Radiation de Tidjane Thiam: l’autorité douce de Biya face au verrou judiciaire de Ouattara

BIYA OUATTARA 23 Alassane Ouattara et Paul Biya

Wed, 23 Apr 2025 Source: Bruno Bidjang

À six mois de l’élection présidentielle ivoirienne, la récente annulation de la candidature de Tidjane Thiam en Côte d’Ivoire met en lumière les méthodes parfois contestables utilisées pour écarter les adversaires politiques. Pendant ce temps, au Cameroun, le président Paul Biya poursuit sa stratégie de dialogue et de conciliation, offrant un témoignage de ce que certains appellent « l’autorité douce » au service de la stabilité nationale.

Le 22 avril 2025, le tribunal de première instance d’Abidjan a officiellement radié Tidjane Thiam de la liste électorale, au motif qu’il aurait « perdu » sa nationalité ivoirienne en obtenant la citoyenneté française en 1987, malgré sa renonciation formelle en février dernier. Ce décision, qui frappe l’ancien patron de Credit Suisse et principal rival d’Alassane Ouattara, ravive la polémique autour de l’utilisation du droit civil comme levier politique. Pour de nombreux observateurs, cette exclusion prématurée rappelle la disqualification de plusieurs figures de l’opposition (Gbagbo, Soro, N’Guessan) et porte atteinte à l’esprit de pluralisme démocratique.

Au Cameroun, la gestion de l’opposition s’inscrit dans un cadre différent, teinté de séquences de libération et de concertation. En octobre 2019, le président Paul Biya a ordonné la remise en liberté immédiate de Maurice Kamto et de centaines de militants anglophones emprisonnés pour des motifs qualifiés de « rébellions », au terme d’un Grand Dialogue national consacré à apaiser la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Cette initiative, saluée par la communauté internationale, a permis de restaurer un climat de confiance et d’engager un véritable échange entre le pouvoir et la société civile.

La méthode entretenue par Paul Biya se caractérise par une volonté de canaliser l’opposition plutôt que de la museler systématiquement. L’organisation de consultations locales, cooptation de personnalités indépendantes au sein de commissions ad hoc, et gestes de grâce présidentielle pour des prisonniers politiques jugés favorables au dialogue. Cet équilibre, soigneusement calibré, permet de maintenir un jeu politique tout en limitant les risques de radicalisation ou de flambée de violences.

À l’heure où la sous-région observe avec attention les échéances électorales ivoiriennes, l’exemple camerounais illustre qu’un régime peut choisir des instruments de persuasion douce plutôt que la répression aveugle. La décision d’écarter Tidjane Thiam, en Côte d’Ivoire, démontre le pouvoir de la justice à servir les ambitions politiques ; à l’inverse, les gestes de Paul Biya témoignent d’une volonté de préserver un espace de débat, même restreint, et de promouvoir une paix sociale durable.

Pour de nombreux experts, le « modèle » Biya ne prétend pas à une démocratie parfaite, mais il offre une illustration pragmatique de la conciliation qui permet à l’opposition de jouer un rôle dans le processus national. Une formule qui, à défaut de répondre à toutes les exigences démocratiques, évite la rupture et les crises politiques majeures.

Auteur: Bruno Bidjang