Le 15 juin 2015, vers 9 h du matin, un double attentat frappe en plein coeur la capitale tchadienne. Les deux attaques ont ciblé le commissariat central de Ndjamena et l’Ecole de police. Une première dans l’histoire du Tchad qui a tôt fait d’y voir la main criminelle du groupe islamiste Boko Haram.
Cette secte veut faire payer à Ndjamena le prix de son engagement sousrégional. L’information émeut très rapidement l’opinion et passe en boucle dans les médias, faisant passer sous silence deux autres attentats suicides et trois attentats manqués à Postikum et à Maiduguri, le même jour.
Les images des caméras de surveillance du premier attentat en disent un peu plus sur les circonstances de cet acte terroriste. On y voit deux hommes descendre d’une moto, puis marcher à vive allure, avant que l’un d’eux ne s’arrête net devant le commissariat, feignant de demander un renseignement aux deux policiers assis devant l’édifice.
Puis, moins de deux secondes après, survient l’explosion qui tue plusieurs personnes aux alentours. Après l’émotion, le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Benin ont commencé à s’interroger sur la nouvelle stratégie menée par Boko Haram.
Audelà de la portée symbolique et psychologique que constituent les attentats de Ndjamena, il faut garder à l'esprit la dimension tactique de ce mode opératoire qui repose sur un long travail d’endoctrinement, par le groupe islamiste, de ses éléments estampillés «bombes humaines».
La stratégie n’est pas le résultat car elle impose de facto, une adaptation des mesures securitaires, souvent plus defensives qu’offensives. «Ils (Boko Haram, Ndlr) veulent orienter l’attention ailleurs, pour leur donner le temps de se refaire une santé», confie un général tchadien.
En effet, les opérations de contre-terrorisme en milieu urbain absorbent beaucoup de ressources policières et militaires. Les attentats suicides ont donc un effet de diversion qui oblige les pays à prioriser la sécurité intérieure au détriment de la coopération régionale, ce qui peut permettre au groupe terroriste de se reconstituer, se réapprovisionner et regagner en mobilité comme cela semble d’ailleurs être le cas en ce moment.
«Le "tout sécuritaire" qui consiste à concentrer des forces sur des zones sensibles jouera en faveur de Boko Haram qui peut ainsi reconquérir l'espace perdu, l'étendue géographique étant vitale pour le groupe. Il y a donc de fortes chances que nous assistions à de nouveaux attentats à Ndjamena et ailleurs, et qui obligeront les dirigeants à reconsidérer leur participation à la force multinationale mixte, le Tchad étant le deuxième contributeur de troupes après le Nigeria», poursuit un expert en sécurité.
Le message que les terroristes peuvent vouloir faire passer est qu’ils ont la capacité de frapper partout au Tchad. Cela aurait pour effet de démontrer que l’appareil sécuritaire tchadien, tant vanté, ne serait, en fait, pas aussi efficace qu’on le prétend.
Quoi qu’il en soit, les autorités camerounaises ont pris la mesure du danger. Maroua a vite pris des dispositions pour parer à une telle éventualité. Une réunion de sécurité a même réuni des responsables administratifs et sécuritaires le jeudi 18 juin, pour prévenir une éventuelle attaque de ce genre.