De nombreux tabloïds en ont fait leur Une pour rappeler à la mémoire collective, ce que représente, pour le citoyen camerounais, le nom de Ruben Um Nyobe, l’une des figures les plus emblématiques de la lutte pour l’indépendance du Cameroun.
Les Camerounais y ont vu la seconde mort de Um Nyobe. Le « Mpodol » ou sauveur dont la mort ne sera annoncée que le 13 Septembre 1958. Quelques jours après, son corps exposé à Boumnyebel est inhumé par le Pasteur Song Nlend.
Ruben Um Nyobe naît en 1913 à Song Peck, près de Boumnyebel dans l’arrondissement d’Eséka de Nyobe Nsounga et de Ngo Um Nonos. En 1920, il entre à l’école presbytérienne de Makaï et sera baptisé en 1921.
Il est inscrit à l’école d’Ilanga près d’Eséka en 1924 et obtient son certificat d’études primaires (CEP) en 1929. Il intègre l’Ecole normale de Foulassi près d’Ebolowa dans l’actuelle région du Sud, aux mains des missionnaires presbytériens. Il sera exclu l’année où il doit obtenir son diplôme de fin d’études, taxé d’être toujours à prendre la tête des mouvements de revendication et de protestation. Néanmoins, il se présente comme candidat libre et obtient le diplôme de fin d’études.
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Il est alors engagé comme maître dans les écoles presbytériennes. En 1935, il présente le concours des commis des services publics, civils et financiers. Tout en travaillant, il suit des cours par correspondance et obtient sa première partie du baccalauréat (actuel probatoire) en 1959. Il est alors affecté au greffe du tribunal d’Edéa. Il se passionne pour le droit et découvre l’injustice à laquelle sont soumis les indigènes camerounais à travers le système de l’indigénat.
Celui-ci distingue les Camerounais indigènes (sujets) et les Français (citoyens). Cette loi dénie donc toute possibilité pour la lutte politique ou a défense des droits des travailleurs aux indigènes malléables et corvéables à souhait.
En 1944 à cause de la participation de nombreux indigènes à la guerre (1939-1945), le général De Gaulle, sous la pression des évènements, leur reconnaît le droit de s’affilier à des syndicats.
Le mandat est alors accordé par l’Organisation des Nations Unies à la Grande-Bretagne d’administrer les territoires du Cameroun occidental et à la France ceux du Cameroun oriental avec mission de conduire ce pays à l’indépendance. Malheureusement, les gouvernements successifs de la France dès 1944 de Charles de Gaulle à celui de Guy-Mollet en 1956, réussiront, avec toute la violence et la force oppressive à intégrer le Cameroun dans l’Union française. D’ailleurs, Ruben Um Nyobe s’insurgera comme Guy-Mollet et « préconise comme toute solution au grave problème camerounais que la menace de l’emploi de la force et les manœuvres de division propres procédés aux colonialistes les plus attardés.»
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En 1954, alors que le général Aumeran déclare que «la France perdra son rang de grande puissance le jour où elle aura perdu toutes ses colonies. Um Nyobe rétorquera : « La France ne méritera jamais son rang de grande puissance aussi longtemps que la France continuera à opprimer les colonies.»
En 1945, Um Nyobe participe à la création des Syndicats confédérés du Cameroun (USCC) dont il devient le Secrétaire général adjoint. Il crée le cercle d’Etudes sociales et syndicats, sorte d’école de formation des syndicats où des spécialistes analysent et étudient le système d’exploitation économique et politique du Cameroun colonial. Il affirme que « le système d’exploitation des travailleurs s’appuie sur le statut colonial du Cameroun et que l’amélioration du sort des travailleurs passe nécessairement par l’émancipation politique du Cameroun. »
Militantisme
En 1946, autorisation des activités politique au Cameroun et le 10 avril 1948, Um Nyobe avec d’autres patriotes fonde l’Union des populations du Cameroun (UPC). En vue de la reconnaissance du parti, le « Mpodol » et ses fondateurs, d’un commun accord, ne font pas figurer leurs noms sur la liste officielle des membres fondateurs.
Le parti est reconnu le 09 juin 1948 et le 17 juin 1948 à Abidjan, lors du Congrès du rassemblement démocratique africain (RDA), Um Nyobe est le représentant officiel de l’UPC. Il devient Secrétaire général du parti en 1950 à l’issue du premier Congrès en même temps qu’il en est le principal animateur. Il abandonne son poste de secrétaire à l’USCC et le confie à Jacques Ngom pour se consacrer à l’UPC. En 1949, il obtient sa mise en disponibilité de l’administration coloniale.
