La combinaison des actions hostiles de Boko-Haram et la réaction salutaire de certains media en particulier d’Afrique-Media avait mis le Cameroun au seuil de son unité émotionnelle.
Que cela ait fait peur à ceux qui ont toujours su profiter de notre situation de vassalité et d’indolence est compréhensible; ce qui l’est moins, c’est que nous n’ayons pas compris la valeur historique et stratégique de ce moment et que nous n’ayons pas pu l’exploiter face à un adversaire clairement identifié.
En effet, la suspension d’Afrique Media par le CNC a choqué plusieurs de ceux qui se considèrent nationalistes et panafricanistes ainsi que ceux qui simplement aiment le Cameroun.
Pour un bref moment, les regards accusateurs se sont portés sur le Conseil National de la Communication mais la structure de l’administration camerounaise, l’assurance et l’attitude de défiance de Peter Essoka, le président par intérim de cet organisme de régulation des medias devant les critiques, ainsi que les déclarations du ministre de la communication sont des indications difficilement discutables de ce que derrière le CNC c’est en réalité le gouvernement camerounais qui a muselé ce medium.
Le ministre Issa Tchiroma déclarait au cours d’une conférence de presse que : Le CNC n’a jamais violé ses prérogatives. La responsabilité du gouvernement c’est de faire en sorte que l’instrument de communication ne provoque pas des incidents diplomatiques avec un autre pays.
Le gouvernement ne peut pas accepter qu’un organe de presse épingle une autre nation et se mette à déverser des énormités sur ses citoyens ou sur les dirigeants d’une autre nation. Plus loin, mettant en garde la presse, il ajoute : Ce que je dis est valable pour les autres médias. Vous n’avez pas le droit de vous attaquer à des Etats ou à la vie privée des individus. Et si d’aventure vous le faisiez, eh bien, la foudre du CNC s’abattra contre vous. »
Même les propos de Jean-Bosco Tagne, journaliste du journal Le Jour connu pour son franc-parler dans les affaires internes et membre du CNC ont du mal à convaincre. Il affirmait dans une interview que le CNC était indépendant et que leur décision de sanctionner Afrique Media aurait même choqué certains membres du gouvernement. On imagine mal Mr. Peter Essoka prenant de façon indépendante une décision aussi lourde de conséquences.
Cette suspension temporaire nous le disions a provoqué de la colère chez certains, de la frustration chez d’autres et la confusion chez la majorité qui trouvent que cette sanction du medium qui a galvanisé le peuple et l’a regroupé autour de l’idéal patriotique sonne comme un acte d’ingratitude.
A un moment où les autorités camerounaises étaient dans l’adversité face à Boko Haram, lorsque les risques de scission dans la population étaient réels, les panelistes d’Afrique Media de divers horizons et émissions, au prix de risques personnels ont réussi l’exploit de faire comprendre au peuple divisé dans ses opinions que même si l’on ne s’entend pas sur certains aspects, nous devions nous unir et combattre un ennemi extérieur plus dangereux et destructeur avant de laver notre linge sale en famille.
Nous doutons sérieusement que sans le combat pour le contrôle de la pensée qu’a mené Afrique Media et d’autres organes de presse tels que www.cameroonvoice.com ou www.allainjules.com et plus récemment www.camer.be, le Cameroun s’en serait sorti sans trop de casse. La guerre est d’abord gagnée dans l’information et celle contre Boko Haram a d’abord été gagnée par la presse émancipée du Cameroun.
Et ce n’est pas en diffusant des informations aseptisées comme le font RFI, BBC, France 24 et leurs semblables, qui présentent les prédateurs comme des bienfaiteurs que ces medias de la liberté auraient éveillé la conscience des peuples africains. Il fallait dire les choses comme elles sont, dissiper la confusion et montrer le loup du doigt.
Ces assertions sur le rôle capital des medias évidemment ne doivent en rien occulter l’intrépidité, le courage et le professionnalisme de nos forces de sécurité qui elles payent le prix de ce conflit de leur chair et de leur sang et entretiennent notre fierté d’être Camerounais et Africains.
Le sentiment d’amertume provoqué par la décision du CNC est aggravé par un revirement aussi inattendu que spectaculaire du gouvernement qui embrasse cet ennemi qui manœuvre pour déstabiliser le Cameroun.
Les dernières décisions gouvernementales, notamment l’attribution du marché des cartes d’identités camerounaises à Gemalto, une société anonyme immatriculée aux Pays-Bas avec des ramifications françaises après la résiliation du contrat avec Thales Security, une autre société française, et la cession de la gestion du port de Kribi au groupe Bolloré déjà au port de Douala a fini par faire douter ceux des Camerounais qui croyaient en l’éloignement de notre pays d’avec la pieuvre française qui appauvrit et gangrènent notre pays depuis des décennies.
Les décideurs, nous dira-t-on gèrent des paramètres et des facteurs qui échappent au commun des mortels. Peut-être devrait-on essayer de comprendre ce qui explique les choix des autorités camerounaises. Pourquoi le gouvernement camerounais a-t-il décidé d’intimider Afrique Media après l’avoir laissé pendant des années tenir des propos qu’on estime aujourd’hui à même de porter atteinte l’honneur de pays étrangers?
Nous le savons, nos dirigeants avaient décidé dès le début du conflit avec Boko Haram d’éviter une posture de confrontation contre la France et ses alliés que le reste du monde accuse de soutenir Boko Haram comme ils ont soutenu et soutiennent les fondamentalistes islamiques en Afghanistan, en Libye, Syrie ou en Cote d’Ivoire.
