Samuel Eto'o sur les traces de Paul Biya... C'est le titre que donne l'analyste politique Wilfried Ekanga à une tribune qu'il a publiée il y a quelques heures, suite aux polémiques que suscite le choix de l'équipementier All One Sport pour habiller les Lions Indomptables. Ci-dessous la tribune
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"Le 3 juillet 2015, lors de la visite de François Hollande à Yaoundé, la télévision nationale a diffusé en direct un épisode plutôt fameux : des ministres en train de signer des « contrats de coopération » sur d'énormes documents aux couleurs mauves. Rien de plus précis ne fut dévoilé à l'époque sur leur contenu, et rien n'a toujours filtré à ce jour.
Peut-être était-il en train de vendre les restes du Cameroun à cette France dont ses ouailles prétendent pourtant qu'il s'affranchit ? L'énigme demeure.
Plus tôt, du milieu des années 90 au milieu des années 2010, c'est un opérateur économique du nom de Pius Bissek qui s'est retrouvé dans la tourmente contre le groupe Nestlé. En effet, pour maintenir ses prix au plus bas et tuer la concurrence locale, le géant suisse de l'agroalimentaire se servait de graisse végétale sur sa marque « Gloria », tout en indiquant qu'il s'agissait de lait animal. Un gros mensonge donc. Mais alors que les autorités s'étaient saisi de l'affaire pour faire plier Nestlé et récupérer des devises, quelques visites des émissaires suisses à Étoudi ont suffi pour que l'État du Cameroun se désiste soudain, et que le pauvre Bisseck se retrouve tout seul dans la bataille face au monstre helvète.
Qu'est-ce qui s'est passé derrière les murs du Palais ? Nul ne le saura... même si on se l'imagine. Bouclée depuis 2016, l'issue de l'affaire n'est qu'à moitié favorable pour le sieur Bissek, dont l'entreprise - Codilait - a fermé boutique, sachant que Nestlé lui, a survécu à l'orage.
LA DANSE DE L'OPACITÉ
Car le Cameroun est le pays où le Nkukuma ne rend compte à personne. Et parce que le poisson pourrit par la tête, ce mécanisme s'est métastasé sur toutes les sphères de la société, y compris dans la politique sportive. Et malgré le relatif dynamisme observé depuis la prise de fonctions de Samuel Eto'o à la tête de la Fédération, l'histoire tend dangereusement à se répéter. Car comme Biya, Samuel Eto'o traine derrière lui une cohorte de « danseuses » qui le confondent à un dieu, un chérubin parfait et humble jusqu'à la moelle des os. Or justement, on ne conteste pas les choix d'un dieu. On ne les questionne même pas.
Et c'est à ce moment-là qu'on est en danger, car on ne sait pas qu'on est en danger en procédant de la sorte. Le Nkukuma peut donc commettre les pires bêtises, sans que ses danseuses ne l'ouvrent.
La qualité première d'un homme politique - car il est désormais un homme politique, élu à la tête d'une structure publique -, est la cohérence entre le propos et l'acte. Et si dans le propos la clarté fut promise, l'acte doit être tout aussi clair. Dans le cas contraire on doit s'attendre au scepticisme d'un grand nombre d'observateurs, qui estimeront - à juste titre - que ceux qui manquent de clarté, ce sont ceux qui ont des choses à cacher. Il appartient donc au concerné de les faire mentir en mettant à nu ce qui est dissimulé. Ou au pire, d'assumer les couacs éventuels.
Car comme le dit Romaric Sadibeu : « La sincérité du piment vaut mieux que l'hypocrisie du sucre. »
EN BREF:
La franchise se pose comme la seule issue, plutôt que d'ajouter de la confusion à la confusion en organisant d'étranges messes de minuit avec des artistes - en herbe ou non - dont les critères de choix et la finalité de la présence manquent tout autant de clarté, et plutôt que d'ignorer le fait que le prédécesseur français de One All Sports a saisi l'instruction pour « rupture abusive de convention » et entend obtenir gain de cause. Or en acceptant que le flou demeure, et pire, en fustigeant ceux qui au minimum s'interrogent, les Camerounais sont en train de se fabriquer un deuxième golem ; un second homonculus aux pouvoirs illimités, dont les ailes pourraient finir par les étouffer. C'est un nouveau Biya qu'il ne faudra jamais contrarier, parce qu'il est le plus beau, le plus chaud, le plus jeune, etc...
Le souci, c'est que tout le monde n'est pas une danseuse. Par exemple, moi je ne sais même pas bouger l'orteil".