Le gouvernement de Paul Biya n'est pas content à l'égard de Paris et c'est le moins que l'on puisse dire quelques jours avant l'arrivée du président Macron sur le sol camerounais dans le cadre d'une visite de deux jours prévue les 26 et 27 juillet 2022. Yaoundé reproche à la France de n'avoir pas tenu l'une de ses promesses phares depuis trois ans à savoir : le plan de reconstruction du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
En effet, le 24 octobre 2019, au cours de sa visite au Cameroun, l'ancien ministre français des affaires Etrangères, Jean-Yves Le Drian avait promis que la France octroierait 62 millions d'euros soit 40 milliards Fcfa au gouvernement camerounais. Cet argent constituait le reliquat du Contrat de désendettement, développement et devait permettre de financer le plan de reconstruction du Nord-Ouest et du Sud-Ouest souhaité par les pouvoirs publics camerounais et appuyé également par les entreprises françaises. Il appartenait cependant au gouvernement camerounais de demander aux autorités camerounaises l'attribution de cette somme. Sur la table également, le projet Bamenda, ville nouvelle dont les autorités françaises et les entreprises s'étaient également engagés à appuyer.
Afin de mettre en œuvre ce plan de reconstruction qui le tenait à cœur, le premier ministre Dion Ngute avait initié une rencontre le 5 décembre 2019 à l'immeuble Etoile auquel l'ambassadeur de France au Cameroun, Christophe Guilhou avait pris part et réaffirmer la disponibilité des 40 milliards de Fcfa. Toujours avec son bâton de pelerin, Dion Ngute avait réussi à convaincre le puissant patron du GICAM, principale organisation patronale du Cameroun, Celestin Tawamba à s'associer au plan de reconstruction du Nord-Ouest et du Sud – Ouest. C'est ainsi que le 18 mai 2021, au cours d'une rencontre historique au GICAM en présence du premier ministre Dion Ngute, Le Groupe SABC a indiqué être disposé à apporter dans un premier temps un montant de 500 millions de F CFA qui pourra être doublé au gré de l’utilisation de ce premier apport ; Le secteur bancaire se disait disposé à accompagner les entreprises sinistrées sous réserve d’une lettre de confort de l’Etat pour un montant de 200 milliards de F CFA dans la limite du plafond de couverture fixé par la loi de finances 2021 ; Les assureurs se disaient prêts à assurer la couverture des Entreprises face aux risques d’insécurité et à mobiliser leurs dépôts oisifs de 100 milliards pour financer des investissements dans ces Régions sous réserve de la garantie de l’Etat pour permettre d’admettre ces sommes en représentation de leurs engagements ; Le Groupement des Industries Meunières du Cameroun (GIMC) s'engageait à apporter une contribution de 200 millions de F CFA.
Problème : Paul Tassong le coordonnateur du plan de reconstruction du Nord-Ouest et du Sud Ouest dit qu'il n'a jamais reçu les 40 milliards Fcfa de la France sur lequel le gouvernement comptait pour engager des investissements massifs en ces temps de vaches maigres. D'autant plus que cette somme représenterait près de la moitié de la somme nécessaire pour la première phase. Une situation qui installe un climat de méfiance entre Paris et Yaoundé. Les autorités camerounaises étant de plus en plus dubitatifs des annonces et engagements de leur partenaire historique.
C'est dans ce contexte que l'ambassadeur de France à Yaoundé, à l'occasion des festivités du 14 juillet 2022 jette encore un peu plus d'ombre sur le sujet lorsqu'il affirme : « La France ne s'est pas retiré du plan de reconstruction des régions dites anglophones ». « Elle a accordé une somme de 40 milliards Fcfa » souligne le diplomate. « A qui ? » martèle un cadre du ministère de l'Economie. Ce dernier est d'autant plus en colère lorsqu'il découvre que Christophe Guilhou souligne « qu'aucun nuage n'existe » entre Paris et Yaoundé. Du côté de la primature, Dion Ngute est très en colère. Lui qui avait fait de cette initiative l'une de ses priorités. « Nul doute que cette question sera à l'ordre du jour. Paris doit définitivement nous dire où se trouve cet argent », fulmine un cadre de la primature.