Réaction de Jean Michel Nintcheu sur les 33 ans de Biya

Fri, 6 Nov 2015 Source: Jean Michel Nintcheu

Le 04 novembre 1982, dans son discours de démission, le Président Ahmadou Ahidjo dressait son bilan ainsi qu’il suit : « Notre pays dispose d’atouts importants. L’unité nationale consolidée, des ressources nombreuses, variées et complémentaires, une économie en expansion continue, des finances saines, une population laborieuse et une jeunesse dynamique, de solides et fructueuses relations d’amitié et de coopération en Afrique et dans le monde ».

Quand on regarde ce qu’est devenu le Cameroun après 33 ans de règne sans partage de M. Biya, tout le monde s’accorde à dire que la promotion de M. Biya au poste de Président de la République a été un très mauvais casting. La politique de M. Biya a été un échec cuisant et complet.

Une unité nationale de façade où, en plus des memoranda et surtout du tribalisme exacerbé dans les sphères de décision au sommet de l’Etat, on constate que nos compatriotes anglophones sont marginalisés dans les promotions au sein de l’appareil étatique. Ceux d’entre eux qui occupent une position apparente en sont réduits à inaugurer les chrysanthèmes quand ils ne sont pas tout simplement méprisés ou moqués par leurs collègues.

La palme d’or de la condescendance revient à M. Biya qui, en plus d’avoir par simple décret transformé la République unie du Cameroun en République du Cameroun, n’a jamais jugé utile de célébrer le 1er octobre 1961, date de la réunification du Cameroun oriental et du Cameroun occidental. Il a hérité d’un pays en paix. Le Cameroun est actuellement en guerre. Une guerre qu’il a unilatéralement engagée sans rien expliquer au peuple souverain encore moins au Parlement comme le stipule l’article 14 alinéa 2 de la Constitution.

Le bilan social de M. Biya est négatif. Un taux de pauvreté de 40%. Un chômage record qui frappe plus de 90% de la population active. Une progression exponentielle de la précarité avec un SMIG à 28.200 FCFA par jour et un taux de sous-emploi de 75%. Une régression du pouvoir d’achat du fait de la double coupe des salaires, de la suppression massive des emplois et de la cherté de la vie. Une population qui croupit dans la misère et qui est tombé dans le désespoir au point de croire que le salut social réside dans la feymania. Un Indice de développement humain parmi les plus faibles du continent. Absence d’hôpitaux dignes de ce nom.

Carence de plateaux techniques dans les hôpitaux qui existent. Insuffisance du personnel soignant (médecins, infirmiers). Inexistence de médicaments gratuits et d’appareils de dialyse dans la quasi-totalité formations sanitaires et même dans des hôpitaux de référence. Faible couverture en eau et en énergie électrique. Déficit d’infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires. Recrudescence des accidents routiers du fait surtout de l’étroitesse et du mauvais état des routes.

Le bilan économique de M. Biya est désastreux. Des entreprises qui jadis faisaient la fierté de notre Nation ont mis la clé sous le paillasson : Crédit agricole, ONCPB, Banque camerounaise de développement, Fonader, Amacam etc. Celles qui ont pu résister ont, sous le couvert de la privatisation, été bradées sur fond de rétrocommissions. Un environnement des affaires répulsif à cause de la corruption endémique qui a hissé notre pays deux fois consécutives au rang de pays le plus corrompu du monde. Le récent classement de Doing Business en est la parfaite illustration.

Une absence de soutien au secteur privé. Un sous-investissement dans les secteurs productifs tels que l’agriculture, l’agro-industrie, les NTIC. Un refus inexpliqué de procéder à la transformation sur place de nos ressources minières qui sont par ailleurs pillées par des mafias endogènes et exogènes. Braderie des centaines de milliers d'hectares de nos terres arables aux prédateurs fonciers. Une balance commerciale déficitaire.Une masse salariale de l'Etat qui constitue une véritable serpent de mer et un gouffre à sous entretenu.

Le bilan éducatif de M. Biya est catastrophique. Une jeunesse sans avenir qui a été victime d’un génocide intellectuel programmé : instauration de la scolarité payante et suppression la même année des bourses dans les universités et grandes écoles, précarisation des étudiants. Des écoles primaires construites avec des branchages et des feuilles d’arbustes dans certains arrondissements du pays. Des enseignants du primaire et du secondaire clochardisés.

M. Biya agit sur tout. Il est TOUT. Il instrumentalise la justice à des fins politiques. L’opération dite Epervier s’est transformée en une opération piteuse d’épuration politique. Les institutions contenues dans la Constitution sont créées au gré de ses humeurs (non application de l’article 66 sur la déclaration des biens, absence du Conseil constitutionnel). Celles qui existent sont taillées à sa mesure. Pour avoir effectué 35 remaniements et utilisé sans succès plus de 300 ministres en 33 ans de règne sans partage, il est sans nul doute le plus mauvais Directeur des ressources humaines qu’un pays ait connu.

Le bilan politique de M. Biya est calamiteux. La liberté d’expression est à géométrie variable. Les manifestations des partis politiques de l’opposition ainsi que des Organisations de la société civile sont systématiquement interdites. Des opposants politiques à l'instar de GUERANDI MBARA au régime ont fait l'objet d'enlèvements, de torture et d'assassinats.

Le découpage électoral est inique en ce sens qu'il ne garantit aucunement l'égalité constitutionnelle des citoyens devant le suffrage universel. Les chiffres de la démographie on été diminués dans des zones favorables à l'opposition. Du tout début des années 90 où on a assisté à une timide ouverture démocratique obtenue au forceps par le peuple jusqu’à ce jour, M. Biya n’a jamais gagné une élection crédible. Il n’a jamais gagné une élection à la loyale.

Les achats de conscience, le bourrage des urnes et la falsification des PV ont toujours été sa marque de fabrique. Son bilan a toujours été indéfendable. Son unique stratégie de campagne a toujours été de mentir et tricher, avec le vide idéologique de ses discours. Ses promesses aux camerounais n’ont été rien d’autre que de l’escroquerie et de la fumisterie revendues par des valets sans morale et autres guetteurs d'avenir qui, quoiqu’étant à la périphérie du pouvoir, écument les plateaux de télévision et de radio pour justifier l’injustifiable.

Il est conscient que sa personne est profondément rejetée et que son parti n’existe que plus que par la peur de perdre le pouvoir. Comme si cela ne suffisait pas, il s’est permis, dans une dérive totalitaire, d’inaugurer en 2008 le cycle funeste des modifications des Constitutions en Afrique pour s’éterniser au pouvoir en massacrant des centaines de camerounais. Ces crimes contre l’humanité qui sont par ailleurs imprescriptibles, resteront dans la conscience nationale comme le plus gros point noir de son long règne imposé au peuple.

On aurait pu penser que le mandat de 2011 était juste un baroud d’honneur propre au monarque autiste. Tous les indicateurs montrent qu’en dépit de ses capacités physiques et psychiques approximatives et chancelantes du fait de son âge très avancé, M. Biya veut à tout prix et à tous les prix se représenter. La poursuite du calvaire dicté à la Nation sera neutralisée en empêchant, par tous les moyens légitimes, le dictateur Biya de se représenter en 2018, comme il en caresse le rêve.

L’Histoire de notre pays retiendra que le 6 novembre 1982 est le jour où la malédiction s’est abattue sur notre pays. Cette malédiction ne saurait perdurer au-delà de 2018. Le peuple en a assez. Trop c'est trop !!!

Auteur: Jean Michel Nintcheu