Mais elles avaient tout de même entretenu une atmosphère de froideur avec les autorités françaises, démontrée par des actes symboliques telle que la présence du ministre de la communication camerounais aux cotés de son homologue tchadien sur le plateau d’Afrique Media au moment ou ce dernier affirmait que 40% des armes prises à Boko Haram étaient de fabrication française. Pourquoi donc ce changement ?
Des sources concordantes et dignes de foi laissent croire que de fortes pressions, d’horizons divers (Quai d’Orsay, Elysée) y soient pour quelque chose. Bien plus sérieusement, le Sphinx Hebdo signalait déjà dans l’article intitulé Benjamin de Rothschild au Cameroun : Que viennent Faire Les Maitres Du Monde Chez le Président Biya que ce n’est pas inhabituel pour les dirigeants africains et même occidentaux de se faire tancer.
Les Maitres du Monde ou leurs émissaires ne sont pas obligés de proférer des menaces lorsqu’ils veulent ramener un leader à l’ordre. Une requête du genre « Rendez-vous un service en gardant un œil plus regardant sur vos medias » de la part d’un personnage aussi influent que l’héritier de la section française des Rothschild ou plus probablement une mission de médiation en prélude au voyage du président François Hollande au Cameroun sont suffisants pour faire changer de comportement à la plupart des gouvernements.
Dans ce cas il devient aujourd’hui légitime de se demander si les affirmations d’Afrique Media concernant les 8 ou 9 soldats français capturés en compagnie des terroristes de Boko-Haram et faits prisonniers étaient aussi exagérées que cela. D’ailleurs, vu sous l’hypothèse de la véracité, le voyage éclair de François Hollande au Cameroun et les dernières postures de Madame Robichon, l’ambassadeur de France au Cameroun font plus sens.
En effet, qu’est-ce qui peut mieux expliquer une escale présidentielle de quelques heures sous la couverture de l’obscurité que l’embarquement discret des 8 ou 9 prisonniers dont la mise en public aurait pu être un sujet de conflagration entre le peuple Camerounais et la France ainsi qu’un énorme embarras pour ce pays?
Et que dire du comportement curieux de Madame Robichon qui s’est tue des mois durant face aux accusations répétées d’Afrique-Media sur les prisonniers français mais qui quelques jours après la visite de François Hollande est montée au créneau pour déclarer qu’il n’y avait aucun soldats Français détenus au Cameroun, ce qui probablement était vrai au moment ou elle faisait cette déclaration ? Le journaliste britannique Claud Cockburn ne nous a-t-il pas appris qu’il ne faut jamais croire à une rumeur jusqu'à ce qu’elle soit officiellement démentie ?
Faut-il ainsi voir en les récentes attaques que subissent dans les medias de nombreux panafricanistes tels que Jean-Paul Pougala ou le président Banda Kani, paneliste d’Afrique Media et leader d’opinion très influent, une contre-offensive de la France et de ses relais locaux ? Les grands panneaux publicitaires des multinationales françaises dans les arcanes des villes camerounaises et les « dons » symboliques des entités françaises semblent participer de cette stratégie globale.
Quelles que soient les raisons pour lesquelles les autorités camerounaises ont pris la décision de suspendre Afrique Media, elles courent le risque de désactiver et de démotiver leur véritable soutien qui est le peuple. L’engagement de ce dernier dans le conflit contre Boko Haram, manifesté par une forte résurgence du président Biya en popularité et des contributions financières a été déterminante dans la position de force que le Cameroun tient en ce moment vis-à-vis de ses adversaires.
C’est la popularité du leader parmi son peuple qui le protège en réalité. Ce ne sont pas les promesses trompeuses des prédateurs. Aucun régime supporté par un peuple informé et engagé n’a jamais pu être renversé. Le Vietnam, Cuba ou le Venezuela sont là pour en témoigner. A l’inverse, sans le soutien du peuple aucun gouvernement ne peut tenir face à des prédateurs étrangers.
L’activiste américain Louis Farrakhan raconte qu’un jour, s’inquiétant de ce que l’ouverture du leader libyen à ses anciens adversaires occidentaux le rendait vulnérable lui demanda au cours d’un entretien s’il avait la maitrise des conséquences possibles de ses choix. Sans dire un mot, le Colonel Kadhafi lui tapota la cuisse comme pour dire qu’il sait ce qu’il fait. Il croyait vraiment qu’il aurait pu trouver une sorte de plateforme pour une coexistence paisible et profitable à son pays et à ses interlocuteurs. Aujourd’hui, nous savons par des épisodes comme celui-là qu’on ne peut baisser la garde face aux prédateurs.
Ne croyez pas que nous soyons des va-en-guerre qui encouragent une posture de confrontation avec ceux qui veulent nous détruire. Au contraire, nous aimerions que le Cameroun coexiste pacifiquement avec tous les peuples du monde. Nous avons même à certains moments salue l’attitude de sagesse de nos dirigeants mais nous savons aussi que l’on ne peut faire confiance à nos « partenaires » occidentaux.
Ils ont la rancune tenace et n’oublient pas les humiliations. Ils ne vont certainement pas oublier l’humiliation Boko Haram ni les années de mise à nue de leurs sordides activités sur les antennes d’Afrique Media que dans certains milieux, on accuse les autorités camerounaises d’avoir laissé chanter. Ils ne manqueront pas de frapper à la prochaine faiblesse.