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En décembre 1952, il est à New-York et prononce un réquisitoire contre la France à l’ONU. Il y prouve que la France administre le Cameroun de la même façon que ses propres colonies avec l’intention de l’incorporer dans l’empire français alors que le Cameroun est une pupille de l’ONU qui en a confié la tutelle à la France.
Il dénonce les lenteurs de la France pour mettre en place les réformes politiques. Ils doivent tenir compte de la spécificité du Cameroun, autrefois uni sous le protectorat allemand et maintenant divisé en deux (Cameroun occidental sous administration anglaise et Cameroun oriental sous administration française). Il insiste sur la nécessité de la Réunification des deux Cameroun qui doivent évoluer politiquement ensemble.
En 1953, au retour de New-York, il fait imprimer le texte de son intervention aux nationalistes sous la forme d’un mémorandum intitulé « Que veut le Cameroun ? ».
En résumé, le Cameroun veut la Réunification des deux Cameroun d’une part, et d’autre part l’indépendance. Il accuse la France de retarder l’indépendance du Cameroun. Il somme la France en 1954 d’organiser un référendum sur la Réunification et de fixer un calendrier pour la fin de la tutelle et l’accession à l’indépendance.
Il commence donc à gêner et devient étroitement surveillé. Le 18 avril 1955, son domicile est pris d’assaut par la police. Sa femme et ses partisans sont arrêtés et Um Nyobe comprend que sa tête est mise à prix, il se réfugie dans la clandestinité à Boumnyebel. Le docteur Louis Paul Aujoulat est soupçonné d’être l’instigateur de cette campagne. Le leader du Bloc démocratique camerounais (BDC) est un catholique anti-indépendantiste. Des incidents éclatent entre les militants de l’UPC et ceux du BDC. Les biens de l’église saccagés et les missionnaires sont agressés.
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Le 22 mai 1955, une réunion de l’UPC est interdite à Mbanga, les militants de l’UPC passent outre et les forces de l’ordre chargent, se heurtent à la résistance des Upécistes. La situation se dégrade et les émeutes gagnent le Sud et Douala. Le gouverneur Roland Pré interdit l’UPC et fait intervenir les forces françaises stationnées à Brazzaville pour mater l’insurrection de Douala. 617 Upécistes arrêtés, des dizaines de morts et de nombreux blessés, c’est le bilan de ces émeutes de Douala entre Upécistes et militaires.
Le 13 juillet 1955, l’UPC est officiellement interdite. Le « Mpodol » et ses partisans gagnent le maquis de Boumnyebel et plongent dans la clandestinité. Abel Kingue, Ernest Ouandie et Félix Moumie, le président de l’UPC se réfugient à Kumba, puis à l’étranger.
Um Nyobe demeure au Cameroun. Etant le leader le plus modéré, le plus populaire et le plus écouté, les Français lui envoient des émissaires afin qu’ils sortent du maquis y compris ses fidèles. Il exige des garanties politiques : la réhabilitation de son parti l’UPC et l’indépendance immédiate.
La réhabilitation de l’UPC est refusée mais la loi cadre est adoptée et précise que le Cameroun deviendra un Etat sous-tutelle, aura un gouvernement de compétence locale ; des élections doivent mettre en place une assemblée locale. Le parti majoritaire aura la possibilité de former un gouvernement local dont le Premier ministre sera nommé par le Haut-commissaire de la République française au Cameroun. Um Nyobe réclame la levée de l’interdiction de son parti pour faits et délits politiques commis avant mai 1955.
La réhabilitation et l’amnistie sont refusées. Il ne pourra donc pas participer au scrutin. Les candidats transfuges, Dr Delangue et Mpouma sont assassinés, sabotage des équipements publics, incendies des bureaux de vote.
La répression de l’année est terrible. Ruben Um Nyobe devient donc « Mpodol » celui qui défend la cause, qui porte la voix.
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Le 13 septembre 1958, un bruit de pas signale la présence des militaires et des coups de feu éclatent : les deux femmes et Yem Mback sont tués. Um Nyobe tient un cartable contenant ses documents et son agenda personnel.
Paul Abdoulaye, un soldat d’origine tchadienne de l’armée française coloniale ouvre le feu sur lui. Il est atteint au dos et meurt. Par contre, Théodore Mayi Matip parti se soulager quelques minutes auparavant, échappe à la tuerie curieusement.
Le 1er janvier 1960, le Cameroun devient indépendant et le 1er octobre 1961, c’est la Réunification du Cameroun occidental avec le Cameroun oriental.