Il ne s’agit pas ici d’absoudre les autorités de leurs responsabilités
Et si le sous-développement visible dans nos villes était en réalité le reflet du rêve de nombreux Camerounais ? Autrement dit, l’anarchie, l’insalubrité et le chaos urbain ne seraient-ils pas simplement l’expression des aspirations d’une population qui ne désire rien d’autre que ce qu’elle a sous les yeux ?
Après tout, chaque Camerounais achète son propre terrain, construit sa propre maison, et façonne ainsi, à son échelle, le paysage urbain. Le désordre que nous observons est donc avant tout l’œuvre des habitants eux-mêmes. Il en va de même pour la conduite sur les routes : le chaos des embouteillages est le reflet des comportements individuels et donc de l'idée que nous nous faisons de la ville.
Il ne s’agit pas ici d’absoudre les autorités de leurs responsabilités, mais plutôt d’interroger les choix urbains des Camerounais. Ces choix traduisent leur propre vision de la vie en ville. Attendre des autorités qu’elles jouent les gendarmes est une chose, mais il faut d’abord comprendre que l’esthétique dominante de nos villes est le miroir des aspirations de leurs habitants. Comme leurs choix vestimentaires et leur apparence traduisent une certaine idée de l’esthétique, l’aménagement urbain est lui aussi le produit d’un imaginaire avant tout individuel.
Or, il faut bien admettre que cet idéal est loin d’être harmonieux puisque dans les quartiers comme sur les routes il ignore les autres. Cela s’explique en partie par la rupture avec l’esthétique traditionnelle africaine et l’incapacité à intégrer pleinement les codes esthétiques occidentaux. Le résultat ? Un entre-deux confus, où le mauvais goût s’est imposé comme un malentendu culturel. On croit toucher à une certaine idée du beau, inspirée de l’Occident, sans réellement y parvenir. Pourtant, pour eux qui ont perdu leurs repères esthétiques africains et aspirent à l’occidentalisation, ce mélange hétéroclite représente le summum du luxe. En d’autres termes, notre ville sale est à notre rêve.