Alors que s’accélère le compte à rebours de l’élection présidentielle, la scène politique camerounaise ressemble de plus en plus, à s’y méprendre, à un théâtre de marionnettes. Des marionnettes, parlons-en. Ce mot désigne une figurine articulée ou non, manipulée par une ou plusieurs personnes appelées marionnettistes. Le synonyme le plus courant de marionnette est guignol.
Cela dit, au bout d’une semaine marquée par le ballet de déclarations de candidatures, des plus sérieuses aux plus fantaisistes, auprès d’Elections Cameroon (Elecam), en vue de la prochaine présidentielle, le peuple camerounais a eu droit vendredi dernier, à Yaoundé, à un spectacle de marionnettes ou de guignols. Un collectif de « 20 partis politiques de l’opposition » est sorti du bois pour soutenir la candidature de Paul Biya au scrutin du 7 octobre prochain.
Parmi les leaders ayant apposé leur signature sur le document rendu public, l’on retrouve les noms d’hommes politiques qui hier encore passaient pour d’irréductibles pourfendeurs du Renouveau et de son promoteur, Paul Biya. Notamment Jean De Dieu Momo (Paddec), Fritz Pierre Ngo (Mec) et Joachim Tabi Owono (Amec), lesquels ont déjà été dans la course pour le fauteuil présidentiel. Mais également Banda Kani (NMP) et Isaac Fezeu (Merci), candidat déclaré à la présidentielle 2018.
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Ces « biyaistes » de la 25e heure fondent leur soutien à Paul Biya sur le climat sociopolitique de l’heure et l’impératif de préserver la paix, à laquelle est subordonné le développement. Ils estiment tous que Paul Biya a l’expérience et la sagesse nécessaires pour diriger le Cameroun, pour sept années encore. Les critiques qu’ils formulaient au sujet de la gouvernance de l’actuel pouvoir et ses résultats peu convaincants virent à des éloges et salamalecs. Par un coup de baguette magique, les clignotants du bilan de Paul Biya (85 ans dont 35 de magistrature suprême) sont passés du rouge au vert, par la seule force du verbe de ces « opposants ».
Si l’on convient que l’ère de la pensée unique est révolue au Cameroun et que chaque citoyen, quel que soit son rang social, est libre d’adopter la posture politique qui lui sied, il est tout de même loisible de constater, pour le déplorer, la forte tendance au nomadisme, voire à la « politique du ventre », qui s’est installée dans notre paysage politique.
La technique est connue. On commence par se positionner comme un « opposant radical » sous le couvert d’un parti, du moins d’une boutique politique, embarquant quelques naïfs au gré des prestations sur des plateaux de télévision. Ensuite, à la vitesse de la lumière, on fait un virage à 180°, généralement à la veille de l’élection présidentielle, ignorant royalement ses militants.
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Quand ce n’est pas au prix de mallettes d’argent, c’est dans l’espoir de se voir attribuer un strapontin dans la « mangeoire nationale ». Ces revirements spectaculaires donnent l’illusion à ceux qui le font qu’ils sont aussi futés que des quakers. Or, en politique, comme ailleurs, le prix de la trahison et de la traîtrise se paye chèrement. Cette constante tient en un proverbe : « Bien mal acquis ne profite jamais ».
Par-delà, les retournements de vestes, désormais si courants au Cameroun, renforcent la désaffection du peuple vis-à-vis des hommes et de la chose politique. Cela fait fatalement le jeu du pouvoir en place. L’ordre gouvernant joue avec espièglerie sur cette corde, sans se douter qu’il se résout au sort du pendu.