Scrutin du 7 octobre: la diaspora partagée entre Biya et Kamto

Cameroonians In US Diaspora Plusieurs Camerounais de la diapora souhaitent le départ de Paul Biya

Thu, 26 Jul 2018 Source: ndengue.com

Les Camerounais de la diaspora s’expriment sur la présidentielle du 07 octobre 2018.

« Paul Biya aime la guerre », « il faut absolument que Biya reste », « je n’ai rien à cirer de ce qui se passe au Cameroun », « que Biya dégage », « je ne m’intéresse pas à la politique », « vas le demander aux Camerounais, je ne le suis plus. Je n’ai aucune leçon à leur donner », « chacun ses problèmes ». Ces réponses expriment à suffisance l’état d’esprit de plusieurs camerounais de la diaspora lorsque l’on les interroge sur leurs attentes lors des prochaines élections présidentielles.

Elles sont à la fois très brèves et extrêmement mitigées. Si dans l’esprit de plusieurs Camerounais de l’extérieur se dégage un divorce total d’avec la nation, certains ne lésinent pas sur le verbe pour soit fusiller soit couvrir d’éloge le président de la République, candidat à sa propre succession. Après une semaine d’interview, nous avons pu déceler trois avis qui éloignent les uns des autres.

Il gère bien norr ?

D’un côté nous avons ceux qui soutiennent l’idée selon laquelle un nouveau mandat de Paul Biya ferait un grand bien au Cameroun. Ils pensent qu’un nouveau président ne pourra pas résister à la crise et ne sera pas capable de réconcilier les consciences perdues dans un voyage identitaire dont le seul pilote est le passé colonial.

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« C’est lui et lui seul qui détient la clé pour nous libérer de cette crise », disent-ils. Ils lui accordent leur entière confiance pour faire du Cameroun d’aujourd’hui une histoire ancienne. « Depuis un certain temps, il ne pouvait pas agir pour le bien du Cameroun de peur que les présidentielles soient annulées et que le chaos s’installe dans notre pays pour de bon ». Une énième victoire du pouvoir en place serait donc un billet pour l’actuel président afin de poser ses cartes pour résoudre la crise dite « Anglophone ».

« Si en 2008 il a su tenir tout le territoire national, ce n’est pas un petit groupe qui va le dépasser ». Il est clair que la crise de la faim c’est du passé mais la crise dite Anglophone n’est pas seulement le présent mais aussi le passé et très clairement le futur du Cameroun. Cette crise n’est pas qu’un épisode de la vie socio-politique au Cameroun, il s’agit d’une série interminable d’évènements que le président en place a non seulement trouvé en entrant au pouvoir, mais aussi côtoyé pendant tous ses mandats. Il est très difficile de dire avec assurance que le président a les cartes en main pour régler cette situation. Mais l’heure n’est pas au jugement, le chaos s’installe peu à peu et « tout ce qu’un Camerounais normal peu réclamer maintenant c’est la paix », pensent tous les compatriotes de la France et d’Allemagne que j’ai côtoyé cette semaine.

La guerre des sécessionnistes n’est pas la seule raison du soutient de Biya par certains Camerounais de la diaspora. D’aucun pensent tout simplement qu’il n’ya pas de tête sérieuse dans l’opposition. « Nous préférons vivre avec un diable qu’on connait qu’avec un démon que l’on ne connait pas ». Le doute est palpable chez beaucoup qui ont peur du changement.

L’habitude a eu raison de certains d’entre nous. Leur attachement à l’état actuel des choses ne leur permet pas de voir une autre personne à la tête du pays que Paul Biya. Il ne s’agit plus de choisir, nous sommes face à une évidence « on gère avec le père et c’est bon comme ça ». Le plus intéressant, c’est les réponses questions qui me rappellent que plusieurs Camerounais ne savent plus vouloir. Beaucoup ne savent plus attendre autre chose que ce qui est : « il gère bien norrr ? » disent-ils avec doute et glissement de langue. Cependant le nombre de partisans du pouvoir en place ne saurait taire les esprits peu convaincus. Ceux qui ne voient pas le revers de la médaille sont peu.

Qu’il degage

« Que Biya parte et ne revienne jamais ». Les partisans du changement sont nombreux et très peu expressifs. Ils ne parlent pas beaucoup. Ils ne veulent que le changement qu’importe le parti d’opposition qui remportera les élections. Nous avons même l’impression que seule la personne du président dérange.

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Le RDPC aurait un autre candidat qu’il arrangerait plus d’un. Ce manque d’expression s’explique aussi par la distance qui existe entre la volonté du changement et la réalité politique au Cameroun. C’est ainsi que plusieurs jeunes de la diaspora disent ne rien attendre des prochaines élections. Ils veulent le départ de Biya, mais sont convaincus qu’il restera. « Malheureusement Biya ne va pas perdre. Je n’attends donc rien du tout de ces élections ». « Je n’ai moi rien à dire à ce sujet. J’attends seulement les résultats ». Les points de vue sont divergents. Celui qu’on appelle « le père » ne partira pas. Son mandat est éternel et le Cameroun serait condamné à le subir à perpétuité.

Il est vrai qu’après toutes les sessions électorales passées, une défaite de l’actuel président est presque impensable. Pour ne pas être déçus, ceux qui veulent le changement refusent de croire en la possibilité du changement. Mais que serait le monde si tout le monde cessait de croire ? «Le président a décidé de se représenter au pouvoir à 86 ans pour 7 ans de mandat. Du jour au lendemain à cet âge, s’il n’est plus capable de diriger le pays que deviendra la nation ? ». C’est la grosse interrogation qui taraude l’esprit de mes frères et sœurs de la diaspora.

C’est sur la base de cette interrogation que plusieurs ont décidé « d’aller voter un nouveau candidat qui épouse leurs idées »

« Je rêve d’un président jeune qui me comprend, qui a souffert, qui s’identifie à la jeunesse. Je veux vivre quelque chose d’autre. Je veux voir autre chose. Je ne veux ni Pa Paul dont les méthodes, le visage et les stratégies sont aussi anciennes que lui. Je ne veux pas Kamto qui a travaillé avec ce pouvoir et en a tiré profit. Je veux un jeune. Cabral c’est mon choix » ; « il est temps de choisir et je voterai Kamto ». « Je voterai pour le MRC ». « Akere Muna nous sortira de cette crise ». D’autres ont choisi de ne pas soutenir la tenue des élections.

Pas d’élections dans la guerre

« Le Cameroun est en guerre. Sur dix régions, quatre sont en crise. On ne peut pas courir vers le pouvoir quand les gens sont en train de mourir. ». « Le pays traverse depuis 2 ans une crise qui, du fait de la gestion barbare, s’est transformée en révolution armée. Doit-on aller imposer les élections manu-militari dans ces régions ou alors exclure ces régions de la sphère électorale ? Aller aux élections dans de telles conditions est un échec de la classe politique ».

C’est avec ces interventions poignantes que nous clôturons cette première expression de la diaspora sur la réalité politique d’une Afrique en miniature qui brûle en son sein.

Auteur: ndengue.com