surpris que je m’adresse à vous plutôt qu’aux autorités judiciaires du Cameroun pour parler d’un compatriote incarcéré depuis bientôt 7 ans.
C’est simplement parce que dans sa communication du 10 mars 2016, le porte-parole de votre gouvernement, Issa Tchiroma Bakary, a déclaré que c’est vous qui menez la lutte contre les détournements de fonds publics (et non la justice qui se veut indépendante).
Un combat qui, pourtant, relève du champ exclusif du judiciaire dans un pays où la constitution consacre la séparation des pouvoirs. C’est pour cette raison que le Comité de Libération des Prisonniers Politiques, ONG basée à Paris en France que je représente au Cameroun, en a fait un prisonnier politique. Car si c’est vous, homme politique, qui jugez de l’opportunité de le poursuivre, c’est qu’il y a des raisons politiques qui se cachent derrière cette innommable acharnement.
Monsieur Le Président de la République,
Yves Michel Fotso, éminent homme d’affaires propriétaire de plusieurs entreprises au Cameroun et à travers le monde, croupit depuis le 1er décembre 2010 dans les geôles du secrétariat d’Etat à la défense (gendarmerie nationale), un camp militaire à Yaoundé. Il est accusé de malversations financières aussi bien dans le cadre de l’affaire de l’avion présidentiel que dans la gestion de la défunte compagnie aérienne Cameroon Airlines (Camair).
Après avoir dépouillé tous ces dossiers judiciaires, la première question que je me pose est de savoir que fait Yves Michel Fotso en prison ? Comment un homme d’affaires peut avoir injecté de son propre argent dans une Camair au bord de la banqueroute et se retrouver en prison pour « détournements de deniers publics » ? Croyez-moi, j’ai la ferme conviction que quelque chose ne va pas et plein de non-dits se cachent derrière cette affaire.
Dire d’Yves Michel Fotso qu’il a détourné une soixantaine de milliards à la Camair alors que faute de subvention de l’Etat, son groupe d’affaires a investi 23 535 811 810 F CFA entre le 11 novembre 2000 et le 8 juillet 2003 pour redonner un nouveau souffle à la Camair est tout simplement le monde à l’envers.
Dire qu’Yves Michel Fotso a courant août 2001 détourné 29 millions de dollars destiné à l’achat de l’avion présidentiel c’est feindre d’oublier que non seulement c’est le ministre des Finances de l’époque (et votre oncle) Michel Meva’a M’Eboutou qui a ordonné le déblocage de cet argent via la Société nationale des hydrocarbures pour le compte de GIA (arrangeur financier) aux Etats Unis (contre l’avis d’Yves Michel Fotso favorable à une lettre de crédit) mais aussi c’est la CBC Bank, banque de son groupe d’affaires qui a versé le déposit de 1,555 milliards de F CFA à Boeing pour réserver un BBJ-2 en cours de fabrication dans les chaînes du constructeur américain d’aéronef.
Monsieur le Président de la République,
Ce qui m’a sidéré c’est le volet de la gestion de la Camair. Pourquoi M. Yves Michel Fotso a continué d’être poursuivi alors que le liquidateur de la défunte Camair l’a totalement mis hors de cause ? Qu’est-ce qui explique que malgré un accord transactionnel signé le 14 août 2013 entre la liquidation Camair et ses créanciers que sont Bombardier, la société d’assurances Chanas, la CBC et Yves Michel Fotso, l’arrêt des poursuites n’a pas suivi alors que cet accord signifié au ministre de la Justice, Laurent Esso et au président du Tribunal criminel spécial d’alors, Yap Abdou, stipulait qu’après tous les justificatifs fournis par Yves Michel Fotso, les poursuites contre lui par la liquidation Camair devenait non-fondées ?
Comment la liquidation Camair qui a signé cet accord transactionnel s’est par la suite constituée partie civile aux procès d’Yves Michel Fotso ? Pourquoi ce dernier s’est retrouvé seul devant la barre, sans complice ni co-auteur alors que la Camair avait un conseil d’administration, une tutelle technique et financière, un commissaire aux comptes, etc ? Si c’est donc cette dette vis-à-vis de la Camair qui est donc le détournement, pourquoi les responsables de la CBC, de Chanas et de Bombardier ne sont pas eux aussi poursuivis ?
Le 10 juillet 2003, une loi a été promulguée par vous pour sanctionner les « abus de biens sociaux » dans les entreprises parapubliques ou privées à au plus 5 ans de prison, en conformité avec l’Acte uniforme OHADA ratifié par le Cameroun en avril 1997. Pourquoi l’homme d’affaires n’a pas été jugé sur la base de cette loi ? Les lois supranationales ne sont-elles pas au-dessus des lois nationales ? Où est le détournement dans ce qu’il lui est reproché ? Où est l’intention criminelle ?
MONSIEUR PAUL BIYA, POURQUOI PERSECUTEZ-VOUS YVES MICHEL FOTSO ? POURQUOI LE SEQUESTRER EN PRISON ALORS QU’IL N’A MENAGE NI SON TEMPS NI SON ARGENT POUR SAUVER LA CAMAIR ?
Afin que je ne vois dans ces poursuites judiciaires à tête chercheuse qu’un moyen de punir un ami (et potentiel financier ?) du célèbre détenu politique Marafa Hamidou Yaya dont les ambitions présidentielles ne sont plus un secret pour personne, il faut bien que le citoyen et contribuable que je suis veuille bien comprendre.