Saint Valentin: fleurs et bijoux ? Au Moyen-Âge, on pensait 'viols collectifs'

Saint Valentin Viols Collecttif photo utilisée à titre d'illustration

Wed, 14 Feb 2018 Source: linternaute.com

La fête des amoureux, c'est donc ce mercredi 14 février. Fête romantique, consacrée à la bienveillance et à la délicatesse ou fête commerciale ? Après les soldes, puis la Chandeleur, et enfin mardi gras, la Saint-Valentin fait partie de ces grandes dates qui comptent pour les grandes enseignes spécialisées dans les chocolats, les fleurs ou les parfums. Sans parler de la restauration, qui consacre menus et plats spéciaux pour les amoureux. D'aucuns voient clairement dans la Saint Valentin moderne une forme de détournement consumériste. Et oui, il est difficile de nier qu'il existe une claire incitation traversant la société pour que les uns et les autres s'offrent cadeaux et dîners aux restaurants, pour démontrer leur amour.

La fronde contre la nature commerciale de la Saint Valentin s'accompagne souvent d'un message pour autant assez étonnant : la fête des amoureux serait dénaturée, elle aurait perdu le charme d'antan... En réalité, les origines et les traditions qui ont accompagné cette date durant les siècles sont bien plus obscures que l'on pourrait le penser aujourd'hui. Et lorsqu'on s'intéresse de près à l'histoire de la Saint-Valentin, on peut considérer que notre époque est bénie...

Des origines religieuses ?

Il faut remonter plusieurs siècles en arrière, au IIIe siècle de notre ère, pour découvrir le parcours très romancé de ce fameux Valentin, dont on peine encore à savoir s'il était prêtre ou moine. Aux balbutiements du christianisme, dans une Rome antique qui persécutait les chrétiens, Valentin de Terni était connu pour marier les croyants. Des unions qui ne plaisaient guère à l'empereur Claude II le Gothique, qui préférait que les hommes se tournent vers ses guerres plutôt que vers les femmes et la construction d'un foyer. Selon la légende, c'est le souverain lui-même qui va ordonner l'arrestation de Valentin.

La même légende raconte que Valentin va se lier d'amitié avec Julia, la fille de son geôlier ou d'un magistrat chargé de sa surveillance selon les versions. Aveugle de naissance, elle va tomber amoureuse du prisonnier, qui lui racontait la beauté du monde tandis qu'elle lui apportait des vivres. Au contact de Valentin, Julia va finalement retrouver l'usage de ses yeux un soir où une lumière jaillit de la cellule. Par ce miracle et par ses mots, Valentin serait parvenu à convertir la jeune romaine au christianisme, ainsi que toute sa famille. Courroucé par la publicité de ces événements, Claude II ordonnera l'exécution de Valentin. En guise de martyr, il sera roué de coups et décapité sur la voie Flaminia... le 14 février 269.

La face sombre de la Saint-Valentin

Voilà pour le conte de fée. Dans l'ouvrage "Saint-Valentin, mon amour !", aux éditions Les Liens qui libèrent, l'historien et sociologue Jean-Claude Kaufmann raconte la Saint-Valentin des temps anciens. Et prouve que le "mythe" de Saint Valentin, en tant que personnage chrétien, a été largement détourné à des fins politiques et religieuses. De quoi surprendre ceux qui abhorrent cette fête souvent jugée trop mièvre ou archi-commerciale.

Selon Jean-Claude Kaufmann, il existe plusieurs saints du nom de Valentin qui ont été, à l'origine, protecteurs du "vignoble contre le phylloxéra", "des vaches", "de la maladie" et même de "la culture des oignons"... Mais pas de l'amour. Et il y a pire. Jean-Claude Kaufmann fait l'inventaire des traditions pour le moins douteuses voire totalement abjectes qui ont, au fil des siècles, abouti à la naissance de la Saint-Valentin telle que nous la connaissons aujourd'hui. L'auteur de "Saint Valentin, mon amour !" cite notamment le culte de l'ours, qui fut célébré au Moyen-Age, loin du romantique Valentin qu'on nous présente depuis. Considéré comme l'animal le plus proche de l'homme et à la sexualité débridée, il fut l'objet de bien des théories comme celle de l'évêque Guillaume d'Auvergne, qui écrivait en 1231 que "lorsqu'une femme s'accouple avec un ours, elle donne naissance à un bébé humain".

Plus loin encore dans l'horreur, l'auteur rappelle que lors des fêtes antiques des Lupercales, à l'origine de la Saint-Valentin, il s'agissait de "purifier" les femmes en leur fouettant les fesses ou le ventre pour s'assurer de les rendre fécondes. Au XVe siècle, dans une société où la sexualité était bridée et le mariage solidement encadré, une autre tradition procédait par des viols collectifs, acceptés par la société. "De jeunes hommes se rendaient chez la victime, pendant la nuit, faisaient du chahut sous ses fenêtres pour l'appeler, en la traitant de 'ribaude'. Puis, comme elle se taisait, on enfonçait sa porte", écrit Jean-Claude Kaufmann, qui indique que le phénomène était si massif que la moitié des hommes avait déjà participé à ce type de viol et que les victimes, dépucelées avant le mariage, n'avaient d'autre choix que la prostitution.

Dans "Saint Valentin, mon amour !", l'auteur analyse ces traditions sordides comme un type de catharsis sociale, contrebalancés par des "rituels encadrés", comme certains bals ou jeux de séductions "encadrés et reconnus par la communauté" : "Les rituels amoureux de février et du printemps avaient donc la vertu de conjuguer la violence masculine, de canaliser cette énergie, de la conjuguer avec le désir féminin profondément refoulé. [...] Il faudra des siècles pour leur donner une forme douce et harmonieuse ; c'est toute l'histoire de la Saint-Valentin".

Saint Valentin n'est pas le point de départ de la Saint-Valentin

Un autre malentendu entoure l'origine de la Saint Valentin. La tradition n'a pas commencé avec le mythe de Valentin de Terni, construit de toutes pièces par la papauté après sa mort. Elle est bien un héritage de la Rome Antique, mais trouve ses origines dans un autre événement : les Lupercales. Organisées tous les 15 février, les Lupercales célébraient alors Faunus Lupercus, dieu de la fécondité, des bergers et des troupeaux. Rite de purification, organisé à la fin de l'année romaine (qui commence le 1er mars), cette fête païenne se déroulait en trois étapes. Tout d'abord, les prêtres sacrifiaient un bouc dans la grotte du Lupercal (au flanc du Mont Palatin), où, selon la légende, la louve allaita les fondateurs de Rome Romulus et Rémus. Ils enduisaient ensuite de jeunes gens issus de familles nobles du sang du sacrifice dans un cérémonial qui symbolisait la purification des bergers.

S'ensuivait la "course des luperques", pendant laquelle les prêtres et les jeunes gens, couverts de la peau des bêtes sacrifiées, couraient dans les rues de la ville et fouettent les passants avec des lanières découpées dans la peau du même animal. Les femmes, en particulier, se plaçaient sur leur trajet, dans l'espoir d'avoir une grossesse heureuse et un accouchement sans douleur. Enfin, les célébrations se terminaient par un grand banquet, au cours duquel les jeunes hommes tiraient au sort leur compagne pour la soirée. Une pratique encore une fois très éloignée du romantisme de la Saint Valentin d'aujourd'hui.

Auteur: linternaute.com