« Alea jacta est » ! Cette phrase du proconsul romain, Jules César, illustre parfaitement la situation qui prévaut au sein du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) dont on attendait l’identité du candidat à l’élection présidentielle d’octobre prochain. Eh oui, le suspense est pratiquement levé. Le « papy », Paul Biya, âgé de 85 ans et au pouvoir depuis 35 ans, est candidat à un autre septennat à la tête du pays. C’est le ministre de l’Enseignement supérieur, Jacques Fame Ndongo, membre du Bureau politique du RDPC et par ailleurs secrétaire à la communication du parti, qui l’a, en filigrane, annoncé. « Au niveau du RDPC, nous avons nos textes de base qui disposent que le président national du RDPC est le candidat de ce parti aux élections présidentielles…Fort de cela, nous disons que le président Paul Biya sera candidat, puisqu’il est le président national du RDPC », a déclaré, toute honte bue, Jacques Fame Ndongo.
Ainsi, ceux qui, naïvement, pensaient que le « vieux lion », quitterait enfin le Palais d’Etoudi, peuvent continuer de rêver. Si l’octogénaire continue de rudoyer ses enfants et petits-enfants à propos de leurs aspirations au changement, c’est parce que le RDPC, ses cadres ou ses leaders font preuve, depuis des années, de veulerie honteuse. En effet, l’on sait que dans le fond, beaucoup de cadres, au sein du RDPC, veulent la place du « vieux » mais du fait de leur couardise, personne n’ose lever le petit doigt. Le pire, dans cette attitude, c’est que ces gens tapis dans l’ombre, qui guettent le fauteuil du chef, l’accompagnent aveuglément et avec des ovations, dans ses dérives. Il suffira que Paul Biya abandonne le pouvoir, pour X ou Y raisons, pour voir tous les charognards sortir du bois et se présenter comme des hommes providentiels, capables de répondre aux aspirations des Camerounais. Mais pour l’instant, ce sont eux les courtisans du roi, les fidèles, les passionnés, les serviteurs zélés.
Les longs règnes préparent le chaos
Cette hypocrisie fait l’affaire du locataire du Palais d’Etoudi, qui, à son tour, ferme les yeux sur tout, l’essentiel étant que personne ne lorgne son fauteuil. Paul Biya peut ainsi continuer de boire son whisky, engoncé tout tranquillement dans son fauteuil. Dans cette posture, même les récents départs forcés du pouvoir, de Jacob Zuma et de Robert Mugabe ne lui inspirent aucune sagesse. Il oublie qu’il a hérité du pouvoir, d’une personne qui a décidé de le quitter. En cédant le pouvoir pour cause de maladie, Amadou Ahidjo a posé un acte de bon sens et d’élégance politique. Paul Biya, qui a plus de 80 ans aujourd’hui, aurait aussi posé un acte de sagesse et d’élégance politique, s’il avait profité de sa traditionnelle adresse à la Nation pour signifier à la jeunesse, qu’il y a un temps pour tout, y compris la dévolution pacifique et républicaine du pouvoir d’Etat.
Les jeunes Camerounais, voire l’ensemble du peuple camerounais qu’il dit aimer tant, l’auraient applaudi à tout rompre. Et au-delà de son peuple, c’est toute l’Afrique qui l’aurait félicité. Malheureusement, il n’est toujours pas rassasié de pouvoir. De la part d’un homme comme Biya, cela ne doit étonner outre mesure. Car, il ne s’imagine pas un seul instant une vie en dehors du pouvoir. Pour parvenir à ses fins, il n’a épargné aucun détail. Il a réussi le tour de force de mettre pratiquement tous les intellectuels du pays dans la « sauce », à coups d’achats de consciences ou d’emprisonnements arbitraires. Les rares intellectuels qui refusent encore de répéter l’évangile selon saint Paul Biya sans murmure ni esprit critique, se retrouvent en exil d’où ils se font entendre de manière épisodique. Et l’on sait que ce genre d’opposition outre-mer ne perturbe aucunement le sommeil des dictateurs. En outre, Paul Biya a réussi l’exploit de museler l’opposition politique. Quid de famille politique de Paul Biya ? Au sein de cette formation politique, il faut être fou pour évoquer la succession du chef. Et ce terme a été choisi à dessein. Car, Paul Biya ne gouverne pas le Cameroun, il règne sur le Cameroun. Et seule la nature peut contrarier ce règne. Et tout indique au Cameroun aujourd’hui, que la dévolution du pouvoir a de fortes chances de se faire de père en fils. En attendant ce scénario-catastrophe pour le Cameroun, Paul Biya, s’il a encore un grain d’amour pour le Cameroun, doit se rendre à l’évidence que les longs règnes préparent le chaos. Les exemples peuvent être puisés à foison dans l’histoire. Encore une fois, faut-il exclusivement en vouloir au vieux Biya si la crème intellectuelle de la société camerounaise décide d’aliéner l’avenir de la patrie au profit de leurs propres intérêts ? That is the question!