Quand on n’a pas fait le sport, on peut croire que les penalties se tirent même à partir du centre du terrain. Mais quand on est agrégé de Droit et qu’on ignore que c’est le Conseil constitutionnel qui proclame les résultats de la présidentielle, il y a problème.
Et dans un pays enclavé comme le nôtre, réussir à avoir les résultats de tous les bureaux de vote en moins de 24 heures relève de l’inédit. Un candidat à la présidentielle ne saurait être un amuseur public. Tantôt en maillot des Lions, tantôt en celui du Nzalang National. Au point où on est en droit de se poser la question : dans quelle équipe joue le fameux tireur de penalties ?
En dehors de cette sortie malheureuse, unanimement condamnée par tous les hommes de bon sens, il y a à reconnaitre que la campagne et le vote se sont bien déroulés. L’heure est donc toujours à l’attente. Il reviendra au Conseil constitutionnel de révéler aux Camerounais, le nom du candidat qui aura la lourde charge de présider aux destinées de ses compatriotes pendant les sept prochaines années. Elle a été merveilleuse, la campagne. Chacun des neufs candidats essayant de convaincre les Camerounais par son programme ou par son bilan.
Elle a été un peu à l’américaine, avec ces bus, ces car-podium, ces concerts de musique et tous ces gadgets qui transformaient les arènes de campagne en carnaval ou en kermesse. Les cœurs battent la chamade, comme c’est toujours le cas lorsque l’on attend le résultat d’un examen. En attendant, on peut spéculer sur les chances des uns et des autres. Une élection, c’est le terrain. Le pays dit-on, compte 360 arrondissements.
Il faut pouvoir y être représenté et surtout y avoir battu campagne. Les dernières images nous ont montré des meetings le plus souvent en zones urbaines. Oubliant que 80 % des compatriotes vivent en milieu rural. A-t-on compris que les femmes constituent 51% de de la population camerounaise ? Et que de ce fait, il fallait en tenir compte… Une élection présidentielle, ce sont également des moyens. Beaucoup de moyens. Tous les partis en avaient-ils suffisamment pour ratisser large ? J’en doute. Les zones frondeuses que sont le Nord-Ouest et le Sud-Ouest méritaient une stratégie de campagne toute particulière.
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D’ailleurs, en dehors de leurs lieutenants et de militants locaux, aucun des candidats ne s’y est rendu. Ce qui forcément, constituera un handicap surtout pour le Sdf, quoiqu’on en dise… Revenons sur les moyens, seuls à même d’envoyer les militants en campagne partout, dans tout le territoire national. Et à même d’avoir des scrutateurs dans plus des 25 000 bureaux de vote ouverts le 07 octobre dernier dans tout le Cameroun. C’est vrai, on ne l’a pas vu à la télé, les électeurs sont devenus des scrutateurs.
Chacun défendant les intérêts de son candidat. Sauf que cela n’a été possible et visible que dans les villes. Être président de la République c’est être le chef d’État des Camerounais. De ceux des villes et des villages. Or, certains sont connus grâce à la télévision ou par les réseaux sociaux. Des réalités parfois inconnues dans nos brousses ou souvent, l’électricité est un luxe. Les discours de campagne de certains étaient un peu hermétiques. Faits pour les seuls intellos. Savez-vous qu’il y a des compatriotes qui ne savent ni lire ni écrire ? Et que, au village, il faut bien leur montrer la couleur du bulletin de vote de son choix…
Et même que là-bas, le choix est quasi-religieux. Les discours ne peuvent rien changer en eux ; ils choisissent les gens qu’ils connaissent, parce qu’ils ont des fils qui sont dans la haute administration, soit parce que le kilogramme de cacao ou de café a été revalorisé ; parce qu’il y a des campagnes de vaccination ou parce qu’il y a la paix ou que le chef de village le leur a demandé – ces chefs qui depuis, touchent des salaires-.
Des réalités qu’on ne peut maîtriser qu’au contact physique et direct avec les populations. On reconnait qu’il y a eu des avancées. Grâce à la démocratie et à la liberté d’expression. Celui qui l’emportera devra forcément prendre en compte les points de vue des autres candidats qui du reste, ne manquaient pas de pertinence. Les jeunes font une percée spectaculaire. Le candidat du parti Univers est devenu le chouchou de la jeunesse. Il parle bien et a réponse à tout, entend-on ci et là. De là à ce qu’il fasse un bon score et devienne un poids-lourd de la politique tout court, il n’y a qu’un pas.
D’ailleurs, il a voulu bousculer l’électorat à travers son opération « 11 millions d’électeurs ». Certains regrettent aujourd’hui de n’y avoir pas souscrit. Ils auraient pu changer la donne. Sept ans après, le nombre d’électeurs tourne toujours autour de six millions et demi. Lesquels ont comme en 2011 certainement, porté leur choix sur le candidat du Rdpc. Il a encore voulu d’une candidature unique pour l’opposition.
Là encore, il n’a pas été suivi. En rangs dispersés, l’opposition a une fois de plus émiettée ses voix et amoindri ses chances de se retrouver au pouvoir. Donc, à l’analyse et en toute logique, le parti au pouvoir risque de s’y maintenir parce qu’en conclusion, la force de l’expérience est tout simplement la force du terrain…