Pour vous éviter de suivre bénoitement Abel Elimby Lobe le saltimbanque politique dans sa triste commedia dell’arte télévisuelle, il me semble impérieux de vous éclairer sur la politique. Pour ce faire, quoi de mieux que de choisir parmi vos propres élites ! Aussi-vais-je convoquer Laurent Esso et Jean Jacques Ékindi ; lesquels, comme je l’ai démontré dans un récent post, sont deux figures représentative de l’élite politique des bords du Wouri.
Mais avant d’entrer dans les détails, il faut noter que, schématiquement, la politique c’est deux choses: 1- Un jeu d’intérêt dont le but est la conquête et la conservation du pouvoir ; 2- Un marché sur lequel se réalisent les transactions d’achat et de vente des ressources ; c’est en ce sens qu’on parle de clientèle politique. Dans l’un et l’autre cas, la politique se déroule sur un champ, et ceux qui s’y adonnent en sont des acteurs. Ceci fait, le premier cas, à tout seigneur tout honneur, est le ministre d’État Laurent Esso.
I. Laurent Esso, l’objectif d’un homme d’État
a) Le bon choix de carrière
La vie est une question d’objectif à atteindre. Pour ce faire, il faut acquérir des ressources et les transformer. Les travaux de Pierre Bourdieu déterminent plusieurs sortes de ressources ou capital. Il cite :
- le capital économique : l’argent, les maisons, les terrains etc. ;
- le capital culturel : les connaissances attestées par des diplômes
- le capital relationnel : le tissu de réseaux sociaux qu’on développe dans son milieu.
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Ainsi, Laurent Esso semble s’être fixé pour objectif, de devenir un homme d’État. Il a très judicieusement choisi les études juridiques sanctionnées par son entrée dans la magistrature dont il a gravi tous les échelons avant d’intégrer le champ politique. Sans doute convient-il de relever que les juristes sont ceux qui réussissent le plus en politique. On notera par exemple que sur les cinq derniers présidents français, la majorité est constituée de juristes. Paul Biya est lui-même un juriste…
Suite à son engagement politique auprès de Paul Biya, ce dernier avait nommé Laurent Esso Chancelier de l’ancienne université de Yaoundé. C’est de cette plateforme qu’il a décollé pour planer jusqu’à ce jour, dans les plus hautes sphères de l’État.
b) Le coup de génie
Les autorités de tous les pays, de tout temps, se sont toujours méfiées des étudiants, de leurs turbulences. Celles du Cameroun n’ont pas dérogé à cette règle. Aussi le Chancelier hier, et le Recteur aujourd’hui, a-t-il une mission plus politique qu’académique. À cet égard, le poste de chancelier de l’université de Yaoundé fut longtemps l’anti chambre du gouvernement. À une ou deux petites exceptions près, tous les chanceliers sont devenus ministres en récompense de la contenance des turbulents étudiants. C’est le cas de Laurent Esso. Mais ce dernier a forcé le sort, par un « coup de génie ».
J’étais alors étudiant en faculté de Lettres et Sciences Humaines, lorsqu’un midi je suivi à la radio que nous étudiants, avions cotisé quelque 10 000 FCFA pour soutenir le président Paul Biya. Ladite somme avait été solennellement remise au Chancelier pour transmission à son haut destinataire. Du coup, le très discret Chancelier occupa du coup le feu de la rampe. Tout le pays ne parla plus que de ce geste inédit des « Fers de la lance de la nation », et incidemment, de ce « type » qui avait réussi à les contenir et responsabiliser suffisamment pour qu’ils posent un tel acte à haute portée patriotique.
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À ce jour, personne ne sait ni combien d’étudiants avaient cotisé, ni où ils s’étaient réunis pour le faire. Mais l’enjeu était ailleurs, puisque l’acte relevait du domaine du symbole, lequel a tout son sens en politique. En bon juriste, Laurent Esso sait que le pouvoir a besoin de soutien, et récompense toujours ses soutiens en retour. Le président de la République ne pouvait par conséquent qu’apprécier grandement le soutien de l’ensemble des étudiants de l’unique université d’alors. L’entrée de Laurent Esso au gouvernement quelques mois plus tard, ne surprit aucun observateur averti. Mieux, il a certainement inspiré Mouelle Kombi, initiateur des années plus tard, de la lettre de soutien des intellectuels au même Paul Biya. L’ex chancelier a désormais une incontestable stature d’homme d’État.
De cette haute posture, contrairement à Abel Elimby Lobe, il ne saurait clamer sa haine contre les Bamiléké ou toute autre tribu, même s’il ressentait un tel sentiment. L’homme politique, suivant en cela les préceptes de Mazarin, ne montre pas ses sentiments. Interrogé par Édouard Kingué sur les diatribes du journal Elimbi, Laurent Esso s’était contenté de mettre cela sur le compte de la libre expression. Une réponse politique que les naïfs journalistes interprétèrent certainement comme un feu vert à l’autodafé des Bamiléké. Mal leur en prit : ils pourrissent au fond de la poubelle de l’histoire.
Enfin, il faut souligner qu’en tant que Coordonnateur des activités du parti dans le Littoral, Laurent Esso est le modèle-type du cursus politique inversé ; lequel consiste à occuper d’abord des positions politiques au sommet avant d’en avoir à la base. À cet égard, le ministre d’État se situe à l’opposé de Jean Jacques Ékindi.
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