Sortir l’Afrique du cercle vicieux de la mendicité

Sat, 16 Jan 2016 Source: Michel Lobé Etamé

Au cours de son dernier voyage en Afrique qui l’a amenée au Nigeria et au Cameroun, Christine Lagarde, patronne du FMI (Fonds Monétaire International), a déclaré que le Nigeria n’avait pas besoin d’une aide du FMI.

Cette déclaration vaut aussi pour d’autres pays africains, dont le Cameroun où elle a poursuivi sa tournée.

Le Nigeria, un géant africain par la taille et la population, est le premier producteur d’or noir sur le continent. Cette richesse, très mal répartie, est à l’origine du conflit qui sévit actuellement dans ce pays où seul le Sud jouit, de manière très inégalitaire, des revenus pétroliers.

Les cours du pétrole s’effondrent actuellement et les projets de développement du Nigeria sont revus à la baisse. Le pétrole à lui seul représente 80% des recettes financières de ce grand pays. Mais le Nigeria dispose encore d’une cagnotte substantielle pour poursuivre sereinement son développement et limiter sa dépendance au pétrole.

Les déclarations de Christine Lagarde ne surprendront donc pas les initiés sur la capacité du Nigeria à poursuivre son développement économique sans l’aide des institutions financières traditionnelles.

Le cercle vicieux de la dépendance et de la mendicité

La gestion économique et sociale de l’Afrique noire reste très liée au modèle hérité de l’indépendance qui est basé sur le clientélisme et la corruption.

L’Afrique dispose pourtant de richesses naturelles exploitables pour se passer des dons, des prêts et des aides extérieures. Ces aides sont soumises à des conditions qui font perdre aux états africains leur droit de regard sur les investissements étrangers.

Au fil des années, de nombreux scandales ont été dénoncés. Les choix proposés et imposés à l’Afrique ne correspondaient pas à leurs besoins. Des usines neuves et novatrices sont tombées en ruine.

Face à ces échecs répétitifs, les États ont été discrédités auprès des Institutions financières et soumis à des plans de restructurations. Les dettes contractées auprès des banques et les emprunts d’état ont pénalisé les économies fragilisées et dépendantes. Les Fonds vautours en ont profité pour déplumer des pays moribonds.

Voilà pourquoi certains États africains sont soumis à la dépendance et à la mendicité auprès des bailleurs de fonds.

Une conjoncture économique internationale défavorable en 2016

Les prévisions de croissance mondiales sont désespérantes, selon le FMI. Les pays émergents revoient tous à la baisse leurs prévisions de croissance. Selon l’OMC, la croissance du commerce mondial sera cette année de 2,8% au lieu 4% l’année dernière. Ce ralentissement va nettement affecter les pays du BRICS et en particulier la Chine dont la crise boursière démontre la fragilité de son économie.

Inéluctablement, les investissements de la Chine et des pays du BRICS en Afrique vont ralentir.

Ce mal peut aussi être un bien pour l’Afrique et l’aider à sortir de sa dépendance à l’égard pays « donateurs ». Saura-t-elle se prendre en charge pour développer ses infrastructures, privilégier les énergies renouvelables et son agriculture ? Face à une conjoncture internationale morose, l’Afrique ne peut compter sur ses « amis ». Elle peut mutualiser ses priorités par une coopération technique continentale.

Le commerce intercontinental en Afrique est la seule alternative pour sortir le continent de sa dépendance chronique à l’égard des grandes puissances. Tous les états le savent. Mais rien ne bougent jusqu’à présent. Le cordon ombilical qui lie l’Afrique aux grandes puissances ne saurait à lui seul justifier les échecs. Un changement de mentalité s’impose. Nous avons tous le devoir d’y participer, de déconstruire ensemble nos cerveaux, nos complexes, nos faiblesses héritées de la colonisation et nos peurs.

A l’horizon 2030, ce sera l’heure du bilan. Aurons-nous atteint nos « Objectifs du Millénaire pour le développement? ». Quelle Afrique laisserons-nous à nos enfants ? Celle de la dépendance, de la mendicité, de la corruption, de la pauvreté, des guerres et de la dictature ?

Auteur: Michel Lobé Etamé