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Paul Biya mérite t-il vraiment le soutien de l'extrême-nord?

Wed, 27 Apr 2016 Source: Raoul Guivanda

La grand­messe de soutien à Paul Biya a comblé ses initiateurs. Tous les gros bonnets des régions septentrionales ont fait le déplacement, érigeant de fait la capitale régionale de l’Extrême­Nord en capitale du Grand­Nord.

La foule des grands jours a aussi fait le déplacement. Les moins prolixes parlent de 20.000 personnes, les plus excessifs avancent le chiffre de 25.000. 50.000 signatures sont déjà disponibles, prêtes à saturer les colonnes du quotidien gouvernemental, Cameroon tribune.

Ensemble, tout ce beau monde a claironné : «Paul Biya, notre candidat». C’est leur droit. Depuis la première élection présidentielle multipartiste de 1992, cette région a toujours fait montre d’une présence aussi constante qu’étonnante aux côtés du chef de l’Etat et président national du Rdpc.

Oui, en 1983, une année seulement après son ascension à la magistrature suprême, celui­ci a élevé cette partie du pays en province, la soustrayant de la tutelle pesante de Garoua. Oui, il a fait des fils de cette région, des pontes de son régime : Ayang Luc, Premier ministre par intérim en 1983 et depuis 1985, président du Conseil économique et social ? Cavaye Yeguié Djibril, président de l’Assemblée nationale depuis 1992.

Oui, il a promu des jeunes loups à des postes de responsabilités : Alamine Ousmane Mey, rigoureux ministre des Finances ? Mopa Fatouing Modeste, directeur général des Impôts aux qualités et à la compétence unanimement reconnues…

Oui, grâce aux dons réguliers du couple présidentiel, les populations de cette région ont parfois de quoi manger quand sonne chez certains, la cloche de la famine. Mais, oui, il a surtout abandonné cette région de plus de quatre millions d’habitants dans une pauvreté extrême. Sur les 16 indicateurs de pauvreté de l’échelle des Indicateurs de Développement Humain (IDH), la région de l’Extrême­ Nord est classée comme étant la plus pauvre du pays, suivie du Nord et de l’Adamaoua.

D’ailleurs, les 2eme, 3eme et 4eme enquêtes camerounaises auprès des ménages, conduites par l’Institut national de la statistique (INS), consacre ce leadership de l’Extrême­Nord parlant de la pauvreté. 74,3% de la population est pauvre, contre 65,9% en 2007 et 56,3% en 2001.

Alors que raisonnent de certains coins du territoire national les bruits des chantiers de l’émergence, grand projet politique qui devrait faire entrer le chef de l’Etat dans l’histoire, l’Extrême­Nord est plongée dans un silence de cimetière. Le père du Renouveau est­il au courant de la situation désespérante de sa fille aînée ?

Sait­il seulement que le plan d’urgence en faveur des régions septentrionales, évalué à 1600 milliards Fcfa par l’élite du Grand­Nord n’a accouché que d’une modeste initiative de 48 milliards Fcfa en faveur de l’Extrême­Nord ?

Sait­il seulement que ses promesses en faveur de cette région ressemblent parfois à un serpent de mer ? Sait­il que l’université de Maroua, «coeur du ballot» de son discours de la campagne présidentielle en 1997 à Maroua n’a ouvert ses portes qu’en 2008, soit onze années plus tard ?

Sait­il seulement que le ministre Eyebé Ayissi, qui a accusé ses frères de l’Extrême­Nord de profiter de Boko Haram pour vouloir le déstabiliser, accusation sans preuve contre la fille aînée du Renouveau, a été récompensé dans son gouvernement d’octobre 2015 ?

Oui, Paul Biya ne peut ne pas savoir. La grande question est : l’Extrême­Nord a­t­il un autre choix politique que de soutenir Paul Biya ?

Auteur: Raoul Guivanda