Les autorités dealent avec les les troupes d’Ayaba Cho
Il est indéniable que la cause pour laquelle se bat le peuple anglophone du Southern Cameroons aka Ambazonia est plus que noble. Il s’agit d’une lutte contre le système de la Françafrique (France et République du Cameroun côté francophone) qui a détruit le Southern Cameroons (devenu par effet d’assimilation les régions du nord-ouest et sud-ouest du Cameroun), qui a aboli ses institutions (Common Law, Parlement, House of Chief, etc.), qui a annexé son territoire, qui a volé la dignité et la fierté de ce peuple. Ce peuple qui a montré le chemin de la démocratie à l’Afrique noire en organisant des élections législatives en mars 1959 et qui ont été remportées par un leader de l’opposition, John Ngu Foncha, face à Dr Emmanuel Endeley, Premier Ministre sortant soutenu par la Grande Bretagne, en charge de gérer la tutelle dans le Southern Cameroons.
C’est donc pour recouvrer cette dignité volée que depuis octobre 2016, le peuple anglophone lutte. Et comme un combat contre l’injustice doit être structuré, le 8 juillet 2017, un conseil de la révolution, le Southern Cameroons Ambazonia Consortium United Front (SCACUF), est mis sur pied au Nigéria. Il s’agit d’une plate-forme de près d’une dizaine d’organisations qui luttent pour la restauration du Southern Cameroons. L’Ambazonia Government Council (AGC) fondé en 2013 et dirigé par Ayaba Cho Lucas faisait partie du SCACUF. Porté à la tête de cette plate-forme d’organisation, c’est Julius Ayuk Tabe qui, le 1er octobre 2017 (date d’indépendance du Southern Cameroons), proclame de manière officielle que le Southern Cameroons/Ambazonia est restauré. Le SCACUF sera quelques mois plus tard mué en gouvernement intérimaire encore appelé Interim Government, aujourd’hui dirigé par Sako Ikome Samuel.
Quelques mois après l’enlèvement de Sisiku Ayuk Tabe et 9 membres de son gouvernement le 5 janvier 2018 au Nera Hotel d’Abuja et leur déportation au Cameroun, l’Ambazonian Government Council décide de faire cavalier seul. Rappelons qu’au sein du SCACUF, seul l’AGC à travers l’Ambazonian Defence Forces (ADF) prônait la lutte armée. Les autres organisations militaient pour la désobéissance civile et la diplomatie. Qu’est-ce qui peut donc expliquer ce divorce de plus en plus perceptible entre les populations locales anglophones et l’ADF ? Disons-le sans ambages, à défaut d’être un outil de contre-révolution pour le pouvoir de Yaoundé, l’AGC/ADF nous démontre au quotidien à travers les agissements de certains de ses membres qu’il est dans une logique de sabotage des actions du Interim Government, lequel profite au régime de Paul Biya.
Inscrit dans une politique du « c’est moi où on gâte tout », l’AGC/ADF est la face hideuse de la lutte des anglophones pour la restauration du Southern Cameroons. L’Interim Government décrète un lockdown du 6 au 11 février, l’AGC fixe le sien du 7 au 12 février. Les Red Dragons commentent leurs exploits sur les forces de terreur du régime Biya dans une vidéo, les AGCistes crient au fake news, juste parce qu’il s’agit d’un groupe armé loyal au Interim Government. Les milices terroristes créées et déversées en zone angophone par le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji et la crapule Emile Bamkoui de la Division de la Sécurité Militaire, kidnappent contre rançons, tuent puis décapitent civils comme militaires, Tapang Ivo de la communication d’ADF se précipite pour revendiquer ces actions, jetant ainsi le discrédit sur la lutte. L’actualité de ADF tourne rarement autour d’une bataille contre les forces terroristes du régime Biya. Quand il ne s’agit pas des attaques contre les autres groupes armés fidèles au Interim Government, ce sont les kidnappings contre rançons dont se plaignent les populations locales. Au village Kurugwe, dans l’arrondissement de Batibo, un camp de ADF a été démantelé par la population et un groupe armé local il y a quelques semaines. Quand ce n’est pas Ayaba Cho qui demande à un de ses « généraux » de neutraliser tous les groupes armés qui refusent de se mettre sous son contrôle, c’est Tapang Ivo, porte-parole de ADF, qui menace de dévoiler aux forces terroristes du régime de Yaoundé le camp de Field Marshall, le patron du groupe armé Red Dragons qui contrôle le Lebialem (sud-ouest).
ADF ne défraie donc la chronique que dans le contre-révolutionnaire à tel point qu’on serait amené à se demander si cette branche militaire de l’AGC n’est pas un instrument entre les mains du régime Biya pour fragiliser la lutte anglophone de l’intérieur. Plusieurs faits assez curieux confortent cette réalité. Après la répression des manifestations pacifiques du 1er octobre 2017 dans le Cameroun anglophone par l’armée du dictateur Paul Biya, ce sont les troupes de l’ADF qui ont lancé des attaques sporadiques contre des policiers, gendarmes et militaires. Et si c’était un plan élaboré par les services secrets camerounais pour justifier la militarisation de la zone anglophone ! Cette dernière est d’ailleurs survenue après la déclaration de guerre du 30 novembre 2017 faite par Paul Biya.
Autre fait et pas des moindres. Fin décembre 2017, le commandant-en-chef des ADF, Ayaba Cho Lucas était à Daddi (localité du sud-ouest anglophone, frontalier avec le Nigéria) rencontrer ses troupes qui venaient de prendre le contrôle de la localité. Début janvier 2018, les médias proches du régime Biya ont annoncé à grand renfort de publicité que l’armée camerounaise a repris le contrôle de Daddi. Y aurait-il eu une entente entre le gouvernement camerounais et les troupes d’Ayaba Cho pour le scénario de Daddi devant justifier un fort déploiement des soldats camerounais en zone anglophone ? Comment Ayaba Cho a pu se retrouver au Cameroun et en ressortir librement alors que le gouvernement a lancé une chasse aux fédéralistes et indépendantistes dès janvier 2017 ?
Si les supporters d’AGC/ADF soutiennent qu’ils sont sincères et engagés dans la lutte pour la libération du peuple anglophone du Southern Cameroons et que Samuel Sako Ikome de l’Interim Government est un imposteur et un détourneur de fonds selon eux, c’est simple, qu’ils nous le démontrent par leurs actes et paroles et non par la propagande et le tape-à-l’œil comme cette histoire de l’arrestation de 3 des assassins de la gardienne de prison Florence Ayafor annoncée en grandes pompes le 13 octobre 2019 par la communication de ADF. Jusqu’ici, on est sans nouvelles de ces présumés assassins. ADF a sans doute voulu ainsi soulager la conscience du régime diabolique de Yaoundé de cet autre crime d’Etat.